CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE
Tim Burton, 2005
LE COMMENTAIRE
Biberonnés à Noël et son Père (cf 3615), il n’est rien qui excite plus les enfants qu’une bonne vieille chasse aux cadeaux. C’est ainsi qu’ils imaginent le monde comme regorgeant de tickets gagnants à la loterie. Ces imbéciles rêvent d’être l’heureux gagnant, sans savoir ce qui les guette de l’autre côté du miroir (cf Matrix).
LE PITCH
Cinq enfants gagnent le droit de visiter une usine très particulière.
LE RÉSUMÉ
Le petit Charlie Bucket (Freddie Highmore) vit modestement avec sa famille, juste à côté d’une grande chocolaterie. Sa mère (Helena Bonham Carter) reste à la maison pour s’occuper des grands-parents et le père (Noah Taylor) travaille dans une usine de dentifrice.
La chocolaterie a alimenté les rêves les plus fous jusqu’à ce que Willy Wonka (Johnny Depp), son propriétaire, n’en ferme les portes et renvoie tous ses employés – y compris Joe (David Kelly), le grand père de Charlie. Certains s’étaient rendus coupables d’espionnage industriel. Salauds de pauvres.
Wonka continue de fournir le monde en chocolat mais travaille désormais dans le plus grand secret.
À la surprise générale, l’entreprise lance un gros coup marketing en glissant cinq golden ticket dans le packaging de ses tablettes de chocolat. Les gagnants auront le droit de visiter l’usine et l’un d’entre eux gagnera une récompense spéciale.
Augustus (Philip Wiegratz), Veruca (Julia Winter), Violet (AnnaSophia Robb) et Mike (Jordan Fry) trouvent chacun un golden ticket dans leur chocolat. Charlie va finalement remporter le dernier ticket par hasard.
Pendant la visite, tout peut se manger (cf La Grande Bouffe). Wonka montre ses toutes dernières innovations à ses invités. Tour à tour, les enfants tombent dans les pièges qui leurs sont tendus. Augustus est trop gourmand, Violet trop prétentieuse, Veruca trop capricieuse et Mike trop impatient. Après chaque élimination, les Oompa-Loompas au service de Wonka chantent une petite chanson moralisatrice.
Au cours de la visite, Charlie n’a eu de cesse de questionner Wonka sur son enfance, faisant ressurgir des souvenirs douloureux. Le père de Willy (Christopher Lee) était dentiste et lui a imposé un traitement d’orthodontie assez sévère, tout en le privant de sucreries. Plus tard, le jeune Willy a gouté à son premier chocolat et a eu une révélation. Il a tout quitté pour monter son empire et n’a plus reçu de nouvelle de son père depuis.
À la fin de la visite, il ne reste donc plus que Charlie. Willy lui propose de devenir son héritier mais pour cela, il doit abandonner sa famille. C’est le prix à payer.
A chocolatier has to run free and solo. He has to follow his dreams. Gosh darn the consequences. Oh, look at me. I had not family, and I’m a giant success.
Charlie refuse. Wonka ne comprend pas. Déprimé, ses dernières créations sucrées s’en ressentent. Les ventes chutent. Wonka retourne consulter Charlie qui lui propose de retrouver son père. Après leur réconciliation, Wonka accepte finalement que la famille Bucket rejoigne son usine.
Although Charlie won the chocolate factory, Wonka had something better: A family. The Bucket family learns that life was never sweeter.
L’EXPLICATION
Charlie et la Chocolaterie, c’est la solitude du grand patron.
Willy Wonka ne doit son succès qu’à lui-même. Son père l’a aidé en ne l’aidant pas. Très jeune, Willy a du quitter le nid familial pour voler de ses propres ailes. Après avoir réussi dans les affaires grâce à son flair et un véritable talent de marketer, Wonka a du vivre la trahison de ses propres employés. Ce qui l’a conduit à s’isoler davantage (cf Le Parrain 2).
S’il s’en sort très bien tout seul, il a néanmoins besoin d’un héritier sinon tout ce qu’il aura fait n’aura servi à rien. Ce qui serait encore plus dramatique pour lui encore (cf There will be blood). C’est pourquoi il organise ce concours, avec l’espoir de peut-être trouver un enfant qui en vaut la peine.
La visite qu’il organise sonne faux. Les automates prennent feu. Elle fait éclater au grand jour la tristesse du patron, ainsi que ses inaptitudes sociales.
Don’t you want to know about our names?
Can’t imagine how it would matter.
Lorsque ses invités déclinent ses propositions, ce personnage étrange devient lugubre. Des propositions qui pourraient d’ailleurs être facilement interprétées de travers.
There’s other candy too besides chocolate.
En réalité, Willy Wonka n’est pas Michael Jackson (cf Leaving Neverland). Simplement, il ne veut pas s’intéresser à autrui de peur d’être rejeté, abandonné ou trahi à nouveau. Les autres représentent pour lui une menace aussi bien professionnelle que personnelle. C’est de cette manière qu’il en est arrivé à se méfier de ceux qui sont pourtant ses clients.
Pire, il les méprise.
That’s what you get for chewing-gum all day. It’s just disgusting!
If you hate gum so much why do you make it?
Le ressentiment s’auto-nourrit. Les consommateurs de chocolat finissent à leur tour par mépriser Wonka, à l’image de Mike :
All you think about is chocolate. He thinks he’s a genius but he’s an idiot!
Charlie également change radicalement d’opinion à propos de Willy.
I thought he was great at first but then he didn’t turn out to be so nice.
Devant l’échec de son opération séduction, Wonka doit se remettre en question. Il entame un travail psychologique qui lui permet de conclure qu’il ne peut pas se suffire à lui-même. Modestement, il retourne voir Charlie qui lui propose de renouer avec son père. Ce qui permet à Wonka de comprendre que son paternel ne le déteste pas, bien au contraire : Il a collecté tous les articles de presse concernant l’entreprise de son fils – avec fierté.
Le patron sombre retrouve des couleurs. Et le sourire.
Il avait perdu la confiance, une dimension essentielle au succès dans les affaires, mais surtout au bonheur dans la vie. Wonka se soucie désormais moins des coups bas qu’on pourrait lui faire. Il ouvre véritablement ses portes, accueille une famille chez lui et accepte de partager son dîner (cf Centochiodi), plutôt que d’essayer de tuer les autres (cf Merci pour le chocolat).