LE ROI LION
Roger Allers, Rob Minkoff, 1994
LE COMMENTAIRE
Le Lion a été déclaré Roi de la jungle parce qu’il est l’un des prédateurs les plus nobles de la savane. Du haut de son rocher, il domine la plaine et en impose avec sa crinière. Tout roi qu’il est, le lion sait qu’il se doit de rester humble. D’abord parce que les hippopotames et les éléphants n’ont que faire de ses rugissements. Et car les touristes rôdent avec leur smartphone ou leur gun.
LE PITCH
Un jeune lionceau doit prendre la relève.
LE RÉSUMÉ
Quelque part en Afrique, le roi Mufasa et la reine Sarabi viennent de donner naissance au petit Simba. Il est porté en triomphe par Rafiki. Tout le monde se réjouit sauf Scar. Le frère de Mufasa voulait la place.
Life is not fair. I shall never be the king!
Mufasa s’occupe de l’éducation de son fils et le prépare à la tâche qui l’attend. Il lui apprend notamment l’histoire de la vie et tente de lui prodiguer des conseils pleins de sagesse.
Everything you see exists together in a delicate balance. (…) We’re all connected in the great circle of life.
Tout l’inverse de Scar qui essaie de piéger Simba en profitant de sa curiosité (cf Alice au pays des merveilles). Il l’envoie, accompagné de son amie Nala, se perdre dans le cimetière des éléphants où rôdent les trois hyènes Shenzi, Banzai et Ed. Heureusement que Zazu monte la garde et prévient Mufasa qui intervient en catastrophe. Une bonne leçon pour la suite :
I was trying to be brave like you…
I’m only brave when I have to be. Being brave doesn’t mean looking for trouble!
La suite est malheureusement moins drôle. Scar piège à nouveau Simba, menacé par un troupeau de gnous. Mufasa intervient à nouveau mais alors qu’il s’accroche à la falaise, Scar le fait tomber.
Long live the king!
Le Roi se fait écraser par la horde. Tragique.
Le lion est mort ce soir. Viens ma belle, viens ma gazelle.
Scar prend le pouvoir. Les hyènes infiltrent la terre des Lions. Et Simba, croyant que tout est de sa faute, quitte le domaine. Mourant dans le désert, le lionceau est secouru par deux autres exilés : Timon, un suricate, et Pumbaa, un phacochère. Ses deux amis l’aident à sortir de sa dépression grâce à leur philosophie Hakuna Matata. Pas de prise de tête.
Un peu plus tard, il retrouve Nala qui le supplie de sauver la terre des Lions des griffes de Scar. Simba n’est pas encore prêt.
Rafiki lui permet de voir que l’esprit de Mufasa est avec lui.
He moves in you!
Dans un combat sans merci, Simba impose sa loi. Scar se fait trahir par les hyènes et disparait. Simba devient le nouveau Roi et fait de Nina sa Reine (cf The King). Le pluie tombe à nouveau sur la terre des Lions qui était devenue désertique.
Le couple célèbre la naissance de leur petite princesse Kiara.
L’EXPLICATION
Le Roi Lion, c’est dépasser Freud.
Dans la mythologie grecque, Laïos est averti par l’oracle que son fils le tuerait un jour. Pas fou, Laïos se débarrasse aussitôt d’Oedipe, qui survit néanmoins. On connait la suite.
Plus tard, Freud écrit dans son journal : J’ai trouvé en moi des sentiments d’amour envers ma mère et de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants. Il pose son complexe : pour s’épanouir en tant qu’homme, il est donc nécessaire de tuer le père au sens propre (cf Star Wars) comme au sens figuré (cf Ad Astra).
Si on n’y arrive pas, on reste toujours dans l’ombre du patriarche, incapable de se développer (cf Jiro dreams of sushi). Si on ne le tue pas correctement, il peut revenir et c’est encore pire (cf Le Retour).
Bien que Mufasa soit aimé de tous, y compris de son fils, on sent déjà naître une frustration chez le petit Simba, impatient de voir du pays (cf Les Huit Montagnes).
I never get to go anywhere…
Il tue son père. En tout cas, il le croit. Son père meurt écrasé par sa faute. C’est sûr.
Il devrait être heureux maintenant que la place est libre. En réalité, c’est tout le contraire qui se produit. La culpabilité l’empêche de jouer son rôle puisqu’il fugue. Laissant la place au despote Scar.
Personne n’a dit qu’il serait facile de tuer le père. Surtout quand ce père est plutôt sympa, ce qui est le cas de Mufasa : un paternel juste et bienveillant. En tuant le père, Simba se sent terriblement mal. Il aurait certainement aimé pouvoir grandir un peu sous sa tutelle et en plus, il prive tout le royaume d’un souverain respecté de tous. Par ailleurs, le petit lionceau n’est pas encore prêt à endosser pareilles responsabilités (cf Le discours d’un roi).
Entouré de Timon et Pumbaa, Simba se refait une santé. En faisant la fête, Simba oublie ce drame. Loin de tout, sa vie devient plus insouciante.
When the world turns his back on you, you turn your back on the world.
Simba se réfugie dans ce petit confort. Il se permet le luxe de blâmer son défunt père pour ce qui s’est passé.
You said you would always be there for me but you’re not!
Et il joue les victimes dès que Nina lui en donne l’occasion.
You don’t know what I’ve been through!
Pauvre chat.
Rafiki va l’aider à sortir de l’adolescence en lui montrant que son père n’est pas mort. Simba croit halluciner…
That is not my father, that is just my reflection.
Il comprend que son père n’est effectivement pas mort. Bien au contraire, le Roi continue à vivre à travers son fils. Cette pensée le déculpabilise et le rassure.
You must take your place in the circle of life.
Simba est désormais prêt à investir le monde et prendre sa place. Pour cela, il va devoir tuer non pas le père, mais celui qui a tué son père. En faisant fuir les hyènes, il chasse également ses idées noires.
Simba tord ainsi le cou à Sigmund en faisant vivre son père.
The king has returned.
Ce qui ne l’empêche visiblement pas de vivre heureux avec Nina et devenir père à son tour, sans angoisse. Au diable la Grèce. Vive l’Afrique. L’équilibre est rétabli. La savane peut faire la fête.
Le Roi Lion, c’est le mythe de Freud ou la Shoah version Wall Disney. On y retrouve la figure d’Hitler sous les traits de Scar, la Wehrmacht et ses hordes de gnous, la gestapo et ses hyènes puantes. La steppe ravagée a remplacé Auschwitz, les cadavres d’éléphants font figure de charnier. Simba, lui, ressemble à ce jeune garçon tremblant de peur, caché dans une armoire qui voit son père se faire exécuter par les SS et sa mère emporter à Dachau.
Comment se reconstruire après un tel traumatisme? Le film donne quelques éléments de réponse. Faire mémoire, savoir affronter son passé pour mieux combattre le fascisme et défendre la liberté. Continuer de regarder le soleil se lever au dessus de la montagne, compter les étoiles, rire, aimer, vivre… en résumé voir la beauté du monde, malgré tout.
Et bien merci Delphine pour cette explication et ce parallèle inattendu entre la savane et la Pologne.
Avouez que vous étiez toute proche de comparer Simba au Général de Gaulle.