JIRO DREAMS OF SUSHI
David Gelb, 2011
LE COMMENTAIRE
Il y a des équations évidentes. Ex: Un chapeau gris + une écharpe rouge = Bouli avec son p’tit nez rouge. D’autres équations sont plus difficiles d’accès. Ex: Un petit morceau de poisson + un peu de riz = une addition à 500 euros. Parce que la richesse n’est pas toujours dans ce qui se voit.
LE PITCH
Jiro Ono est au sushi à ce que Père Dodu est au cordon bleu.
LE RÉSUMÉ
Jiro Ono est le propriétaire de Sukiyabashi Jiro, un restaurant de sushis situé dans une station de métro de Tokyo. Dix couverts. Rien que des sushis. On ne choisit pas. Il en sert vingt par tête, pour la somme de 30,000 yens.
Pour y manger, il faut réserver plusieurs mois à l’avance. On n’a quand même pas trois étoiles au Michelin sans raison (cf L’Aile ou la Cuisse)!
Le critique culinaire Yamamoto résume les cinq qualités qui font un chef exceptionnel:
- Prendre son travail au sérieux
- Essayer de toujours faire mieux
- Avoir un sens de la propreté impeccable
- Faire preuve d’impatience et d’obstination.
- Être passionné.
Il retrouve ses cinq qualités chez Jiro, qui l’intimide encore aujourd’hui. Il faut dire que le maître inspire le plus profond respect. Chez lui, on n’est jamais déçu. À ce niveau de qualité, on peut parler d’art et de dévotion.
Once you decide on your occupation, you must immerse yourself in your work. You have to fall in love with your work. Never complain about your job. You must dedicate your life to mastering your skill. That’s the secret of success and is the key to being regarded honorably.
Il a fait ce métier toute sa vie. Les sushis. Il pense shushis, il rêve même qu’il fait des sushis la nuit. Les vacances lui sont toujours trop longues.
Ses deux fils sont également dans les sushis. Takashi, le plus jeune, a quitté Sukiyabashi pour ouvrir son propre restaurant, plus abordable, dans le quartier de Roppongi Hills. L’aîné Yoshikazu, la cinquantaine, continue de travailler avec son père puisqu’il a l’obligation de lui succéder et aura la pression énorme de reprendre Sukiyabashi.
La qualité nécessite qu’on fasse le marché soi-même pour trouver le meilleur poisson.
I either buy my first choice, or I buy nothing. If ten tuna are for sale, only one can be the best. I buy that one.
La qualité demande du temps : au moins dix ans pour devenir cuisinier chez Sukiyabashi. La qualité réclame qu’on respecte le timing de chaque ingrédient pour mieux les marier.
Creating union between the fish and the rice. If there’s not complete harmony, the sushi will not taste good.
La qualité c’est être soucieux du moindre détail, y compris qui s’assied où. Afin de pouvoir délivrer son travail comme s’il s’agissait d’une magnifique symphonie. Le goût de la qualité se transmet.
Always look ahead and above yourself, always try to improve on yourself, always strive to elevate your craft. That’s what he taught me.
L’EXPLICATION
Jiro dreams of Sushis, c’est un exemple.
Un exemple est une personne dont les actes sont dignes d’être imités. En quoi Jiro est-il exemplaire ? Il représente une certaine droiture. Les années passent et Jiro n’est impliqué dans aucun chantage à la sextape ou scandale lié à une affaire de harcèlement sexuel (cf Harvey Weinstein, Weiner).
Cet homme discret, planqué à Ginsa, n’a pas cédé à la démesure.
Fidèle à lui-même.
The difference between Jiro today and Jiro 40 years ago is only that he stopped smoking. Other than that, nothing has changed.
Il est aussi fidèle à son travail. Sa constance est à saluer, particulièrement aujourd’hui où l’on ne sait que valoriser les gens qui passe d’un job à un autre, les prisonniers du switch. Au contraire, Jiro a continué de faire ce travail dont il est tombé amoureux il y a des années déjà.
Belle est Sébastien, c’était une histoire d’amour.
Jiro et les sushis c’est encore autre chose.
I’ve never once hated this job, I fell in love with my work and gave my life to it. Even though I’m eighty five years old, I don’t feel like retiring. That’s how I feel.
L’histoire de Jiro est celle d’un engagement. Aujourd’hui on veut tout, tout de suite, et sans se forcer. Ce qui ne nous empêche pas de continuer à vouloir car on ne sait finalement pas vraiment ce après quoi on marche.
Jiro rappelle qu’il faut travailler pour obtenir ce qu’on veut. La vie n’est pas une histoire de grosses bagnoles et de piscines mais plutôt d’estime de soi. Est-ce qu’on est capable de se regarder les yeux dans les yeux ? Faire le nécessaire pour pouvoir se regarder les yeux dans les yeux ?
These days the first thing people want is an easy job. Then, they want lots of free time. And then, they want lots of money. But they aren’t thinking of building their skills. When you work at a place like Jiro’s, you are committing to a trade for life.
Jiro Ono incarne une exigence folle, sans bluff.
We’re not trying to be exclusive or elite. The technique we use is no big secret. It’s just about making an effort and repeating the same thing every day.
L’exigence de Jiro confirme la pensée de Brassens : Sans travail, le talent n’est qu’une sale manie.
Some were born with a natural talent. If you take it seriously you’ll become skilled, if you want to make a mark in the world you have to have talent. The rest is how hard you work.
L’exigence pousse à l’humilité. Le flair caractéristique, notre « patte », ne sont jamais que le fruit d’années d’acharnement.
It takes years of experience to develop your intuition.
Cette exigence fait la différence. Elle fait peur autant qu’elle inspire. Ses fils notamment sont admiratifs devant Jiro. Ils en trahissent Freud. Ils savent que c’est peine perdue.
There’s nothing I can do to top him.
L’exigence de Jiro est saluée par sa critique. Elle est recherchée par ses clients. Enviée par ses fournisseurs puisque même les poissonniers essaient de se mettre au diapason.
I’m asking myself : is it worth of Jiro?
Si on prenait exemple sur lui, que se passerait-il ?
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- Déjà, plus de problème d’obésité.
- Les restaurants se satisferaient de n’avoir que dix sièges, pas plus.
- On vivrait sans doute plus vieux et en bonne santé.
- La patience serait élevé au rang de vertu.
- On se saurait se satisfaire de choses simples.
How can something so simple can have so much depth in flavor?
Il faut quand même reconnaître qu’on ne se marrerait pas beaucoup non plus.
Les sushis, c’est sympa mais les sushis tous les jours…
Cela manque un peu de frites et de ketchup quand même. De merguez. Et puis pensons avant tout aux plus végétariens d’entre nous qui auront du mal à voir en Jiro autre chose qu’un boucher.
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