RIEN NE VA PLUS
Claude Chabrol, 1997
LE COMMENTAIRE
Quand on est ado, on se met en couple pour se prouver des choses (cf Les Beaux Gosses). C’est pourquoi on cherche de solides arguments. Sortir avec la plus belle fille de la classe, ou le plus mauvais garçon. Accrocher quelqu’un à son tableau de chasse. Avec le temps, on reconsidère ses critères de choix pour réaliser que l’essentiel est de trouver quelqu’un qui nous convienne. Notre temps est trop précieux pour l’occuper avec des personnes avec lesquelles on s’ennuie.
LE PITCH
Un couple de petits escrocs s’attaquent à un gros poisson.
LE RÉSUMÉ
Betty (Isabelle Huppert) drague ostensiblement un congressiste (Jackie Berroyer) à la table d’un casino.
Je ne suis pas une pute, je suis une femme libre qui fait ce qui lui plait.
Elle le drogue au bar d’un hôtel pour mieux lui dérober une partie de sa modeste fortune. Quand les victimes se font voler à moitié, elles n’ont pas l’impression de se faire voler. C’est la règle de Victor (Michel Serrault), le partenaire de Betty.
Le couple reprend la route vers Paris, dans son camping car.
Betty part à Sils Maria pour y retrouver sa prochaine cible. Maurice (François Cluzet) prépare une grosse opération : un transfert de cinq millions de francs Suisse vers la Guadeloupe. Le problème est que Maurice tient sa mallette menottée à son poignet.
Le plan est que Victor embarque avec eux dans l’avion et procède à un échange de mallette pendant un moment d’inattention de Maurice, que Betty a tenu à mettre dans la combine. À leur arrivée à Pointe-à-Pitre, Maurice intercepte Victor. Récupère la valise qu’il croit être la sienne alors qu’elles n’ont pas été interverties.
Le trio est finalement rattrapé par son propre quiproquo quand les hommes de Monsieur K (Jean-François Balmer), l’employeur de Maurice, contraignent Betty et Victor à les suivre. Maurice git dans la baignoire. Monsieur K se montre menaçant. Il veut récupérer l’argent que Maurice lui a volé.
En réalité, Victor avait réussi à prendre deux millions dans la mallette.
Il joue au plus fin pour convaincre monsieur K de le laisser partir, en utilisant sa méthode.
C’est beaucoup plus facile de rouler quelqu’un qui se croit en position de force.
Il est roué de coups et abandonné en compagnie de Betty sur la plage. Le lendemain matin, Victor a mis les voiles. Son amie se réveille seule.
Mon salaud! Attends que je te retrouve…
Elle le retrouve effectivement quelques temps plus tard, en Suisse, dans un fauteuil roulant, prétendant être devenu paraplégique suite au passage à tabac. Betty ne s’amuse pas de la plaisanterie et s’en va… pour mieux revenir.
L’EXPLICATION
Rien ne va plus, c’est retenir son souffle.
Le monde est très ennuyeux. Clermont-Ferrand. Le métro à Paris. Les cons comme Maurice qui pensent être plus malins que tout le monde alors qu’ils se font toujours rattraper par la patrouille de Monsieur K.
Je ne me fais aucune illusion sur la profondeur de la connerie humaine.
Dans cet environnement aussi prévisible que terne, Betty et Victor ont fait le choix de vivre différemment. Vivre comme au casino en prenant des risques à la roulette. Les jeux sont faits. Ne reste plus qu’à attendre où la bille capricieuse va s’arrêter, sans jamais savoir. Quelques secondes qui font que la vie vaut d’être vécue, au moins jusqu’au prochain tour.
C’est ainsi qu’ils vivent de petites arnaques. Suffisamment pour leur permettre de vivre confortablement. Pas assez pour se faire prendre. Juste ce qu’il faut pour se divertir. Ils vivent un peu aux crochets de riches imbéciles (cf Parasite).
Eux ils ont du génie, nous on se bat pour survivre.
Tout cela manque de sel pour Betty. Son coeur ne palpite plus. La jeune femme commence à se lasser (cf Gone Girl). Les petites combines de son Victor, on commence à les connaître. Il est peut-être temps pour elle de voler de ses propres ailes.
Je t’aime beaucoup mais je peux vivre sans toi.
C’est donc elle qui propose un coup plus ambitieux, à 5 millions de francs suisse. Le soleil de la Guadeloupe. Une affaire un peu trop importante au goût de Victor le pantouflard, qui se plie aux désirs de sa partenaire malgré tout. Pendant qu’ils jouent la comédie face à Maurice, Betty provoque un peu Victor.
La retraite ne vous pèse pas trop ?
Non, on a ses petites distractions.
Betty rajoute de la complexité à la partie en jouant un double jeu avec Maurice, qui croit arnaquer Victor. Brouiller les pistes est une manière pour Betty de prouver à son partenaire qu’elle peut faire cavalier seule.
Est-ce que j’ai mon mot à dire ou je suis un jouet entre les mains de deux entités supérieures ?
On ne sait plus vraiment avec qui elle travaille. L’élève à dépassé le Maître.
C’est toi qui m’a appris à m’amuser.
Piqué dans son amour propre, le vieux va retrouver un second souffle pour surprendre Betty et lui donner une bonne leçon. Parce qu’ils sont quand même passés à côté de la correctionnelle…
Non seulement il dérobe un peu d’argent dans la mallette de Maurice avec l’adresse qu’on lui connait, mais Victor réalise un véritable numéro pour se tirer des griffes du redoutable Monsieur K. Un tour de force. En quelques sortes, un beau pied de nez à Betty.
Tu voulais t’amuser, tu t’amuses.
Lorsqu’elle retrouve le loup dans sa tanière, Betty est d’abord agacée d’avoir été prise pour une imbécile. Victor continue d’ailleurs de la prendre pour une imbécile depuis son fauteuil roulant alors qu’il n’est pas handicapé. Pire, il tient toujours son discours misérabiliste qui agace profondément Betty.
On est vivant, il n’y a que ça qui compte.
Trop c’est trop! Cette fois-ci, elle part pour de bon. Forçant Victor a lever son gros cul de sa chaise s’il ne veut pas la perdre définitivement (cf Welcome).
Tu ne vas pas me faire croire que tu n’aimes plus rigoler!
Voilà ce qu’il fallait dire pour la faire revenir. Ces deux là ont trouvé leur propre mode de fonctionnement (cf Phantom Thread). Ils se tiennent en haleine. Sur la musique, ils vont ils viennent. Sans pouvoir se passer l’un de l’autre.
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