COMME DES PHÉNIX : L’ESPRIT PARALYMPIQUE
Ian Bonhôte, Peter Ettedgui, 2020
LE COMMENTAIRE
Combien de fois avons-nous eu envie de nous échapper de nos vies minables et totalement inutiles? Claquer la porte une bonne fois pour toute. Ouvrir les fenêtres. Sortir de la routine. Nous envoler avec grâce et légèreté (cf Birdman). Ne plus penser à ces problèmes du quotidien qui nous minent car ils nous empêchent de nous rapprocher de l’excellence. Et dire qu’à tous ces petits tracas, certains doivent encore rajouter le fait de n’avoir plus qu’une jambe…
LE PITCH
Hommage aux athlètes du paralympisme.
LE RÉSUMÉ
Jean-Baptiste Alaize est un rescapé de la guerre civile au Burundi. Il fut le témoin du massacre de sa mère et reçut quatre coups de machette qui l’ont privé d’une jambe. En France où il fut adopté, il connut le racisme et la discrimination.
J’ai souvent entendu dire que j’allais être un bon à rien, que j’étais un bamboula (…), j’étais petit je comprenais pas trop ce qui se passait… J’ai souvent des problèmes à comprendre pourquoi l’humain est parfois dur avec la différence.
Aujourd’hui, il est champion de saut en longueur.
Ryley Batt est né en Australie, sans jambe. Aujourd’hui, il est champion de rugby en fauteuil.
Ntando Mahlangu a découvert le plaisir de se mouvoir grâce à deux prothèses. Le Sud-Africain est désormais champion de sprint.
Tatyana McFadden est née en Union Soviétique où sa mère biologique a du la confier à un orphelinat. Adoptée par une famille Américaine et paralysée sous la ceinture, elle est aujourd’hui championne en fauteuil sur longue distance.
Matt Stutzman est né sans bras, sans que personne ne sache pourquoi. L’Américain a du apprendre à se débrouiller avec ses pieds. Aujourd’hui, il est champion de tir à l’arc.
Ellie Cole a du subir une amputation de la jambe à l’âge de trois ans pour guérir de son cancer, après l’échec de sa chimiothérapie. Les piscines Australiennes étaient le seul endroit où elle se sentait comme un poisson dans son bocal. Aujourd’hui, elle est championne de natation.
Cui Zhe a perdu l’usage de ses jambes mais pas de ses bras. La Chinoise est championne d’haltérophilie.
Jonnie Peacock fut victime d’une méningite qui le priva d’une partie de sa jambe droite. Aujourd’hui, cet Anglais fervent admirateur d’Oscar Pistorius domine le sprint handisport.
Bebe Vio fut aussi ravagée par la méningite à l’adolescence, perdant ses bras et ses jambes. Ce qui ne l’a pas empêché de continuer l’escrime et devenir championne dans cette catégorie.
Ces athlètes peuvent s’illustrer lors des Jeux Paralympiques qui ont vu le jour grâce à Ludwig Guttmann, un médecin Juif Allemand parti en Angleterre lors de la Seconde Guerre Mondiale et qui fit le pari que le sport pouvait aider à changer la manière dont sont perçues les personnes souffrant de handicap (cf L’Éveil).
Philip Craven, Xavier Gonzalez ou Andrew Parsons ont repris le flambeau. Ils continuent de se battre farouchement pour que ces jeux puissent se tenir dans de bonnes conditions, avec la couverture médiatique qu’ils méritent.
What Sir Ludwig was trying to do back then is needed now more than it’s ever been.
L’EXPLICATION
Comme des Phénix, c’est une nouvelle catégorie de héros.
Le handicap faisait peur aux Nazis qui souhaitaient se débarrasser de ceux qu’ils appelaient les dégénérés (cf L’Oeuvre sans Auteur). Tout comme le handicap faisait peur à l’état-major Britannique qui estimait que ses blessés de guerre ne servaient plus à rien (cf Né un 4 Juillet, Au Revoir là-Haut). Les soldats à moitié-morts finissaient d’agoniser sur leur lit d’hôpital jusqu’à ce que Ludwig Guttmann ait l’idée de génie de les retourner toutes les deux heures.
Le handicap continue de faire peur car il rappelle que la vie n’est pas juste qu’une norme à laquelle la majorité a fait le choix d’adhérer. La vie peut être autre, en dehors des standards. Le handicap confronte les valides (cf Bienvenue à Gattaca) à la différence. Chatouillant leur fragilité. Évoquant la possibilité qu’ils puissent eux-aussi basculer de l’autre côté : dans une réalité où ils s’imagineraient diminués (cf De Rouille et d’Os), et très certainement pas acceptés pour ce qu’ils sont.
Le handicap créée donc le malaise. Ces neufs destins mis bout à bout sont d’ailleurs difficiles à digérer pour des valides qui auront tendance à contourner le problème, détourner le regard ou mettre de la distance en considérant les personnes souffrant de handicap avec pitié.
People feel sorry for me because of a perception. They say : Aw he’s got no leg, I should feel sorry for him.
Guttmann a précisément voulu changer cela en créant des jeux parallèles, afin que les personnes souffrant de handicap ne soient plus ni ignorées, ni perçues comme des monstres sous prétexte de leur différence (cf Elephant Man). Le sport comme une manière de retrouver une raison d’être, voire de s’épanouir dans cette nouvelle vie.
Les Jeux Paralympiques offrent une opportunité de distinguer et célébrer ces personnes d’exception en les traitant au même plan que les héros exceptionnels des Jeux. Accéder à la reconnaissance. Des héros qui partagent le même mental de fer (cf Stop at nothing) et le même sens aigu de la compétition. Ainsi, les Jeux Paralympiques font un peu de place à tout le monde au sein de l’Olympe.
The world needs to see more of that.
On ne cherche pas à fondre tous les sportifs dans le même moule ce qui reviendrait à ignorer la différence. Au contraire, on l’accepte. Comme l’a dit Stephen Hawking lors de la cérémonie d’ouverture des jeux de Londres :
We’re all different. There’s no such thing as a standard or run-of-the-mill human being.
Ces athlètes sont uniques de par leur condition et leur histoire. Jean-Baptiste Alaize est revenu de l’enfer. Matt Stutzman a du jouer d’imagination pour redescendre de l’arbre sur lequel il était monté – sans bras – parce que son père a refusé de l’aider. Bebe Vio a accepté qu’on lui coupe les ailes pour continuer à vivre, ce qui n’a paradoxalement pas changé son destin de championne. Tous ces athlètes ont été considérés comme morts dans ce monde alors qu’ils étaient bien vivants.
Ces phénix ont réussi à trouver le courage de s’accrocher pour renaître de leurs cendres. Les Jeux Paralympiques leur donnent l’occasion d’exister plus que jamais et de les exposer aux yeux du monde. Dans ce nouveau cadre, le public peut les encourager non pas comme des athlètes handisport mais comme des athlètes tout court.
The paralympic athlete are ready to create another new story through the sport.
Des athlètes d’un nouveau genre qui contribuent activement à changer le regard de chacun sur le handicap… ainsi que sur le trans-humanisme, en nous préparant doucement au fait que les individus avec des prothèses deviendront sans doute la norme un jour.
Ils sont indéniablement les champions de demain.
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