LA MORT EN DIRECT

LA MORT EN DIRECT

Bertrand Tavernier, 1980

LE COMMENTAIRE

La science nous permet de restaurer nos capacités (cf Comme des phénix), ou de les développer. Grâce aux progrès de la technologie, on peut amplifier ses cinq sens. Un sens du goût plus accru. Une vision plus précise. Un record du monde du 100m. Le trans-humanisme à portée de main. La science, obsédée par l’amélioration constante de notre condition, nous fait dépasser les bornes et ne plus voir le réel tel qu’il est.

LE PITCH

Une femme est assassinée lentement sous nos yeux.

LE RÉSUMÉ

Katherine Mortenhoe (Romy Schneider) souffre apparemment d’une maladie incurable, ce qui est plutôt rare (cf Elysium).

It seems like you’re dying.

Puisque dans le futur, on ne meurt plus de maladie. Elle devient donc une attraction médiatique.

The word is out.

Vincent Ferriman (Harry Dean Stanton), le patron de NTV, propose une somme d’argent à Katherine si elle accepte que ses derniers jours soient filmé pour le compte d’un programme TV : la mort en direct. Elle rentre en négociation. Ce qu’elle ignore, c’est que le tournage a déjà commencé à son insu – dès le diagnostic.

Elle accepte finalement le contrat, confie l’argent à son mari puis s’enfuie pour retrouver son premier mari Gerald (Max von Sydow).

Roddy (Harvey Keitel) la retrouve en pleine campagne.

I just want to get out of this life on my own.

Cet employé de NTV est équipé d’une camera implantée dans l’oeil qui lui permet de filmer, ni vu ni connu. Cet implant le contraint aussi à ne jamais fermer l’oeil sous peine de cécité. Il doit porter constamment sur lui une petite lampe torche pour illuminer ses yeux.

Le programme se poursuit. L’état de Katherine se détériore rapidement, malgré les anti-douleurs que lui a confié le Dr Mason (William Russell).

Roddy assiste comme spectateur à l’un des épisodes. Bouleversé par cette expérience, il en perd sa lampe torche et la vue. C’est à ce moment que Katherine comprend tout.

Privé de programme, Vincent Ferriman se met à la recherche de Katherine et Roddy. Il veut informer la jeune femme qu’elle n’est pas vraiment malade, sinon il pourrait tout perdre.

This whole thing could be falling apart.

You mean you are.

Tout cela n’était qu’une grotesque mise en scène qui va tourner au drame. Ce sont en fait les supposés anti-douleurs qui lui donnent ses terribles maux de ventre.

I can’t feel any worse.

Fatiguée, Katherine avale toutes les pilules qui lui restent et demande à Gerald de monter le volume de la musique. Que ses dernières volontés soient respectées.

Don’t let them think that I ran away. (…) This is the only way I can win.

Le clou du spectacle. Tout le monde est content.

L’EXPLICATION

La Mort en Direct, c’est courir à notre propre perte.

Avant de passer notre temps le nez sur nos smartphone, on le passait sous hypnose devant notre téléviseur. La TV s’est massivement infiltrée dans chaque salon, chaque cuisine, chaque chambre à partir des années 60. C’était l’occasion de faire communier simultanément des millions de personnes devant le même contenu – le plus souvent de piètre qualité (cf Confessions d’un homme dangereux).

Miroir déformant du réel, elle amplifie les événements. Elle apporte un peu de divertissement dans une vie qui en manque cruellement. Les téléspectateurs se servent à volonté. Un peu de sel et beaucoup de poivre! Notre passion morbide pour la tragédie trouve entière satisfaction à la TV.

We need it.

What? More gossip?

Tragedy!

Pour se sortir de leur routine quotidienne, les couples se ruent sur des séries pour s’imaginer leur propre vie un peu différemment. Combien de bandes de potes se sont retrouvées dans Friends ? Qui n’a jamais passé du temps à savourer les histoires sordides de Strip Tease ou de Confessions Intimes ?

C’est précisément le moment où le piège peut se refermer sur nous dans la mesure où la TV engendre de la fascination… pour nous-mêmes.

Dès lors qu’il s’agit de nous, plus de limite. Plus de pudeur. Big Brother montre absolument tout. La vie privée n’existe plus sur l’écran.

There are private things.

Are there?

Tout devient un sujet, sans nécessairement avoir la matière.

Everything’s of interest, but nothing matters.

Donc cela ne suffit pas. Les téléspectateurs se lassent de plus en plus vite d’eux-mêmes tout en restant absolument accrocs. On parle pour ne rien dire, on s’exhibe, on se regarde à travers les autres (cf La vie des autres), on se moque méchamment – sans pouvoir s’en passer.

Toujours à la recherche de la vérité, ou d’un semblant de vérité. Le plus important restant l’idée qu’on veut s’en faire.

We miss the real thing.

De ce point de vue, Katherine semble authentique. Son histoire est intéressante dans la mesure où plus personne ne meurt comme elle va le faire. Il faut donc la montrer car le public voudra la voir. En effet, les voyeurs n’attendent pas pour se jeter sur Katherine en prime time. Sans réfléchir, sans chercher à comprendre. Juste pour voir.

Not everything has to mean something.

Qu’a-t-on appris de cette histoire? Pas grand chose.

La réalité était montée de toute pièce. Katherine n’était pas souffrante. On lui a juste soufflé dans l’oreillette qu’elle pouvait l’être. NTV la tue pour faire de l’audimat.

What a circus. We kill her with drugs and save her. For what? The ratings?

Katherine est d’ailleurs complice de cette mascarade. Elle a passé un pacte avec le diable Ferriman en donnant son consentement contre une somme d’argent. Lorsqu’elle découvre qu’elle est au centre de la supercherie, elle se suicide comme un aveu d’impuissance. En refusant de retourner au monde, elle cautionne ce système. Remarquable actrice, à son corps défendant.

Les spectateurs s’en délectent. Choqués juste ce qu’il faut, comme des zombies qui continuent de se manger ce qui leur reste de cerveaux. Ne croyant plus que ce qui est validé par la TV. Regardant jusqu’à devenir aveugles, comme Rody (cf Nope).

L’abrutissement généralisé nous guette. Jusqu’à ce que quelqu’un finisse par sortir du cadre (cf The Truman Show) et se libérer de ces chaînes.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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