LA BELLE ET LA BÊTE

LA BELLE ET LA BÊTE

Jean Cocteau, 1946

LE COMMENTAIRE

Quel homme hétérosexuel n’a jamais rêvé de jouer les princes charmants pour venir au secours d’une Belle au Bois Dormant ? Arriver en sauveur et lire l’effroi l’émerveillement dans son regard.

LE PITCH

Une jeune femme se dévoue pour sauver la vie de son père.

LE RÉSUMÉ

Un marchand (Marcel André) connaît quelques difficultés commerciales. Les ventes ne sont pas au rendez-vous et il risque la cessation de paiement. Comment assurer un train de vie décent pour son fils Ludovic (Michel Auclair) et ses trois filles Félicie (Mila Parély), Adélaïde (Nane Germon) et Belle (Josette Day)?

Surtout à Félicie et Adélaïde qui ont des goûts de luxe.

Nan mais regardez moi ces garces qui se prennent pour des princesses et qui ne se rendent même pas compte que tout le monde leur rit au nez!

Pendant ce temps, Belle fait la lessive et le ménage. Avenant (Jean Marais), un ami de la famille, a envie de la tirer de sa misère et lui propose de l’épouser, mais elle refuse. Il essaie de l’embrasser de force.

Je veux rester fille et vivre avec mon père!

Ludovic s’interpose.

Tu veux qu’je te casse la gueule ?

Avenant lui colle une droite. Une démonstration de force qui ne lui fait pas vraiment marquer des points auprès de Belle.

Le père part en voyage d’affaire et promet de ramener une rose à sa fille. L’imbécile s’égare sur la propriété d’une Bête féroce (Jean Marais) qui l’épargne en échange de l’une de ses filles. On n’a rien sans rien.

Belle se sacrifie.

Il est juste que j’aille à votre place.

Quand la Belle voit la Bête pour la première fois, elle s’évanouit (cf Elephant Man).

Il ne faut pas me regarder dans les yeux.

Elle ne savait pas.

La Bête s’occupe pourtant bien d’elle en la couvrant d’attentions. Il se cache et ne se montre qu’une fois par jour, à l’heure du dîner, à l’occasion duquel il demande à Belle si elle veut l’épouser. Ce à quoi elle apporte immanquablement la même réponse. Non négociable.

Soyons amis la Bête, ne me demandez rien de plus.

Le temps passant, Belle commence à trouver ses marques. Mais son père lui manque. Elle demande à aller le voir, ce que la Bête refuse de peur de ne plus jamais la revoir.

Je mourrais de douleur si je vous revois et que vous en profitiez pour ne jamais revenir.

Lorsque la Belle apprend que son père se meurt, elle réclame à nouveau. La Bête lui accorde une permission de sortie d’une semaine en lui faisant jurer de revenir – sinon il meurt. Il lui offre aussi la clé de tous ses trésors (cf Casino).

Souvenez vous de votre promesse.

Belle rentre à la maison. Son père retrouve aussitôt la santé. Les quelques larmes qu’elle verse se transforment en diamants qu’elle offre au vieil homme pour qu’il puisse se refaire la cerise.

Si vous racontez ce prodige à mes soeurs, elles vous prendront ces diamants. Il ne vous en restera rien.

Ses soeurs et Ludovic ne se privent pas pour voler la clé et se rendre au chateau de la Bête, en compagnie d’Avenant. La Bête se meurt, sans sa Belle.

Avenant tente de pénétrer dans la salle du trésor par effraction et meurt d’une flèche tirée par la statue de Diane. Au sol, il se transforme en Bête. Tandis que la Bête prend forme humaine. Un beau prince.

L’Amour peut aussi faire qu’un homme laid devienne beau…

Le prince propose à Belle de l’emporter dans son royaume magique. Elle est un peu confuse car le visage du prince a pris les traits d’Avenant. Après une courte hésitation, elle accepte.

Il faudra que je m’habitue.

L’EXPLICATION

La Belle et la Bête, c’est un conte de fées post-moderne.

Les contes de fées qui ont bercé notre enfance depuis des générations sont devenus anachroniques. Pour être plus précis, la femme y est représentée d’une manière qui ne lui correspond plus complètement – voire plus du tout. Certainement des contes de fées écrits par des hommes encore…

En tout cas, ras le bol de la princesse incarnée en jolie potiche qui se fait sauver par un beau prince fortuné (cf Peau d’âne, Pretty Woman, 50 Shades of Grey), ou en nunuche qui a la bonne surprise de constater que son crapaud est en fait un beau prince fortuné (cf Un Prince à New York).

Dernièrement, les contes de fées gagnent en pertinence lorsqu’ils sont re-visités : quand la princesse n’est pas aussi fragile qu’elle en a l’air (cf Shrek), qu’elle peut s’attacher à une personne pour ses valeurs morales plus que pour son esthétique (cf La forme de l’eau), qu’elle peut prendre son indépendance plutôt que de s’attacher à quiconque (cf Ex Machina). Quand la princesse est carrément une reine et qu’elle s’éprend d’un anonyme (cf Coup de Foudre à Notting Hill). D’autres clichés qui sont mieux acceptés aujourd’hui.

Dans le cas de la Belle et de la Bête, on serait sur un schéma plutôt traditionnel avec une princesse qui s’est toujours mise au service des autres, sans se plaindre.

Je n’ai pas l’habitude qu’on me serve.

Surnageant dans un environnement vraiment médiocre et égoïste. On ne peut pas dire que son père, piètre entrepreneur, soit de bon conseil.

Il t’en coutera d’être bonne…

Quant à ses garces de soeurs, elles l’ont faite trimer pendant des années.

En plus, Belle n’est quand même pas passée loin de se faire violer par Avenant.

Il faut que je vous réveille de ce cauchemar.

Fille obéissante de son père, elle a accepté d’aller au casse-pipe chez une Bête que tout le monde redoute. De ce point de vue, Belle est une personne admirable qui va voir sa patience récompensée par la transformation de la Bête en prince. Rien de nouveau sous le soleil a priori.

Le réflexe serait d’être un peu déçu qu’elle n’aime pas la Bête pour ce qu’elle est. Qu’elle soit prête à tenter l’aventure courageuse du couple mixte (cf Twilight, Get Out).

Je l’aime bien, c’est pas pareil.

Contrairement à une Blanche Neige un peu naïve, la Belle est pragmatique. Elle sait parfaitement ce qu’elle veut. Ses efforts sont loin d’être désintéressés. Elle voulait mieux qu’Avenant, et elle veut mieux qu’un gros monstre poilu. À aucun moment, la Belle se laisse apitoyer.

Outre que je suis laid, je n’ai point d’esprit…

Vous avez l’esprit de vous en rendre compte.

Pas une fois elle n’a eu le cran de remettre ses soeurs à sa place. Au chateau, c’est pourtant elle qui mène sa Bête à la baguette

Vous me flattez comme on flatte un animal…

Mais vous êtes un animal!

Il faut dire qu’il tend un peu le bâton pour se faire battre.

Certes, cette fille à papa n’accepte de suivre la Bête dans son royaume magique qu’une fois sa transformation réalisée, et bien qu’il ressemble à Avenant qu’elle avait envoyé sur les roses quelques semaines auparavant. Tout compte fait, cette décision fait de la Belle une princesse avec la tête sur les épaules, sans doute moins hypocrite que les autres.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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