SUR LA ROUTE DE MADISON
Clint Eastwood, 1995
LE COMMENTAIRE
Il y a parfois des sourires de circonstances. Forcés sur les photos de famille, pour masquer les malaises. Qui manquent de naturel, en cascade sur les réseaux sociaux. De piètres mises en scène. Il y a d’autres sourires qui ne trompent pas.
LE PITCH
Un frère et une soeur découvrent leur mère à la lecture de son testament.
LE RÉSUMÉ
Michael (Victor Slezak) et Carolyn Johnson (Annie Corley) rentrent dans l’Iowa pour la succession de leur mère décédée quelques jours plus tôt. Ils sont choqués d’apprendre que Francesca (Meryl Streep) souhaite se faire incinérer plutôt que d’être enterrée aux côtés de son défunt mari. Son dernier souhait est que ces cendres soient dispersées depuis le pont Roseman. Mystère.
Michael et Carolyn mettent la main sur des photos, une lettre puis une clé les menant au journal intime de Francesca dans lequelle elle révèle avoir eu une liaison éphémère avec Robert Kincaid (Clint Eastwood). Les enfants sont désormais en âge de tomber des nues.
Ils se lancent dans la lecture de cette romance restée secrète.
I could let this die like the rest of me I suppose. As one gets older, one’s fears subside. How sad it seems to me to leave this earth without those you love the most not knowing who you were.
Francesca était restée à la ferme alors que Richard (Jim Haynie) et les enfants était partis quatre jours pour assister à une foire. C’est juste après que Robert Kincaid, la soixantaine impeccable (cf Wolf), avait garé son pick up dans l’allée pour demander sa route.
Tous les deux ont passé un peu de temps ensemble l’après-midi à discuter. Elle lui a parlé de son enfance à Bari en Italie, où il s’était arrêté pour profiter de la beauté des lieux.
You just got off the train because it looked pretty?
La conversation s’est poursuivie jusque dans la soirée.
Would you like to stay for dinner…?
Robert a trouvé Francesca incroyablement charmante. Elle l’a trouvé terriblement romantique. Tout ce que son mari n’était pas.
He’s a very hard worker, very caring, honest, he’s a good father. (…) It’s not what I dreamed of as a girl…
I scribbled something down the other day, I often do that when I’m out on the road. Kind of goes like this : ‘The old dreams were good dreams. They didn’t work out, but I’m glad I had them.’ Anyway, I think I know how you feel.
Puis ils se sont revus le lendemain et ne se sont plus quittés pendant quatre jours.
À l’approche du retour de Richard, la situation s’est tendue. Francesca s’est sentie doublement prisonnière du retour de son mari et du départ de son amant. Elle a reproché à Robert d’être un mirage. Un beau parleur qui lui a permis de se sentir exceptionnelle l’espace d’un instant, comme il doit le faire avec beaucoup d’autres femmes. Rien de plus qu’une routine pour ce séducteur solitaire, sans doute.
What do you mean ‘routine’, there’s no ‘routine’. Is this what you think this is?
Well, what is this?
Is it up to me? You’re the one who’s married and you have no intention of leaving your husband.
To do what? Go off with someone who needs everyone but no one in particular? What would be the point?
I was honest with you…
Yes absolutely! You have this habit of not needing. And that’s very hard to break. (…) You’re a hypocrite and you’re a phony!
(…) I don’t want to need you.
Why?
Because I can’t have you.
Il s’agissait pourtant plus que d’une aventure, évidemment.
This kind of certainty comes only once in a lifetime.
Puis Richard est rentré avec les enfants. Robert a encore passé quelques jours en ville avant de repartir. Francesca l’a aperçu une dernière fois. Qu’est-ce qu’elle aurait voulu trouver le courage de descendre de la voiture pour le rejoindre… Assise en larmes à côté de son mari qui ne comprit rien.
Would you please tell me what’s wrong with you?
I just need a minute Richard.
Puis Richard est mort quelques années plus tard. Francesca retournait régulièrement sur les lieux où elle avait passé du temps avec son amour. À la mort de Robert, elle reçut un carton avec ses affaires : un appareil photo et une édition d’un livre en hommage à Francesca intitulé Quatre jours.
Après avoir lu l’histoire émouvante de leur mère, Michael et Carolyn honorent sa dernière volonté en se rendant sur le pont Roseman et suivent son conseil en faisant le point sur leurs relations respectives.
Go well my children.
L’EXPLICATION
Sur la route de Madison, c’est merci maman.
La succession est un moment pivot dans une vie qui révèle la véritable nature des individus. Ceux qui restent peuvent se montrer cupides, à l’image de Betty (Phyllis Lyons), la femme de Michael, uniquement intéressée par l’héritage.
Maybe we’ll find that your mother had secret millions!
Michael et Carolyn attendent de lire de leur mère qu’elle vécut une vie de femme parfaite, comme ils l’ont toujours connue (cf La bonne épouse). Ils découvrent une femme qui était frustrée. Honnête, a posteriori. Dans son récit posthume, Francesca se décrit comme une femme empêchée, qui mit ses rêves en veilleuse pour faire son devoir. Enfermée dans un mariage sans passion, quelque part dans l’Iowa.
How long have you been married?
… uh… A long time! (…) I’m in my forties, I’ve been in this crummy frigging marriage for over 20 years because that’s what I was taught. Normal people don’t get divorced.
Après avoir joué un rôle toute sa vie, elle confesse avoir finalement trouvé l’amour avec Robert. Un homme libre qui lui a dit ce qu’elle avait besoin d’entendre, au moment où elle avait besoin de l’entendre.
You’re anything but a simple woman.
Au contact de cet inconnu dont elle s’est sentie bizarrement si proche si vite, elle eut l’impression de revivre.
I guess you probably think of somebody like me as a poor, displaced soul who’s destined to wander the planet with not having a TV or self-cleaning oven.
Just because someone decides to settle down and have a family doesn’t mean they’re hypnotized, just because I’ve never seen a gazelle stampede doesn’t mean I’m asleep in my life.
Alors elle a osé se permettre de vivre l’amour pendant quatre jours. Elle s’est laissée porter.
We let the day take us where it wanted.
Quatre jours de fantasme qu’elle retient d’une vie sans intérêt. Tout ce qui mérite d’être dit.
Francesca a finalement choisi de ne pas continuer ce chapitre par respect pour son mari et ses enfants.
My life of details.
Par peur de se jeter dans le vide. Un sacrifice de plus.
I will start to blame loving you for how much it hurts.
Elle n’a pas poursuivi cette histoire parce qu’elle ne pouvait simplement pas le faire. Robert doit être l’amour impossible afin d’incarner la promesse d’une vie meilleure. On ne sort pas de sa prison, mais on a besoin de croire que l’on peut s’échapper. Si Francesca s’était mise en couple avec Robert, ils auraient sans doute été rejoints par la réalité (cf Amour).
Maintenant qu’elle n’a plus rien à perdre, elle peut partager son histoire.
Son testament est la prière de Francesca pour que ses enfants ne se sentent pas contraints de vivre la même vie qu’elle.
Dans un premier temps, Michael et Carolyn ne comprennent d’ailleurs pas pourquoi leur mère n’a pas suivi son coeur.
If she was so unhappy, why didn’t she leave?
C’est vrai : le bonheur est tellement important aujourd’hui, et il est si facile de divorcer (cf Marriage Story). Ce testament les confronte cependant à leur impasse. Ils mènent une vie d’hypocrites.
I never cheated on Betty.
Have you ever wanted to?
Only a thousands times…
Que Michael et Carolyn puissent trouver le courage de descendre de voiture. Ce que Francesca n’a pas réussi à faire. Quelque chose que personne n’arrive à faire. Car qui parvient à tout plaquer pour poursuivre ses rêves ? Qui prend le risque de réaliser ses rêves (cf La Petite Sirène)?
À travers son histoire, Francesca leur a indiqué la route pavée d’embûches. Le cadeau est un peu empoisonné. Faites comme je dis, ne faites pas comme je fais. Merci maman!