LOVE AND MERCY
Bill Pohlad, 2014
LE COMMENTAIRE
En psychologie, on parle de l’effet Florence Nightingale lorsque l’infirmière tombe amoureuse de son patient. L’attirance s’expliquerait par le besoin irrépressible de venir en aide à la victime. Il arrive aussi parfois que la concessionnaire puisse tomber amoureuse de l’acheteur automobile. Dans ce cas c’est plus souvent parce que le client est riche et célèbre. En tout cas, ça aide. Il serait naïf de penser que le pognon et la gloire ne viennent pas sans casserole.
LE PITCH
Un jeune artiste talentueux se transforme en homme torturé.
LE RÉSUMÉ
Sorte de Mozart de la côte ouest, Brian Wilson (Paul Dano) a du mal à encaisser le succès. Les concerts et les groupies lui collent des crises d’angoisse plutôt que des érections. Il préfère donc laisser ses frères et son cousin enchaîner les tournées afin de travailler sa musique en studio. Son ambition : créer le plus grand album jamais fait avec Pets Sounds.
Le train déraille. Il commence à entendre des voix, sans doute liées à la violence de son père qui le battait étant petit.
I think I might be losing it.
Ses inspirations deviennent moins joyeusement californiennes. Tout doucement il se détache du groupe. Il sombre finalement dans une grave dépression qui le conduit à un divorce et un séjour dans un hôpital psychiatrique. Le Dr Eugene Landy (Paul Giamatti) le diagnostique paranoïaque schizophrène, le sort de son lit, l’assomme aussi à coups de médicaments et le maintient sous sa coupe, bien à l’écart du monde.
Quelques années plus tard, Brian (John Cusak) fait la rencontre de la concessionnaire Melinda Ledbetter (Elizabeth Banks) dont il tombe amoureux.
I want you to leave, but I don’t want you to leave me.
Melinda réalise rapidement que Brian est talentueux, cinglé aussi, et surtout prisonnier du Dr Landy. Elle parviendra à l’en libérer.
Brian Wilson vit aujourd’hui une vie heureuse avec Melinda, leurs trois enfants adoptifs et son nouveau traitement. Son album SMiLE est un carton et Pets Sounds a été reconnu d’intérêt public.
L’EXPLICATION
Love & Mercy, c’est Eve qui se rattrape en libérant Adam.
Il y a Love dans Love & Mercy et donc une belle histoire d’amour moderne entre un homme et une femme. Il y a encore à peine 80 ans, l’homme au cinéma était incarné par Jean Gabin. Simone Signoret passait son temps à lui courir après pour qu’il dévoile ses sentiments (cf Le Chat).
Aujourd’hui l’homme est fragile. Il a abandonné les muscles pour le talent. L’homme n’est plus ce mâle parfait et rassurant, c’est un homme torturé qui a besoin de cadre. On demandera donc un peu d’indulgence à la femme (et des talents d’infirmière) car elle aura pour mission de l’aider à se révéler. Cela tombe bien les femmes demandaient des responsabilités (cf Nikita). D’où le Mercy aussi. L’un ne va pas sans l’autre aujourd’hui.
En tout cas l’homme n’est rien sans la femme et il l’admet.
God only knows what I’d be without you.
Au delà de la romance, il est compliqué d’être créatif (cf Bohemian Rhapsody). Si l’harmonie est parfaite entre Brian et ses musiciens, son cousin n’arrête cependant pas de l’emmerder à propos des paroles car il ne les comprend pas. Il veut faire du Beach Boys. Vendre. Brian essaie de lui expliquer qu’il n’est plus dans ce délire (cf Cadillac Records). Et que de toute façon :
We’re not surfers, we never have been. And real surfers don’t dig our music anyway!
Il y a chez le vrai créatif un refus de l’hypocrisie, et donc quelque part un refus du commerce.
Puis il y a les parasites, comme le docteur Landy qui essaient de profiter de la gloire, et la fortune des artistes. La créativité nécessite parfois qu’on se mette à nu. Une fois à découvert, l’artiste est à la portée du moindre vampire venu.
On voit bien que le talent vient de la blessure. Le cas de Brian Wilson n’est pas isolé: Michael Jackson (cf This is it) fut aussi tyrannisé par son père, Tina Turner était régulièrement battue par Ike. Même Mike Tyson qui n’a pas eu une enfance très drôle a réussi sa transition du ring aux feux de la rampe. Inversement la carrière des artistes qui n’ont pas eu la chance d’avoir une enfance difficile ont très souvent fini de manière minable. Pierre Perret a eu une enfance sans le moindre problème, on connaît la suite.
Donc on voit bien que les idées viennent avec un peu LSD et surtout après quelques bonnes paires de claques dans la gueule. Love & Mercy c’est qui aime bien châtie bien. D’ailleurs Brian est aussi indulgent avec son père finalement, bien qu’il en ait perdu une oreille. Il lui est reconnaissant de lui avoir appris l’exigence.
Sachons aussi garder la tête froide. Certes les Beach Boys étaient talentueux. Certes ils ont inspiré nombre d’artistes, des Paul McCartney à Thom Yorke. La mouvance hip hop a réussi à s’affirmer tout en passant à côté de ce courant. On n’a jamais entendu Booba parler de Brian Wilson.
Et puis les Beach Boys ont quand même avant tout servi de terreau musical aux pires publicités de la terre (cf 99 Francs). Qui ne se rappelle pas de la pub Babibel sur l’air de Barbara Ann ? Qui n’a jamais rêvé de conduire une voiture américaine sur Good Vibrations ?? Qui n’a pas souri devant ces papys et mamies plongeant dans des piscines d’Evian sur Wouldn’t it be nice ???
Qu’on arrête de nous ennuyer avec les Beach Boys.
Donc quand on pense que Pasquier a volé un peu de Californie avec I get around pour vendre des brioches, profitant sans scrupule de la créativité d’un mec battu par son père ; on est en droit de se demander si la société de consommation toute entière n’est pas en train de cautionner la violence faite aux enfants pour mieux nous faire avaler ses saloperies.
On ne lui en veut pas. La preuve on continue d’aller chez Carrefour (cf La Loi du Marché). Love & Mercy. Foutu syndrome de Stockholm tiens.
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