99 FRANCS

99 FRANCS

Jan Kounen, 2007

LE COMMENTAIRE

Les créatifs d’agence de publicité ne fument pas tous la moquette, contrairement à la légende. Certains se font aussi des lignes, sans perdre le moindre gramme. À leur décharge, les créatifs ne sont pas les seuls. Il faut dire que la pression est intense en agence. La société de consommation tout entière dépend de leurs campagnes.

LE PITCH

Un publicitaire a des états d’âme.

LE RÉSUMÉ

Octave Parango (Jean Dujardin) se réveille après une soirée d’excès dans la suite d’un grand palace, entouré de fêtards cadavériques nus. Il vit la vie d’un concepteur rédacteur pour une grande agence de publicité qui vend du yaourt et du saucisson. À la Ross, on se balade en Segway, on se tutoie façon Les Trois Frères et on est méprisant à l’image du Directeur de Création Marc Maronnier (Antoine Basler).

Octave mène la grande vie. Grassement payé à s’amuser dans un bureau rempli de jouets, proche d’une chambre d’un adolescent – pour favoriser la distraction et donc la créativité. Il a une aventure avec Sophie (Vahina Giocante).

Tout n’est pourtant pas aussi rose. Il ne faut pas croire.

Créatif, c’est pas si facile.

En effet, la pression de Madone reste importante. Jeff (Patrick Mille), le responsable commercial se la prend en pleine figure. Lors d’une présentation de création, Octave songe à dire ses quatre vérités au client M. Duler (Nicolas Marié) façon American Psycho puis il s’écrase comme d’habitude façon George McFly (cf Retour vers le Futur). Car le client est roi. Et en l’occurrence, le client n’est pas content.

Faut arrêter la piquouse!

Ce que veut le client, c’est qu’on envoie du pâté, tout en gardant les pieds sur terre.

On est des marchands de rêve putain!! Moi j’ai 12.000 tonnes de yaourts à écouler cette année.

Octave quitte la réunion précipitamment à cause des saignements de nez que lui provoque la cocaïne. Il fonce dans le bureau de son directeur pour menacer de partir, en se faisant virer – pas en donnant sa démission évidemment.

Je sors du système!

Puis il remet ses lunettes et retourne travailler.

Sophie est enceinte. Elle lui fait la surprise un soir de St Valentin en lui montrant le test. Octave n’assure pas. Sa réaction lorsqu’elle lui présente son test n’est pas à la hauteur de l’événement.

Ça sent le pipi un peu ?

Cette belle salope, selon les mots d’Octave, le quitte sur le champ – pour Marc. Octave n’arrête pas d’y penser. Il a du mal à se concentrer sur le nouveau script qu’il faut vendre coute que coute à Madone, or else. Octave en profite pour placer Tamara (Elisa Tovati), son escort girl préférée, au casting.

Lors du shooting à Miami, Octave et son directeur artistique Charlie (Jocelyn Quivrin) abusent des substances. Ils renversent plusieurs personnes en voiture façon Las Vegas Parano, parviennent à prendre l’avion pour Paris. La police les retrouve et compromet leur promotion au rang de Directeurs de Création après le suicide de Marc Maronnier. Le problème est que Sophie s’est suicidée avec lui. Alors Octave, dépité, monte sur la terrasse de l’agence pour se jeter de l’immeuble façon Mad Men, après avoir lancé une dernière accroche dont il a le secret.

Je démissionne de ma vie.

Dans une fin alternative plus happy end laissée au choix du spectateur, le décideur final, Octave trafique les bandes pour qu’une publicité détournée passe en prime time sur TF1. Devant leur petit écran, les clients n’en croient pas leurs yeux. Octave a mis les voiles façon Shawshank. Il se retrouve seul sur une île déserte à pêcher le poisson façon Cast Away. Puis il est victime d’une indigestion façon Into the Wild. Il sympathise avec les indigènes façon Thin Red Line avant que Sophie ne le rejoigne en compagnie de leur fille.

99francsending

L’EXPLICATION

99 Francs, c’est quand même cher pour ce que c’est.

La publicité génère beaucoup d’argent. Elle est un outil puissant et absolument nécessaire au système. D’après l’ONU, seulement 10% des 500 milliards dépensés chaque année dans les campagnes de pub suffiraient à venir à bout de la faim dans le monde.

En soi, la publicité reste un métier noble au sens où elle permet de permet de vanter les mérites de son activité et de ses produits dans le but de vendre. Car il faut bien vivre.

C’est plutôt à cause des gens qui la font que la publicité est devenue détestable. Des personnes imbues d’elles-même, comme Octave, qui font mine de ne pas voir que l’on paie pour ne pas voir leur travail.

Comme la grande majorité des publicitaires, la personnalité d’Octave est profondément cynique. Dégoûté de tout mais pas assez pour ne pas encaisser son chèque. Sa vision du monde est purement mercantile.

Tout s’achète : l’amour, l’art, la planète terre, vous, moi… surtout moi. (…) 

Octave n’est finalement rien d’autre qu’un Cypher qui cède à la corruption par faiblesse (cf Matrix).

Je crois qu’à la base je voulais faire le bien autour de moi. Ça n’a pas été possible pour deux raisons : on m’a empêché et j’ai abdiqué.

Reprogrammé dans une matrice où plus grand chose n’a de sens. C’est aux marques qu’il incombe d’en proposer. Dans cette société, tout n’est devenu qu’artifice. Octave y peaufine sa superficialité. Sa profession le récompense. Chaque année, des publicitaires se donnent des récompenses comme aux stars de cinéma.

Le métier d’Octave consiste à entretenir et exploiter la frustration des consommateurs en les faisant rêver à ce qu’ils n’auront jamais (cf Enfermés dehors), tout en servant son propre intérêt au passage (cf Chez moi). Il ne sert à rien d’autre que faire tourner la machine, en écrivant des scripts que ses clients auraient pu écrire eux-mêmes.

Son travail valide les aspirations des consommateurs, les aidant à continuer à aspirer à mieux. Octave nage en plein fantasme lui-même, s’imaginant créatif à la vie de rock star décadent mais n’étant pas plus qu’un petit agent d’assurance qui pond des scripts que ses clients commandent.

Octave ne sert vraiment à rien. Cette vérité est insupportable pour son ego sur-dimensionné.

Je suis publicitaire, je suis celui qui vous fait rêver des choses que vous n’aurez jamais. Vous croyez que j’embellis le monde ? Perdu. Je le bousille. J‘ai toujours été en décalage. Je ne suis pas un gentil garçon, je suis une grosse merde. Un héros moderne quoi.

Qui peut se soucier des états d’âme du publicitaire, petit enfant gâté du système ?

À propos, que cherche-t-il à vendre à travers son mal-être ?

Une société déréglée ? La disparition de la faim dans le monde avec tout l’argent de la publicité ? Le bonheur pour peu que tout le monde y travaille ensemble ? Rien que nous ne sachions déjà. Une vision, sans la feuille de route. Inutile.

Octave se croit sûrement exceptionnel, l’un des meilleurs de sa profession. Un chasseur de lions à Cannes qui ne vaut pas grand chose face aux loups de Wall Street. Il est bien loin d’un Jordan Belfort, un vrai vendeur qui ne considère pas que tout s’achète – mais plutôt que tout se vend. Nuance.

99 francs pour cela ?

À ce prix là, on n’a pas envie d’acheter.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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