ARGO
Ben Affleck, 2012
LE COMMENTAIRE
On ne se lance pas dans une aventure sans complice. Trop dangereux. Avant de se jeter à l’eau, tout un travail de préparation préalable est nécessaire. Il faut convaincre ses futurs partenaires que le jeu en vaut la chandelle, que le plan a été bien pensé et surtout qu’il est suffisamment flexible pour s’adapter à l’inattendu. Quelques jeux de regard (cf Le Bon, la Brute et le Truand).
LE PITCH
Un agent a pour mission de sortir des diplomates américains de la panade iranienne.
LE RÉSUMÉ
Les membres de l’Ambassade Américaine à Téhéran font face à la révolution Iranienne. Soixante sont faits prisonniers et retenus en otages. Six parviennent à s’enfuir et se réfugier à l’Ambassade du Canada.
L’affaire ne doit pas s’ébruiter. La CIA de Jack O’Donnell (Bryan Cranston) réfléchit à un plan d’exfiltration, en douceur. L’agent Tony Mendez (Ben Affleck), dont c’est la spécialité, s’inspire du film La Planète des Singes.
Sa solution: se faire passer pour un réalisateur Canadien en repérage à Téhéran pour son prochain film.
This is the best bad idea we have, sir. By far.
Mendez se met en relation avec Hollywood et travaille en compagnie de John Chambers (John Goodman) et Lester Siegel (Alan Arkin) au montage d’Argo, un vrai faux film de science-fiction dans la veine de Star Wars et pour lequel la Perse pourrait parfaitement servir de décor.
Les révolutionnaires ont appris que des membres de l’Ambassades sont en partance. Le temps presse. Mendez parvient à dissuader son état major de ne pas avoir recours à la force et fait route vers l’aéroport. Tout se joue dans un mouchoir de poche.
L’opération sera mise au crédit du gouvernement Canadien pour protéger les otages. Mendez ne recevra sa médaille que vingt deux ans plus tard, après avoir raconté de nombreuses histoires à son fils pour s’endormir le soir.
L’EXPLICATION
Argo, c’est une petite leçon de baratin.
Téhéran a des allures de Dunkerque. L’Amérique fuit la fin du monde Occidental en faisant ce qu’elle sait faire de mieux: une pirouette.
L’idée de Mendez n’est rien d’autre qu’un énorme mytho réalisé avec méthode:
Leçon n°1: Avoir l’air crédible.
If you’re gonna do a $20 million « Star Wars » rip-off, you need somebody who’s a somebody to put their name on it.
S’il est trop évident que l’histoire vient d’un clown, la supercherie ne tiendra pas longtemps. Les plus grands baratineurs de l’histoire étaient aussi les plus respectables. Pour Platon, seuls les dirigeants pouvaient exploiter le mensonge qu’on se devant de bannir de la cité.
Hitler et son Reich qui devait durer mille ans.
Staline et ses procès.
Nixon et ses écoutes.
François Hollande et le chômage.
On trouve aussi de très bons menteurs dans le sport, surtout lorsqu’il s’agit de parler de dopage, qu’il s’agisse des athlètes (cf Stop at nothing) ou des journalistes (cf Icarus).
Leçon n°2: Savoir s’entourer.
Sir, exfils are like abortions. You don’t wanna need one. But when you do, you don’t do it yourself.
Qui mieux que les professionnels d’Hollywood dont c’est le métier ? La démarche de Mendez n’est pas ridicule. Lorsque le gouvernement Américain a voulu mettre les Soviétiques à distance dans la course aux étoiles, ne s’est-il pas adressé à Stanley Kubrick en personne ?
Les politiques n’écrivent jamais leurs discours. Obama en personne n’a-t-il pas collaboré habilement avec Funny or Die ?
You want to lie to Hollywood, a town where everybody lies for a living.
Leçon n°3: Bien ficeler son histoire.
We’re gonna need a script.
Une petite histoire parait a priori moins rassurante que la promesse d’avoir recours à l’artillerie lourde. Et pourtant une bonne histoire est parfois beaucoup plus efficace qu’une pluie de bombes (cf Inception).
You really believe your little story’s gonna make a difference when there’s a gun to our heads?
I think my story’s the only thing between you and a gun to your head.
Leçon n°4: Croire en soi.
The only way this works is if you believe that you’re these people so much that you dream like them.
À Hollywood, on croit fort dans le method acting. C’est seulement à ce prix que la fiction peut devenir réalité. D’ailleurs la réalité est-elle ce qui s’est vraiment passé ou ce qu’on veut croire ? Le menteur est le raconteur d’histoires qui offre la possibilité aux enfants de dormir sereinement. Il est aussi responsable du JT de 20h et permet aux contribuables de continuer à dormir sur leurs deux oreilles. Le menteur est la pilule bleue dans Matrix. Nous sommes dans l’histoire, sans le savoir. Complices. Nous ne voulons pas vraiment savoir (cf Le Prestige).
The whole country is watching you, they just don’t know it.
Leçon n°5: Être ambitieux.
If I’m doing a fake movie, it’s gonna be a fake hit.
Un bon bobard, cela se pense et surtout cela se travaille. Chambers et Siegel savent qu’ils ne peuvent pas prendre ce projet à la légère. Leur dévouement offre la meilleure des couvertures. Mendez ne parvient à s’échapper que parce que Chambers a la conscience de prendre l’appel téléphonique des agents de sécurité de l’aéroport.
Leçon n°6: Ne pas avoir peur.
You’re worried about the Ayatollah? Try the Writers Guild of America!
Pour connaître le succès, il ne faut pas avoir peur de passer le test. Si Mendez réussit à vendre son projet à Hollywood, il pourra le faire gober à n’importe quel Ayatollah. L’important est de ne pas trembler quand la situation l’exige.
Leçon n°7: Savoir rester modeste.
If we wanted applause, we would have joined the circus.
La force du bon menteur est d’être capable de célébrer sa victoire sans champagne. Mendez est parfait car il est low profile. Il ne fait pas de vague. Parle peu et se fond parfaitement dans le décor en monsieur tout le monde. La fameuse main que personne ne voit sous la jupe de la Joconde – comme se décrivait John Milton (cf l’Associé du Diable).
Rendons hommage à ces raconteurs d’histoires grâce auxquels nous avons pu fuir les murs d’une réalité bien terne.