NIXON
Oliver Stone, 1995
LE COMMENTAIRE
Les politiques sont un visage sous le feu des projecteurs. Ils recherchent la lumière. Dans le personnage public, on ne peut pas distinguer les hommes et femmes. Ni leur propre part d’ombre, leurs doutes, leurs faiblesses, leur lâcheté et parfois même leur ignominie.
LE PITCH
Le Président des États-Unis passe ses nuits à ré-écouter ses enregistrements.
LE RÉSUMÉ
Ébranlé suite au scandale du Watergate, Richard Nixon (Anthony Hopkins) essaie de trouver une issue honorable. Il se perd tellement dans ses propres mensonges qu’il n’arrive même plus à justifier ses magouilles auprès de ses chefs de cabinet Halderman (James Woods) et Ehrlichman (J. T. Walsh).
Un an plus tard, Nixon s’isole. Il repense à son parcours en politique, lui le petit garçon venu de nulle part qui s’était fait marcher dessus par Kennedy, le fils de bonne famille.
They stole it fair and square.
Nixon est encore jeune. Ses conseillers lui recommandent d’attendre son heure. Blessé par un nouvel échec contre Pat Brown en Californie, il se met à douter. Ces élections l’ont peu à peu coupé de sa femme (Joan Allen). Les défaites l’ont affaibli. Peut-être n’est-il pas fait pour la politique ?
Maybe I should get out of the game?
Il promet à sa femme qu’il ne se représentera plus jamais puis s’avance devant les journalistes pour leur annoncer la nouvelle.
Just think what you’re going to be missing. You won’t have Nixon to kick around anymore, because gentlemen this is my last press conference. Thank you and good day!
Nixon reste au contact des cercles d’influence Républicains. Rencontre John Edgar Hoover (Bob Hoskins) et d’autres hommes peu fréquentables qui ont encore la victoire de Kennedy en travers de la gorge. De puissants hommes d’affaires Texans vont proposer à Nixon de le relancer. L’assassinat de JFK lui ouvre la voie vers la Présidence. Il brise sa promesse en reprenant du service.
Nixon développe la théorie du fou en bombardant sans ménagement le Cambodge, soit-disant pour mieux négocier la fin du conflit au Viet-Nam.
They can’t impeach me for bombing Cambodia. The president can bomb anybody he likes.
Il élabore ensuite la doctrine Nixon avec l’aide de son conseiller Henry Kissinger (Paul Sorvino) qui vise à un désengagement militaire des États-Unis dans le monde. À la place, le gendarme du monde soutient financièrement les pays qu’il estime être victimes d’agressions. Les terroristes d’aujourd’hui peuvent lui dire merci (cf La guerre selon Charlie Wilson).
Nixon sombre rapidement dans la paranoïa. Il commence à parler de lui à la troisième personne.
I’d like to offer my condolences to those families. But Nixon can’t.
Il rencontre Mao et créée la détente avec les Communistes, ce qui irrite son appui Texan Jack Jones (Larry Hagman). Quand il annonce enfin la paix avec les honneurs au Viet-Nam après une guerre interminable, la presse le harcèle à propos du Watergate et de ses écoutes secrètes. Nixon se sent mal aimé, comme depuis toujours. Il s’accroche en essayant d’étouffer l’affaire. Sur les conseils de Hunt (Ed Harris) et voyant tout le monde autour de Nixon tomber comme des mouches, le fidèle John Deane (David Hyde Pierce) va lâcher le Président à son tour.
John, sooner or later, sooner, I think, you’re gonna learn a lesson that’s been learned by everyone who’s ever gotten close to Richard Nixon. That he’s the darkness reaching out for the darkness. And eventually, it’s either you or him. Your grave’s already been dug, John.
Le château de cartes s’effondre. Nixon vire à tour de bras sans pouvoir éviter de démissionner. Il meurt finalement d’une crise cardiaque. De nombreux chefs d’états viendront saluer une dernière fois celui qui s’était vanté de ne pas être un escroc.
I’m not a crook!
L’EXPLICATION
Nixon, c’est la perversion.
Lors de l’une de ses conférences de presse, Kant a dit : Détenir le pouvoir corrompt inévitablement le libre jugement de la raison. Il faut se méfier du pouvoir. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons des organes qui empêchent, en théorie, une seule personne de centraliser tous les pouvoirs. Contrôler la tumeur.
There’s a cancer in the presidency and it’s growing.
Nixon était un gentil garçon à la base, dévoué à sa maman, bosseur et qui a beaucoup souffert de la mort de ses deux frères. Ce n’était pas un fils à papa. Il n’avait rien à se reprocher. Pas le plus costaud de son équipe de foot mais se battant avec ses armes. D’ailleurs quand Nixon parle aux jeunes manifestants, il essaie de leur faire comprendre qu’il était comme eux. Il l’était sûrement.
40 years ago, I was like you, looking for answers.
C’était avant de devenir un homme politique sans scrupule, déjà accroc au pouvoir.
I miss making love to the people, I miss entering a room, I miss the pure acting of it, John, I gotta get back in the arena!
Quand il y accède enfin, il est un homme du ressentiment, amer. Marqué par les défaites et conscient qu’il est arrivé au pouvoir grâce à une conspiration plus que par un véritable désir populaire. Il peut marquer l’histoire. À la place, il va faire payer le monde entier.
You got the Constitution hanging by a thread because the old man went to Whittier instead of Yale.
Le pouvoir monte à la tête du président qui ne s’en méfie pas. Nixon devient quasiment schizophrène comme le fait remarquer Kennedy avec beaucoup de justesse.
I feel very sorry for Nixon because he doesn’t know who he is.
Nixon n’est plus lui-même. Pantin du pouvoir, il semble perdu à la Maison Blanche. Regardant le portrait de Kennedy. Se comparant sans cesse aux autres. Trop humain. C’est à dire faible. Et un président ne peut pas l’être. Kennedy est passé d’icône à martyr. Nixon, parce qu’il reflète trop monsieur tout le monde, n’inspire personne.
When they look at you, they see what they want to be – when they look at me, they see what they are.
Encore une fois, Nixon n’était sans doute pas un mauvais bougre avant de se transformer en ce qu’il est devenu. Un prisonnier volontaire de plus du système.
You can’t stop it, can you? Even if you wanted to. Because it’s not you, it’s the system. The system won’t let you stop it.
There’s more at stake here than what you want, or what I want.
Then what’s the point? What’s the point of being President? You’re powerless!
C’est le problème de la politique moderne. Le peuple crie « Tous pourris! ». Et cela n’est pas loin d’être vrai. Il faut néanmoins comprendre que la politique reste une discipline noble puisqu’il s’agit de travailler à l’organisation de la société. Tout le monde n’en est pas capable.
Il s’agit d’un art compliqué de par la concurrence pour accéder au pouvoir et peu gratifiant dans la mesure où personne n’est jamais content. Une fosse aux lions où l’éthique est soumise à rude épreuve. Il faut nouer des alliances.
Une machine lourde qu’une personne seule ne peut révolutionner (cf Lincoln). Même les politiques se présentant avec les meilleures intentions du monde se retrouvent pieds et poings liés. Obama avait promis qu’il mettrait le monde de la finance à terre. Suite à la crise des subprimes, les responsables sont tous restés en place (cf The Inside Job).
Tout le monde veut y croire au chevalier blanc. Beaucoup en ressortent déçus.
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