JCVD
Mabrouk El Mechri, 2008
LE COMMENTAIRE
L’homme est capable de déplacer des montagnes, pour peu qu’il veuille bien s’en donner la peine. On se rappelle d’hommes célèbres qui ont changé la face du monde: Mandela, Ghandi, Martin Luther King, Zinédine Zidane. Cependant ne nous y trompons pas: fondamentalement l’homme ne vaut guère mieux que la femme. Il est tout aussi vaniteux. Les années passent. L’homme reste un éternel amoureux de ses biceps.
LE PITCH
Jean-Claude Van Damme se retrouve seul face à lui-même.
L’HISTOIRE
Jean-Claude Van Damme enchaîne les mauvais films. Il termine péniblement un long plan séquence sur un tournage perdu quelque part en Bulgarie.
It’s really difficult for me to do everything in one scene. I’m 47…
La star d’antan a perdu de son lustre sur les plateaux ainsi qu’au tribunal où il perd la garde de sa fille.
Every time my dad is on a TV show, my friends make fun of him.
Il est temps pour lui de revenir en Belgique.
1- La réponse avant la question
Dans la commune de Schaerbeek, Jean-Claude Van Varenberg, de son vrai nom, s’arrête à la poste pour retirer de l’argent après avoir gentiment posé pour des fans devant un video club. Quelques minutes plus tard, des coups de feu retentissent.
Suite à un quiproquo, tout le monde pense qu’il est en train de braquer le bureau de poste. Le commissaire Bruges (François Damiens) entame les négociations.
Une unité d’intervention spéciale est aussitôt dépêchée sur les lieux. La presse s’invite également, attirant au passage une foule de curieux. L’acteur conserve une popularité intacte auprès des Bruxellois.
C’est une star le mec. Il est parti de ce bled pourri. Il est allé jusqu’à Hollywood.
Dans le bureau de poste, Jean-Claude est un otage au même titre que les autres. Il est même contraint de coopérer avec ses ravisseurs en menant la négociation avec Bruges.
Je suis Jean-Claude Van Damme, je dis plein de conneries. C’est incohérent. Il faut quelque chose de moins réaliste.
2-Le temps et les heures passent à travers la plus mauvaise journée.
Les négociations avec la police sont aussi interminables que les discussions entre Jean-Claude et les producteurs. Abusé par son agent, siphonné par son avocat, Jean-Claude rentre dans son pays natal où il se fait emmerder par sa chauffeuse de taxi.
Vous êtes beaucoup plus sympathique à l’écran. Ah oui là vous m’avez déçue franchement.
Sans un rond et épuisé, la star du karaté se retrouve coincé avec des malfrats de seconde zone. Le cauchemar ne semble pas s’arrêter.
3-Pierre qui tombe sur un oeuf. Oeuf se casse.
Jean-Claude prend conscience qu’il s’approche dangereusement du fond. Tout pourrait bien s’arrêter définitivement. Il profite de ce moment pour faire son mea culpa.
Pourquoi j’ai fait ça?
Après avoir relâché quelques otages, les esprits s’échauffent. Les forces de l’ordre finissent par donner l’assaut. Jean-Claude Van Damme est arrêté puis inculpé pour escroquerie après avoir demandé le transfer de la somme de 465,000 dollars pour payer ses frais d’avocat. Il prend une peine de un an ferme. En prison, il enseigne le karaté à ses co-détenus.
Sa mère puis sa fille lui rendent visite.
L’EXPLICATION
JCVD, c’est une sortie avec panache (cf Balboa).
Dans les années 80, DJ Keating a popularisé le Carpe Diem (cf Le cercle des poètes disparus) sur tous les dance floors du monde. La conséquence est qu’aujourd’hui, on ne jure plus que par le moment. C’est tout ce qui compte. La minute ou la seconde. Le reste, on s’en moque. Le passé est #old. Quant au futur, il est trop loin, trop flou. À penser sur le court terme en permanence, on en oublierait presque qu’on vieillit et qu’un jour le rideau tombe.
Jean-Claude Van Damme lui ne peut pas l’oublier. Il fait partie de ces acteurs qui ont connu les sommets avant d’entamer une longue et douloureuse descente aux enfers. Comme Riggan Thompson qui veut prouver à Broadway qu’il est un acteur de talent (cf Birdman). Il est comme Randy the Ram (cf The Wrestler) qui veut montrer au monde qu’il en a encore dans le slip. Tout comme Rocco voulait montrer qu’il n’est pas qu’un étalon.
Parti de rien, Jean-Claude est devenu Van Damme. Il s’est goinfré et n’a pas vu le mur arriver droit dans sa tronche. Tout comme ses prédécesseurs, il est désormais moqué ; y compris par les autres otages qui le prennent pour un clown, sans doute à cause de ses nombreuses sorties de piste médiatiques.
Tout ce qui est serpent, Adam et Eve et la pomme j’y crois plus. Parce qu’un serpent est gentil. Et une pomme, c’est bon.
Le retour au source est d’habitude salutaire. Pour Jean-Claude, il tourne au constat d’échec: De Hollywood à Bruxelles. De Rodeo Drive aux choux. Des Lakers à Anderlecht. De Jack Nicholson à Benoît Poelvoorde.
Cela n’est plus un film, c’est la réalité. La seule chose que Jean-Claude peut essayer de faire est de reprendre un peu le contrôle de son image qui lui a échappé pendant trop d’années. Il a besoin d’un face à face, avec lui-même et avec son public. Alors il en profite pour reparler de lui et de son parcours. Le molosse se montre vulnérable. Il se confesse, évoque ses erreurs, les hôtels, la drogue…
J’étais déchiré physiquement, mentalement. Tellement que je m’en suis sorti.
Sur cette nouvelle trajectoire qui est la sienne, il va pouvoir compter sur le soutien populaire qui reste toujours important.
Il est comment ?
Il est sympa!
L’opinion est changeante. Elle s’est régalée de Double Impact ou de Kickboxer. Puis elle a pris un malin plaisir à se moquer des interviews lunaires de l’acteur. L’opinion, c’est la chauffeuse de taxi. Celle qui croit aimer mais qui n’aime pas. L’opinion, c’est le GIGN qui se distingue pas par sa finesse.
On discute pas, on flingue!
La base, elle, n’a pas oublié. Elle est incarnée par le Commissaire Bruges qui est plus respectueux et mesuré. Il là pour tirer Jean-Claude d’affaires, même si Van Damme va devoir aller faire un tour en prison malgré tout (cf Flight). Une aubaine!
Van Damme va pouvoir s’appuyer sur l’un des preneurs d’otages qui l’idolâtre.
Comment tu fais? Comment t’arrives à penser à mettre un coup de pied et un coup de poing dans les couilles en même temps? C’est génial! Tu vas trop vite.
Il va tout reprendre depuis le début, en donnant des cours de karaté à ses codétenus. C’est toujours mieux que de se faire enfiler sous les douches. Quand on est une icône telle que lui, l’expérience de la prison n’est pas la même que pour Malik (cf Un Prophète).
Et puis surtout il y a sa mère et sa fille qui ne le lâcheront jamais, même au parloir.
Jean-Claude a fait la paix. Il est Whip Whitaker (cf Flight), un peu honteux, qui peut à nouveau se regarder dans une glace. En bon acteur, il a soigné sa sortie. Il a réhabilité son personnage puis tiré sa révérence avec humilité, classe et un petit accent belge assez émouvant.
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