LA MALÉDICTION
Richard Donner, 1976
LE COMMENTAIRE
Dans chaque famille, on retrouve le moment fondateur du voyage en voiture. L’enfant est suffisamment grand pour tenir son rang sur le siège arrière, entre ses deux parents encore sereins, crédules. Puis les yeux de l’enfant s’allument soudainement. Trop de virages. Une odeur de siège neuf. Un freinage intempestif. Ça y est. Les tartines du petit-déjeuner vont repartir. Sortez les sacs en plastique. Les vacances vont vraiment pouvoir commencer.
LE PITCH
Un couple malheureux hérite d’un vilain garnement.
LE RÉSUMÉ
Dans un hôpital de Rome où il exerce comme diplomate, Robert Thorn (Gregory Peck) apprend que son nourrisson est mort. Impossible de se tromper.
The child is dead. He breathed for a moment. Then he breathed no more. The child is dead. Dead. The child is dead.
Un curé peu scrupuleux, le Père Spiletto (Martin Benson), propose gentiment de lui refourguer un orphelin – ni vu ni connu. Robert, tel Louis Creed (cf Simetierre), accepte dans sa grande miséricorde. Le garçonnet prendra le nom de Damien (Harvey Spencer Stephens).
Tout se passe bien. Les Thorn partent en Angleterre où Robert devient ambassadeur des États-Unis d’Amérique. Et puis un beau jour, la nounou gâche la fête d’anniversaire de Damien en se pendant haut et court. Les parents commencent à se demander s’ils ne seraient pas un peu damnés sur les bords. D’autant qu’un autre curé vient régulièrement harceler Mr Thorn pour qu’il accepte de boire le sang de Jésus.
Accept Christ, each day. Drink his blood.
Les choses déraillent sérieusement après l’arrivée de Miss Baylock (Billie Whitelaw), la nouvelle nounou étrangement zélée qui fait serment d’allégeance à Damien.
Have no fear, little one… I am here to protect thee.
Un rottweiler rode désormais devant la porte de sa chambre. Katherine Thorn (Lee Remick) se sent menacée par Damien. Elle se sait enceinte et réclame un avortement. Le vilain Damien va la faire tomber du haut de l’étage et l’envoyer à l’hôpital où elle perdra son enfant.
Robert Thorn est interpellé par le paparazzi Keith Jennings (David Warner) qui lui montre des clichés inquiétants. Les deux hommes partent à Rome enquêter sur la naissance de Damien. Il découvre que le fils biologique de Robert a été assassiné et que Damien est une sorte d’Antéchrist supposé hériter de la fortune de Thorn à sa mort.
Robert consulte un exorciste pour comprendre comment se débarrasser de sa petite fripouille, à l’église en le poignardant à l’aide de sept dagues mystiques. Non on ne se débarrasse pas de l’Antéchrist à coups de fourchette ou avec un petit coton au formol. Ce serait trop facile.
De retour en Angleterre, Robert enferme le toutou au sous-sol, donne quelques bons coups de pieds à Miss Baylock et emmène son fils à l’église pour le rituel meurtrier. Il n’aura malheureusement pas le temps de lui porter les coups fatals. La police l’abat avant.
Le jour de l’enterrement de son père, c’est ni plus ni moins que le président des États-Unis qui tient la main d’un Damien hilare.
Le monde a de quoi être inquiet.
L’EXPLICATION
La Malédiction, c’est la raison pour laquelle il ne faut pas avoir d’enfant.
Les parents auront beau dire que la naissance de leur enfant est le plus beau jour de leur vie (cf Tree of Life), personne n’est dupe. C’est très hypocrite. Évidemment que les enfants sont un véritable cauchemar. Ils transforment la vie de leur mère en enfer (cf Mother!). Ils tuent leurs camarades de classe (cf We need to talk about Kevin) quand ils ne deviennent pas carrément des concurrents pour leur père (cf There Will be Blood)!
On peut sérieusement questionner l’intérêt d’avoir des enfants aujourd’hui (cf Vivarium). Alors oui il y a le trou de la sécu et les retraites à sauver. Mais sommes-nous tellement prisonniers d’un système que nous préférons devenir les victimes volontaires de la surpopulation mondiale ? Monsieur le Président, n’y a-t-il pas d’autres réformes nécessaires à entreprendre rapidement ?
Surtout que Damien n’est pas un enfant comme les autres.
It’s not a child.
Il est l’enfant, en l’occurrence celui des Thorns, celui qui va les prendre en otage. L’enfant terroriste. Dès la naissance, Robert se sent déjà complètement dépourvu face à ce garçu qu’on lui impose. Il n’a plus le choix et ne l’aura plus jamais. À partir du moment où il a accepté l’inacceptable, soit disant pour ne pas attrister sa femme, Robert n’a plus aucune barrière. Il va passer tous les caprices de son fils. Si le gosse veut un chien d’attaque devant sa porte, alors qu’il en soit ainsi. Il apprécie une nounou diabolique ? Amen!
La naissance de Damien montre à quel point les parents sont démunis à cause d’un simple passager clandestin. Leur vie leur échappe tellement qu’ils finissent par se mentir à eux-mêmes!
If there were anything wrong, you’d tell me, wouldn’t you?
Wrong? What could be wrong with our child, Robert? We’re beautiful people, aren’t we?
Katherine est enceinte d’un deuxième et déjà trop marquée par son expérience avec Damien, elle ne pense qu’à avorter (cf Rosemary’s baby). Elle ne veut pas faire un deuxième tour de manège. Pas besoin d’en avoir huit pour crier que ça suffit! Un seul, c’est déjà beaucoup trop.
Le petit a l’air bien sympathique sous ses airs de bébé Cadum, préfigurant Danny avec son tricycle quelques années seulement avant Shining. Cette gueule d’ange au regard maléfique a déjà des tactiques de chantage bien rodées.
Il a beau déclencher des tempêtes, pour éviter de se prendre une bonne paire de claques ou quelques coups de dagues, Damien sait qu’il peut toujours demander la clémence du jury en qualité de mineur. On ne tue pas les enfants au cinéma, c’est la règle. Il le sait. Et il en joue.
Please, Daddy! No, Daddy, no!
Damien a un but très précis qui n’est finalement pas très original d’un point de vue Freudien : tuer le père pour mieux hériter de sa fortune et contrôler le monde. Cela n’est pas sans rappeler le destin singulier d’un jeune président, fils prétendu d’une famille politique qu’il n’a pas été hésité à siphonner pour mieux gouverner seul, protégé par ses cerbères. La fin du monde ne ressemble pas toujours à ce que l’on croit. Et l’Antéchrist est toujours séduisant, sur le papier.
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