COMME DES GARÇONS
Julien Hallard, 2018
LE COMMENTAIRE
À cause des garçons, les filles finissent souvent par se crêper le chignon. Ce n’est certainement pas à cause des garçons si elles se sont mises au football. Tant mieux. Aujourd’hui, elles expriment leur enthousiasme sur des pelouses que les hommes ont transformées en tapis vert.
LE PITCH
Les filles de Reims font du football champagne.
LE RÉSUMÉ
Paul Coutard (Max Boublil) est un journaliste séducteur et provocateur. Il chambre un peu trop l’entraîneur (Renaud Rutten) du prestigieux Stade de Reims qui descend en 2e division. Crime de lèse-majesté pour lequel le directeur du journal Le Champenois lui confie un dossier épineux dont personne ne veut : s’occuper de la kermesse. Coutard ne se défile pas. C’est pourtant Emmanuelle Bruno (Vanessa Guide) qui lui souffle l’idée d’organiser un match de football féminin. Et elle ne plaisante pas.
Excusez moi mais… je ne suis pas d’accord avec vous.
Quoi? Vous aimez le foot…?
Coutard s’en amuse. Il trouve ça plus original qu’un combat de catch de nains. Il monte lance une campagne de recrutement pour monter une équipe. Les demandes affluent. Il profite des entretiens qu’il fait passer pour séduire Jeanne Simon (Mona Walravens).
Emmanuelle Bruno, la fille du fameux Giacomo Bruno (Luca Zingaretti), accepte d’être de la partie à condition que les choses soient sérieuses. Les filles ont besoin d’un équipement décent. Alors Coutard trouve un stade, des équipements, un bus et un sponsor.
La mayonnaise prend entre les membres de l’équipe qui s’auto-proclament les Cramponneuses.
Les tensions naissent cependant dans ce pays qui ne s’imagine pas conservateur mais où le foot reste la chasse gardée des hommes.
Partout en Europe les femmes jouent au foot!
Les filles humilient les Cadets du Stade. Michel Leroux ne décolère pas. Le slogan des filles lui résonne encore aux oreilles : Crampons et nichons!
C’est une déclaration de guerre!
Les tensions naissent aussi en interne. Le mari (Ludovic Berthillot) de Francine (Delphine Baril) Marchand refuse que sa femme aille se trémousser en short court devant tout le monde.
Les Cramponneuses ne sont pas protégées des querelles intestines. Jeanne, jalouse de voir que Coutard la délaisse pour Emmanuelle se venge dans la presse avec une interview choc, risquant de faire éclater l’équipe.
Coutard doit s’excuser platement devant tout le monde et reprendre à zéro. Il se bat pour que les filles obtiennent une reconnaissance à travers une licence officielle accordée par la Fédération Française de Football qui ne reconnaît toujours pas le football féminin, allant même jusqu’à faire des campagnes de propagande soutenue par des médecins pour dissuader les femmes de se mettre au ballon rond.
Il va aussi accepter de se mettre en retrait au bon moment, pour que la victoire revienne à celles qui le méritent.
Le 29 mars 1970 la FFF reconnaît officiellement le football féminin. Aujourd’hui, on compte 160.000 licenciées en France.
L’EXPLICATION
Comme des garçons, c’est le changement de mentalités qui ne doit rien au marketing.
Dans la France de Georges Pompidou, mai 68 a fait soufflé des idées nouvelles et pourtant il n’est toujours pas concevable que la femme puisse jouer au football. Les femmes ont toujours eu le droit de conduire mais pas le droit de voter. Elles ne peuvent pas tackler ni marquer des buts. Pour jouer, il faut une autorisation parentale pour les mineures et une autorisation maritale pour les majeures. On part de très très loin.
Des femmes comme ça, c’est pas des femmes. (cf Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste)
Coutard est un personnage séduisant avec le nez creux. Il sait flairer les coups. Et il est très ambitieux.
Vous croyez pas qu’il serait temps de laisser la place aux jeunes?
Ce représentant du nouveau monde n’est pas moins un porte-parole de la misogynie tricolore (cf Taxi). Disons qu’il tient plus de Tex que des philosophes des Lumières. Il ne comprend pas comment son collègue Alain Lambert (Bruno Lochet) puisse être un amoureux fidèle de sa femme. L’ancien monde. Pour Coutard, les femmes s’utilisent comme des Kleenex.
Sylvie, Chantal… tout ça c’est tellement mignon!
Il voit très vite l’intérêt de pousser cette équipe féminine. Et il voit aussi le talent de ses joueuses. C’est un coup médiatique potentiel. Ça ne peut être que bon pour sa carrière. Les gens vont s’intéresser. Il sait très bien faire monter la sauce et packager son produit comme un bon vendeur qu’il est (cf The Wolf of Wall-Street). En l’occurrence, le marketing n’est pas assez. On ne change pas la planète à coups de slogans aussi opportunistes que tapageurs, la preuve. Make the planet great again.
Car il s’agit bien d’une évolution des mentalités. Coutard passe totalement à côté de la dimension symbolique des événements, que Lambert n’ignore pas.
Le monde de demain c’est plus le monde des lavoirs, le monde de demain c’est l’espérance, la joie, l’épanouissement. Il est temps que les hommes le comprennent.
Les Cramponneuses sont plus qu’une équipe de football féminine, elles représentent un changement de paradigme (cf Moneyball). Si le foot féminin peut dire merci à Coutard qui est une sorte de Damien (cf Je ne suis pas un homme facile) ou Al Harrison (cf Hidden Figures), elles le doivent avant tout à elles mêmes. Elles ont eu la volonté de le faire, le courage de s’ériger face à l’autorité masculine toute puissance.
J’ai pas besoin d’être protégée papa!
Elles n’ont pas renoncé face aux nombreux obstacles car elles ont très vite cerné les enjeux. Il s’agissait pas que d’un simple match de foot.
Faut qu’on se batte pour notre condition!
Pour que les mentalités changent en profondeur, il ne faut pas prendre les choses à la légère. Pas juste de jolis maillots mais taper du poing sur la table. Une solidarité à toute épreuve. Ces femmes sont plus que de pionnières, ce sont des Révolutionnaires. Elles ne doivent rien à personne. Coutard n’est que le coach d’une équipe qui s’auto-gère très bien tout seul.
J’ai réfléchi à… la tactique pour ce match.
Je m’occupe de tout!
Elles ont réussi à jouer comme des garçons mais surtout comme des filles, à leur manière (cf Working Girl). Certes la France n’a encore pas gagné la Coupe du Monde mais les joueuses de l’Olympique Lyonnais ont remporté 5 fois la Ligue des Champions.
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