LE CONGRÈS
Ari Folman, 2013
LE COMMENTAIRE
Les acteurs et actrices ont décidé de faire de leurs émotions leur métier (cf Birdman). Ils exposent leurs troubles en public. Quand ils veulent revenir en arrière pour trouver un peu d’intimité, le public ne leur permet pas toujours (cf Rock’N Roll). S’ils veulent se ré-approprier leur image, ils doivent définitivement quitter la réalité pour basculer dans une monde où tout n’est plus que représentation. Ne se trouvant pas forcément du bon côté de l’aquarium.
LE PITCH
Une actrice en fin de carrière décide de faire le pari du digital.
LE RÉSUMÉ
Les choix de Robin Wright n’ont pas tous été heureux comme le lui fait remarquer délicatement son agent (Harvey Keytel).
Lousy choices. That’s your whole story Robin.
Selon lui, Robin devrait considérer la proposition radicale de Jeff Green (Danny Huston) chez Miramount :
We want to scan you, (…) we want to sample you, we want to preserve you, we want all this thing called ‘Robin Wright’.
L’actrice n’est pas d’accord car elle tient à garder le contrôle de son image puis elle change d’avis, convaincue par son agent. Sa fille Sarah (Sami Gayle) consent. Cette décision permettrait à Robin Wright de soutenir son fils Aaron (Kodi Smit-McPhee) qui est atteint du syndrome de Usher.
Vingt ans plus tard, l’image de la star est la propriété de Miramount. Robin Wright est invitée par le studio à un Congrès où elle doit prendre la parole, et accessoirement renouveler son contrat. Jeff lui demande de signer une nouvelle clause permettant de la transformer en substance. Cette fois-ci, la plaisanterie va trop loin. Robin refuse et invite tous les participants à revenir à la réalité.
Des rebelles profitent de la confusion pour interrompre le Congrès. Robin est protégée par Dylan Truliner (Jon Hamm) puis capturée. Les médecins décident qu’elle doit être cryogénée pendant soixante dix ans (cf Hibernatus). À son réveil, elle retrouve Dylan qui lui explique que le monde a définitivement basculé grâce aux progrès de la technologie. Tout est désormais possible.
Once we just masked the truth with antidepressants, drugs that hum concealed, lied. Now we reinvent the truth. It’s not such a big difference. (…) Imagine a life with no frustration. No jealousy, no ego. You have a dream? Be your dream!
Dans cet univers alternatif, Aaron reste cependant introuvable. Robin ne peut pas le supporter.
Elle demande à Dylan de l’aider à retourner dans la réalité. En l’occurrence, le réel est un désert que tout le monde cherche à la fuir (cf Matrix, Ready Player One). Le Dr Barker (Paul Giamatti) lui apprend qu’Aaron a préféré le monde animé. Robin accepte de prendre une ampoule pour le retrouver.
L’EXPLICATION
Le Congrès, c’est choisir le futur – pour les bonnes raisons.
Fuir la modernité est une course perdue d’avance. Elle nous rattrape toujours. Le monde que nous connaissions hier n’est déjà plus le même que celui d’aujourd’hui.
Very soon this whole structure we love so much will be gone.
On peut décider de vivre sans téléphone portable jusqu’à se retrouver parmi le pourcentage d’exclus qui ne peuvent plus commander car ils n’ont pas de quoi scanner le QR code. Dans ce contexte, on pourrait donc penser que nous ne choisissons pas vraiment le futur mais que c’est plutôt lui qui nous choisit.
Si la marche en avant semble ineluctable, les plus réfractaires peuvent toujours nier (cf Matrix). Pour les autres, il reste possible décider de la cadence. Certains pionniers sont excités par la perspective de s’approprier des territoires inconnus (cf There Will be Blood). Les autres font à leur rythme (cf The Artist). Pour cela, encore faut-il trouver sa propre manière de se repenser sous un nouveau jour.
En l’occurrence, Robin Wright voit son image lui échapper. Bien qu’elle soit immortalisée par le film, elle s’efface progressivement (cf Retour vers le Futur 2). Elle est figée dans le passé.
Difficile de passer la main et de se sentir exclue du futur. Intolérable de ne pas être de la partie. Inacceptable de disparaître de l’écran.
Nobody sees me.
Robin Wright voit s’ouvrir l’ère du metaverse, avec tous ses risques et toutes ses promesses. Comme beaucoup, elle n’a pas encore suffisamment de recul sur le sujet.
Son agent la pousse dans le doc. Il faut y aller car la chance ne se représentera peut-être pas deux fois. Maintenant ou jamais.
Is there no choice?
L’actrice choisit le futur parce qu’on lui force la main, pour les mauvaises raisons et de manière totalement précipitée. Pas le temps de réfléchir qu’il faut déjà céder aux sirènes de la célébrité éternelle. Ce contrat se paie au prix fort puisque Robin Wright disparait en tant que personne au profit d’un rôle.
I need Buttercup from Princess Bride, I need Jenny from Forrest Gump. That’s what I need. I don’t need you.
Esclave de l’iconomanie, elle donne les droits de son image. Ce faisant, elle renonce à elle-même. Elle ne peut plus jouer.
Half a day of scanning and you must agree to never act again.
Elle se voyait disparaître petit à petit, cette fois elle a disparu pour de bon au profit de son image. Plus de raison d’être sous prétexte de vouloir faire partie de son temps. Prisonnière d’un futur où tout s’accélère. Vingt ans se sont passés sans qu’elle s’en soit rendue compte. Tout lui a filé entre les doigts.
Ce choix égoïste l’a fait basculer dans un futur où elle n’a plus sa place. Capturée par la technologie. Broyée dans son angoisse. Seule sans Aaron.
Les stars sont devenus des produits de masse. Une marchandise qui survit après sa disparition. Dans une moindre mesure, nous voulons devenir des Robin Wright via le miroir déformant des réseaux sociaux (cf The American Meme). Remplis de nous-mêmes et si farouchement attaché·es au contrôle de notre image, donc torturé·es à l’idée de ne pas savoir comment le temps pourrait l’altérer.
À la manière de Robin Wright, nous sommes également pris dans le tunnel du progrès qui nous aspire vers une nouvelle réalité que nous ne maitrisons pas.
Afin de ne pas se retrouver coincé dans un entre-monde infernal, il serait bon de faire le point avec son ego pour mieux se reposer la question des priorités. Prendre la décision juste. Trouver la bonne raison.
Le metaverse n’est soudainement plus un cauchemar lorsque l’actrice y retourne dans l’espoir de revoir son fils. Les retrouvailles lui permettent d’être enfin en paix.
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