LE BAZAAR DE L’ÉPOUVANTE
Fraser C. Heston, 1993
LE COMMENTAIRE
Les cow-boys traversaient le pays à cheval après avoir pris soin de bien choisir leur monture (cf Sisters Brothers). Il en est de même pour un road trip. Le conducteur prendra soin de choisir une belle berline à l’arrière de laquelle on devine le monarque et ses figurines. Pour faire hennir les chevaux du plaisir, à 80km/h sur les routes nationales. Non pas à 140 sur les trottoirs. Rien à voir.
LE PITCH
Un antiquaire arrive en ville.
LE RÉSUMÉ
Le lugubre Leland Gaunt (Max von Sydow) débarque d’Akron dans l’Ohio pour s’installer dans la paisible bourgade de Castle Rock dans le Maine. Il vend un peu tout et n’importe quoi contre une somme d’argent et si nécessaire une petite faveur. Les habitants défilent dans son bazaar, d’abord par curiosité. Puis ils finissent tous par y trouver un objet anodin qui devient très précieux à leurs yeux.
Le jeune Brian Rusk (Shane Meier) est obsédé par une carte de Mickey Mantle qu’il obtient contre 95c et une petite farce contre la bouillonnante Wilma Wadlowski Jerzyck (Valri Bromfield) qui soupçonne immédiatement Nettie Cobb (Amanda Plummer).
Nettie trouve une petite statuette similaire à celle que son mari violent a brisée. Pour l’acheter, elle accepte de coller des post-it un peu partout chez Danforth Keeton (J. T. Walsh), un élu municipal ripou. Celui-ci s’est procuré un jeu de petits chevaux qui lui permet de prédire les résultats des courses hippiques, de quoi rembourser ses dettes de jeux. Il pense que les post-it ont été placés chez lui par le Sheriff Norris Ridgewick (Ray McKinnon).
Pendant que Nettie et Wilma s’entretuent, Gaunt offre un pendentif à Polly Chalmers (Bonnie Bedelia), la compagne du Sheriff Pangborn (Ed Harris), qui soulage son arthrite – à condition qu’elle le porte en permanence.
Brian prend conscience que deux femmes sont mortes par sa faute. Il se confie au Sheriff Pangborn qui surveille Gaunt de près. Il suggère à sa compagne d’enlever le pendentif, par précaution. Polly s’execute mais souffre aussitôt d’atroces douleurs. Gaunt vient à son aide et en échange du pendentif, lui demande d’aller sur le yacht de Pangborn pour y trouver une grosse somme d’argent. Lui et Keeton détourneraient ensemble les fonds publics. Polly découvre effectivement beaucoup d’argent à bord du bateau de son compagnon et prend la décision d’annuler son mariage.
Keeton s’en prend au Sheriff Ridgewick puis tue sa femme (Gillian Barber) à coups de marteau, persuadé qu’elle le trompe avec Norris. Il retourne à la niche, chez son maître.
I just killed my wife. Is that bad?
Hey, these things happen.
Gaunt continue de semer la zizanie et se réjouit de voir la ville à feu et à sang.
Oh yes, we’re having fun now.
Pangborn parvient à convaincre tout le monde de reprendre ses esprits. Il dénonce la manipulation machiavélique de Gaunt. Chacun avoue ses crimes.
C’est finalement Keeton qui se retourne contre Gaunt et se fait sauter le caisson dans sa boutique tel un kamikaze.
Gaunt s’avoue défait mais pas vaincu (cf L’associé du diable). Il félicite Pangborn et Polly et leur annonce qu’il donne rendez-vous à leur petit-fils en 2053.
Oh. You know, there are days I really hate this job. This is not my best work, not by a long shot. Oh, sure, a few murders and a couple of rather lovely explosions. I would hardly call it a rousing success, but what the hell? I’ll be back. In the meantime, you and Polly, you are two terrific kids, and you’ll marry her. Trust me. She’s a lovely girl, Alan. You’ll have a wonderful family. Oh, by the way, give my regards to your grandson. Bob will be his name, International Trade his game. I’ll see him in Jakarta, 2053. August 14th. 10a.m. A nice, sunny day. We’ll make headlines.
Il repart ensuite comme il est venu.
L’EXPLICATION
Le Bazaar de l’épouvante, c’est la petite faiblesse qui nous perdra.
Leland Gaunt est le diable. Celui qui oeuvre pour le néant (cf L’histoire sans fin). Il ne s’épanouit véritablement que dans le chaos, comme le Joker (cf The Dark Knight). Pour arriver à ses fins, il passe inaperçu (cf L’Adversaire). Personne ne se méfie de ce vieux monsieur inoffensif.
The Devil. What the hell does he look like?
Well, he looks like you and me, I imagine.
So he could get his claws in us without our ever knowing, make us do things that we normally would never do. Terrible things.
Sa technique est infaillible : c’est un redoutable commerçant (cf The Wolf of Wall Street). Il est le libéral qui dé-régule tout. Dans son magasin, les habitants de Castle Rock trouvent des objets qu’ils convoitent. Gaunt chatouille le désir matérialiste des uns et des autres. Et il est arrangeant. Il ne réclame que des petites faveurs. On peut toujours discuter pour faire affaire.
C’est ainsi qu’il ensorcelle les habitants de la ville et les montent les uns contre les autres, sans jamais prendre aucune responsabilité. Gaunt est le capitalisme qui rend fou. Il est le capitalisme vicieux qui s’abrite derrière le libre arbitre – qui est sacré dans les pays qui valorisent l’indépendance, à l’inverse de l’ex-RDA (cf La vie des autres).
Il est vrai qu’il n’en faut pas beaucoup à l’homme pour devenir fou.
You know, guys, I moved here and I thought, Great! I’m outta the big city and I’m finally in a place where everybody isn’t gonna be crawling up everybody’s asshole every day! A place where maybe my biggest nightmare is gonna be getting some goddamn cat out of a tree! But forget that! EVERYBODY IS INSANE, EVERYWHERE!
Gaunt se délecte comme un professeur de mathématiques qui démontre un théorème sur la nature humaine corrompue. Nous sommes fondamentalement mauvais (cf Dogville). Et nous n’avons effectivement pas besoin qu’on nous pousse beaucoup pour tomber.
Nous faisons le mal sans problème. Tant que cela sert nos propres intérêts égoïstes. Nous mentons et ne prenons pas nos responsabilités.
À l’heure où certains prônent une législation plus ferme aux États-Unis concernant la vente d’armes, rappelons que les armes automatiques ne tuent personne tant qu’un homme n’a pas appuyé sur la gâchette (cf Bowling for Columbine).
Guns don’t kill people. People kill people.
La solution passe peut-être par un peu de régulation afin de ne pas perdre totalement la tête. Le salut passe surtout par beaucoup d’éducation et d’humilité. Le sauveur de l’ordre social n’est pas le prêtre mais le Sheriff qui a pour lui d’avoir suffisamment de bon sens. Il sauve la ville des flammes, et le monde de l’anarchie.
C’est la libération de Paris. Les habitant·es admettent être allé·es trop loin. Une prise de conscience nécessaire sur laquelle les habitants de Castle Rock vont pouvoir reconstruire ensemble.
Jusqu’à la prochaine fois.
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