THIS IS ENGLAND
Shane Meadows, 2006
LE COMMENTAIRE
La vie ressemble au labyrinthe que regarde Jack Torrance (cf Shining). Si l’on est attentif, on peut s’en sortir. Un mauvais virage et on peut se retrouver prisonnier à vie, condamné à tourner en rond avant de mourir de froid. Tout se joue à l’adolescence, une étape sous influence. Si on a la chance d’être bien entouré, on peut finir comme Billy Eliott. À l’inverse si l’on est mal entouré, alors on prend le chemin du hooliganisme – avec fierté (cf Ultras).
LE PITCH
Un jeune garçon grandit dans l’Angleterre de Thatcher.
LE RÉSUMÉ
Shaun Fields (Thomas Turgoose) se bat à l’école après avoir répondu à la provocation de l’un de ses camarades. Son père est mort lors de la guerre des Falklands. Shaun se rapproche d’un groupe de skinheads. Woody (Joseph Gilgun), le chef de la bande, va prendre Shaun sous son aile.
Shaun prend confiance petit à petit et tombe amoureux de Smell (Rosamund Hanson), une jeune punk un peu plus âgée que lui.
I just wondered if you’d like to be my girlfriend, I think you’re lovely.
Elle est séduite par la précocité du jeune garçon qui se conduit déjà comme un boss.
You might look about four, but you kiss like a fourty year old!
Les choses se gâtent lorsque Combo (Stephen Graham) sort de prison. Il est un psychopathe qui est politisé. Quand Woody se donne des airs de bad boy, Comb milite activement pour une Angleterre nationaliste. Il impose ses théories racistes sur le groupe, provoquant l’explosion de la bande.
Shaun est impressionné par le charisme de Combo. Il ne fait pas que parler. C’est un homme d’action qui menace Mr Sandhu (Kriss Dosanjh) pour avoir interdit Shaun de mettre les pieds dans sa boutique.
Don’t you fucking dare backchat me, or I will slay you now where you fucking stand, you fucking Paki cunt! Right? You listen to fucking me! That fucking kid’s Dad DIED for this fucking country! What have YOU fucking done for it? FUCK-ALL but take fucking jobs off decent people. Now listen, son. Listen good. We’ll be back here whenever we want, right? Cuz this is fucking OURS, now. This is OURS, this, fucking Sandhu. Don’t forget that.
C’est bien noté.
Devant cette violence, Pukey (Jack O’Connell) fait part de ses doutes et se voit exclut du gang.
Combo fait le vide autour de lui. Il va soudainement s’énerver contre Milky (Andrew Shim), le seul membre de couleur de la bande. Combo lui reproche ses origines.
But I’ve got one question to ask you. Do you consider yourself English, or Jamaican?
English.
Lovely, lovely, love you for that, that’s fucking great. A proud man, learn from him, that’s a proud man. That’s what we need, man, that’s what this nation has been built on, proud men. Proud fucking warriors! (…) Men have laid down their lives for this. For this, and for what? So people can stick their fucking flag in the ground and say, « Yeah! This is England. »
Après de multiples provocations, Combo frappe Milky soudainement devant un Shaun incrédule et horrifié. Combo finit par reprendre ses esprits et conduit la victime en piteux état jusqu’à l’hôpital.
Seul dans sa chambre et encore sous le choc, Shaun essaie de faire le point. Il se souvient de son père avec tristesse. Sa mère (Jo Hartley) tente de le rassurer en lui disant que Milky va s’en sortir.
Shaun part marcher et jette le drapeau de la croix de St Georges, symbole de l’Angleterre, que Combo lui avait offert.
L’EXPLICATION
This is England, c’est tout ce que l’Angleterre ne devrait pas devenir.
L’Angleterre est une île. Ce qui veut dire qu’elle a toujours fait bande à part (cf Quadrophenia). Il faut vivre à Oléron ou à Sartène pour comprendre le tempérament des insulaires (cf Fuck UK).
Lorsque l’Angleterre est connectée au monde, elle existe. Elle parle d’amour (cf Love Actually). Lorsqu’elle se referme sur elle-même, elle prend le risque de sentir le moisi. Bien plus qu’une simple histoire de Brexit, encore que ce retrait ne soit pas anodin.
L’Angleterre est une Reine absente, avec un peuple livré en pâture à son, ou en l’occurrence sa Première Ministre, Maggy Thatcher qui mène une guerre aussi stratégique qu’absurde contre l’Argentine. Se serrant tellement la ceinture économique que ses sujets finissent par étouffer.
Le chômage explose. Avec le sentiment amer que les plus belles années du Royaume sont derrière lui. La peur se développe.
Some people say we’re racists. We’re not racists, we’re realists. Some people call us Nazis. We’re not Nazis. No, what we are, we are nationalists and there’s a reason people try to pigeonhole us like this. And that is because of one word, gentlemen : Fear.
La peur de manquer.Celle de ne pas s’en sortir. Qui se mue en une peur de l’étranger, celui dont on n’a pas besoin et qui vient nous piquer nos emplois / allocations / femmes. Le sentiment de Caïn face à Abel.
Et évidemment, le peuple se pose comme victime de ces décisions politiques.
We didn’t want this.
Le peuple devient alors un troupeau de moutons noirs par la faute de ses dirigeants. À court d’idée, on finit par écouter celui qui parle le plus fort. Peu importe ce qu’il raconte. On obéit à celui qui nous donne l’impression d’être capable de nous sortir de ces marécages. Suivre le joueur de flûte même si sa mélodie nous arrache les oreilles. Le peuple se transforme en un groupe de supporters de football fanatisés.
Shaun a la possibilité de ne pas souscrire à cette violence. Il ne la comprend pas car il n’y a rien à comprendre. La peur est irrationnelle. Dans sa chambre d’enfant, il reprend ses esprits et s’offre un nouveau départ. Il s’interroge sur son pays.
Qu’est devenue l’Angleterre ? Un pays qui a envoyé son père se faire tuer à l’autre bout d’une monde pour une île dont tout le monde se moque ? Une contrée de brutes et d’imbéciles imbibés de bière ? Est-ce vraiment ce que représente cette croix rouge ?
C’est oublier un peu vite Mary Shelley, la révolution industrielle, Churchill (cf The darkest hour), Bobby Charlton et les Beatles.
Alors il n’en veut pas de cette croix rouge. Qu’est-ce que pourrait être l’Angleterre ? Shaun ne sait pas encore. Mais il va commencer à y réfléchir.
Tout n’est pas perdu.
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