CHRISTINE
John Carpenter, 1983
LE COMMENTAIRE
Quand le symbole de la mobilité prend feu, on sait qu’on ne peut plus aller nulle part. Une voiture en flammes fait peur car elle rappelle les émeutes dans les quartiers (cf Les Misérables). Elle inspire l’angoisse de l’immobilisme. Le pire cauchemar de toutes celles et ceux qui ne supportent pas l’idée de ne pas être constamment en marche.
LE PITCH
Un jeune homme a un coup de coeur pour une voiture pourtant bonne pour la casse.
LE RÉSUMÉ
Sur les chaînes de montage, une Plymouth Fury rouge sang sème la panique en écrasant les doigts d’un mécanicien puis en étouffant un autre technicien.
Une vingtaine d’années plus tard, Arnie Cunningham (Keith Gordon) l’aperçoit mise en vente. Il n’hésite pas une seconde à débourser les 250$ réclamés par le vieux George LeBay (Roberts Blossom). Son meilleur ami Dennis Guilder (John Stockwell) ne comprend pas.
Contrairement à Dennis qui fait partie de l’équipe de football de Rockbridge, Arnie est régulièrement la victime de Buddy Repperton (William Ostrander) et de sa bande. Il est aussi le souffre douleur de sa mère Regina (Christine Belford). Cette voiture lui plait. Alors il veut se l’offrir. Comme un symbole. Il la réparera tout seul comme un grand, avec amour et dévotion.
LeBay le met cependant en garde. Christine a mauvaise réputation. Peu importe. Grâce à elle, Arnie prend peu à peu confiance en lui. Il séduit même Leigh Cabot (Alexandra Paul), la nouvelle élève pour laquelle tous les garçons sont en ébullition.
Puis la réputation de Christine se vérifie. Elle semble avoir une personnalité.
You better watch what you say about my car. She’s real sensitive.
Une série de drames inexplicables s’enchaînent. Comme si tous ceux qui essayaient de se mettre entre Arnie et Christine devenaient une menace. Leigh la possessive s’étouffe dans la voiture. Buddy Repperton meurt écrasé par Christine qui se répare elle-même de ses dommages. Même le garagiste Will Darnell (Robert Prosky) meurt contre son volant pour lui avoir manqué de respect.
Le détective Junkins (Harry Dean Stanton) mène l’enquête.
Dennis et Leigh s’allient pour se débarrasser de Christine et libérer ainsi Arnie de l’influence de la Plymouth Fury. Ils se rendent au garage pour attaquer la voiture avec un bulldozer. Arnie était au volant. Il meurt en passant à travers le pare-brise. Dennis répète ses attaques contre Christine dont le pot d’échappement rend son dernier souffle.
Réduite à un cube de taule, la carrosserie de Christine semble se régénérer à nouveau…
L’EXPLICATION
Christine, c’est en avoir sous le capot.
Arnie n’est pas vraiment l’archétype du conducteur cool (cf Drive, Baby Driver). Il est plutôt à l’image de celui dont on marche sur les pieds. George McFly (cf Retour vers le futur). Timide. Celui que personne ne remarque. Paradoxalement tout le monde se moque de lui. Il est le peuple tyrannisé par le gouvernement. Le faible que les gros bras de l’école aiment écraser en rigolant. Faire valoir de son ami Dennis, il reste aussi à jamais le petit garçon de sa mère.
Arnie a quand même un peu d’amour propre. Suffisamment pour se rebeller (cf Joker). Toutes ces humiliations répétées font grandir en lui une colère qui est sur le point d’éclater. Arnie s’est transformé en volcan. C’est précisément le moment où il fait la rencontre de Christine, une voiture qui ne se laisse pas faire quand on lui tripote le moteur (cf Titane).
Le couple Arnie – Christine ne se forme pas par hasard. Il se créée à un moment où les bornes ont été dépassées. L’heure n’est plus au dialogue.
Can’t we even talk about this like rational human beings?
One of them took a shit on the dashboard of my car, mom! Now, how’s that for rational, huh?
Trop tard. Le gouvernement peut appeler à la raison ou à la responsabilité de chacun, la colère de Arnie lui a échappé. Il a fait voeu d’allégeance à sa voiture.
You know, when someone believes in you, man, you can do anything, any fucking thing in the entire universe. And when you believe right back in that someone, then watch out world, because nobody can stop you then, nobody! Ever!
You feel this way about Leigh?
What? Fuck *no*, I’m talkin’ about Christine, man! No shitter ever came between me and Christine…
Désormais, c’est elle qui conduit. La démocratie ne se décide pas grâce au débat. Elle a été bafouée trop de fois. Christine se venge de tout le monde. Bien qu’elle prenne des coups, elle a une force de résilience hors du commun. Les actes se multiplient. Arnie change d’attitude. Il ne se laisse plus faire par ses parents. Coupe les ponts avec Dennis. Envoie les autres sur les roses. Christine lui donne le courage de s’élever contre tout un système qui allait faire de lui un esclave. Il ne veut pas de ça et le dit haut et fort.
Get off my back!
Que se passe-t-il autour de lui ? Tout le monde s’inquiète soudainement qu’Arnie ne soit plus le même, comme si on ne lui permettait pas de changer. S’il y a un problème, c’est avec lui évidemment. Car le système ne se remet jamais en question. C’est à l’individu de s’adapter au groupe et non l’inverse.
Plutôt que d’accepter cette relation et laisser Arnie profiter un peu de sa bimmer, son environnement cherche à l’en empêcher – soit disant pour le préserver.
Ses amis Dennis et Leigh qui agissent ‘pour son bien’ finissent pourtant par le tuer. La colère semble être matée par le capitaine de l’équipe de foot, c’est à dire le symbole du héros imbécile qui sert de modèle à tout le monde en sortant avec la princesse-pom pom girl. Arnie est le grand perdant de l’histoire.
Cependant la colère ne disparait pas. On a beau essayer de l’assommer, de l’étouffer avec des contre-vérités, de lui coller des étiquettes, de la réduire au silence… rien n’y fait.
On ne vient pas à bout d’une idée (cf Inception, V for Vendetta). Ni avec un bulldozer ou avec de grandes mesures à dix milliards de US dollars.
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