QU’ALLAH BENISSE LA FRANCE
Abd al Malik, 2014
LE COMMENTAIRE
On dit de certaines personnes qu’elles sont brillantes, ce qui en soi ne veut pas dire grand chose. Sauf peut-être dans le cas des personnes qui ont effectivement un don (cf Shining). Cela ne doit pas nous empêcher d’inspirer les autres. Pour cela, il « suffit » d’avoir la foi: avoir quelque chose qui nous anime et qui nous guide. Le feu sacré. Une conviction. Sa vérité (cf Da Vinci Code). Aucun rapport avec la religion, le genre, la couleur de la peau, le patrimoine ou l’origine sociale.
LE PITCH
Un jeune homme parvient à trouver sa voie au milieu d’un quartier sensible.
LE RÉSUMÉ
Régis (Marc Zinga) traine dans la cité du Neuhof à Strasbourg avec ses sosses.
Qu’est-ce t’as dit ? T’es folle ou quoi ? Parle pas de ta France de fils de pute! Moi, je vous nique tous moi! (…) Elle pue la merde la France!
Et ben pourquoi tu vas pas ailleurs alors ?
Ben parce que j’squatte ici! J’squatte votre bouffe, j’squatte tout!
L’oncle fait la morale à Régis.
Il faut faire attention. Nous, ce pays on l’aime mais lui il nous aime pas. Vous n’êtes pas chez vous ici. Il faut savoir vous tenir.
Le jeune homme exprime sa colère dans ses slams, avec un certain talent. D’ailleurs il excelle en lettres au lycée. Quand il en a l’occasion il flirte timidement avec Nawel (Sabrina Ouazani), la soeur de Rachid (Abdelmajid Barja). Avec Samir (Larouci Didi) et Mike (Mickaël Nagenraft), ils volent des sacs vers la Cathédrale. Le nessbi c’est pour financer leur groupe de rap.
Faut rester focus!
Ils se mettent au teushi en s’approvisionnant auprès du caïd local, Pablo Escobar. L’argent leur permet de s’équiper et passer en concert à La Laiterie.
Loi de Murphy. Ce qui devait finir par arriver arrive : Rachid est victime d’un règlement de compte. Retour brutal à la réalité.
Le cinéma avait une influence certaine sur nos comportements, sur tout ce qui faisait nos valeurs et notre imaginaire. Si on y ajoute ce que les addictions et les frustrations allaient nous faire commettre. Dans la cité, l’impact du film Scarface sur les grands fut un exemple particulièrement criant. Cette fiction nous a fait croire que nous avions le monde à nos pieds jusqu’à ce que la pisse, le vomi, le sang éclaboussent pour de vrai notre réalité.
Régis suit l’exemple de son grand frère (Stéphane Fayette-Mikano) en se rendant à la mosquée. Devient musulman et prend le nom de Abd al Malik.
Il fallait que meurt notre vie d’hier.
Avec les aller et retours à Paris se multiplient les rendez-vous foireux. Abd al Malik a besoin d’argent. Pas besoin de label. Pablo Escobar le finance avec l’argent de la drogue, ce qui pose problème à Samir.
Il est hallal cet argent ?
Le groupe s’est fait remarquer à La Laiterie par Psy4 de la rime. Sauf que Samir arrête la zik et Mike va faire de la zonz.
Ils oublient ? Tu crois que la juge elle oublie ? T’es un con ou quoi ?? Une fois qu’ils t’ont, ils t’ont gros. Ils oublient rien du tout.
Tu risques un truc ?
J’risque un truc, j’risque dix piges!
Et Skyrock alors ?
Skyrock tu t’fous d’ma gueule ou quoi ?? Tu m’parles de Skyrock, Planète Rap gros, j’te parle de dix piges!!
C’est tout seul qu’Abd al Malik se rend à Planète Rap. La suite est une évidence. Le jeune homme est signé par une maison de disques. Les concerts s’enchaînent. Pablo Escobar récupère sa mise. Pourtant l’artiste doute encore. Son ancienne prof de philo (Mireille Perrier) vient le voir dans sa loge pour l’accompagner vers la lumière.
Ça devait pas être simple pour toi et pourtant t’avais fait un choix.
Lequel ?
Celui d’aimer la vie.
Ça veut dire qu’il faut que je fasse un nouveau choix ?
Non Régis, ça veut dire qu’il faut que tu comprennes pourquoi tu as fait ce choix.
Il part au Bled et en revient avec la réponse.
J’ai plus peur.
L’heure est venue de se marier avec Nawel.
L’EXPLICATION
Qu’Allah bénisse la France, c’est Régis n’est pas un con.
Lors du siècle précédent, un collectif d’humoristes du nom de Les Nuls avaient créée un faux JT, dont ils s’étaient peut-être inspirés en regardant SNL. C’était bien avant l’ère du plagiat, concept démocratisé par Gad Elmaleh. Dans leur faux JT, les Nuls y tenaient la rubrique Régis est un con. L’occasion de montrer des scènes video-gagesques mettant en scène un imbécile, rebaptisé Régis.
Régis est un con, c’était l’humour facile, basé sur la moquerie et le ridicule. La bêtise tellement répétitive qu’elle en devient hilarante. Le fatalisme grotesque à en pleurer.
A priori, Régis a tout pour mal tourner.
Les origines Congolaises. Neuhof. L’Alsace.
Emmanuel Macron (cf Le Casse du Siècle) sortait avec une prof de Saint Louis de Gonzague qui avait l’âge de sa mère alors que la mère de Régis, en l’occurrence, ne sait même pas ce que c’est qu’hypokhâgne.
Au fait c’est quoi « hippocampe »?
C’est la haute école des lettres.
Parce que j’avais rien compris. J’ai fait semblant de comprendre.
On part de très loin. Entre la drogue, les vols, la police et la colère que tout ce que cela engendre, il était facile de glisser. Régis a cherché une porte de sortie dans le Coran.
Tu crois que Dieu il regarde les apparences mon frère ? C’est dans le coeur qu’il regarde, c’est pas parce qu’on est habillé en civil qu’on n’a pas le coeur pur.
Son pote Mike lui a ouvert les yeux.
Le problème c’est pas la religion gros, le problème c’est les gens. Et les gens ils sont cons.
C’est une question de personnes. On peut faire le choix de qui on veut être. Régis a toujours su faire la différence entre la pilule bleue et la pilule rouge (cf Matrix) en écoutant les grands frères.
C’est jamais toi c’est toujours les autres. Toujours. Tranquille. Mais c’est qui qui est là? C’est toi!
En suivant les conseils de sa prof de philo et en s’inspirant de la sagesse de son dealer.
En fait c’est pas compliqué. C’est comme n’importe quel biz. Faut juste faire attention à la qualité du produit.
Régis passe au travers des gouttes (cf Trainspotting) et se construit.
Chaque chose en son temps mais on se donne les moyens.
Plus que les autres, il a un message à faire passer. Faut-il encore trouver lequel.
Notre difficulté à vivre résidait dans le fait que nous n’arrivions pas à faire entendre aux autres notre propre musique intérieure. Celle qui était censée ramener l’harmonie et éloigner de nous toute forme de peur.
Il trouve en l’amour une force transformative. Monter sur scène pour profiter de l’énergie de la foule. Retourner d’où on vient pour regarder le ciel et respirer l’air pur. Savourer chaque sourire de Nawel. Rendre cet amour en l’articulant avec des mots.
Les valeurs de la République se suffisent à elles mêmes. C’est juste l’histoire d’un gars qui essayait et maintenant fait de son mieux pour dire je t’aime. Voici donc mon témoignage, voici donc ma prière : qu’Allah bénisse la France.
Régis avait la connerie à portée de main, comme nous tous. Tellement plus simple d’insulter la prof ou l’élève (cf Entre les murs), les noirs ou les arabes, le Président ou les gilets jaunes. Choisir la facilité. Sans s’en rendre compte, devenir un hater, et accessoirement, le con de l’histoire.
Régis a préféré choisir l’amour. Avec l’amour, l’intelligence, le courage, la diversité – sans tout mélanger. C’est pour cela qu’Allah peut bénir la France plutôt que de la maudire. Après tout, God bless America. Alors la France peut bien remercier ses musulmans qui ne font pas que voler à la tire ou appeler au Djihad comme le prétendent certain·es. Ils prêchent aussi la bonne parole.
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