PÉDALE DOUCE
Gabriel Aghion, 1996
LE COMMENTAIRE
À l’heure où la femme s’apprête à conquérir le monde, il est plus que temps pour l’homme de se réinventer. Pour y parvenir, il doit d’abord se retrouver. Réconcilier la partie hétérosexuelle affirmée avec l’autre partie homosexuelle latente. Ces deux facettes doivent se regarder dans les yeux pour se reconnaitre, s’apprécier et peut-être même se faire un bisou.
LE PITCH
Un chef d’entreprise réalise que la terre n’est pas plate.
LE RÉSUMÉ
Alexandre Agut (Richard Berry) tient une grosse banque d’affaires parisienne. Ce patron s’inscrit dans la mouvance macho.
Nous on fait des affaires, pas des robes.
Il invite deux collaborateurs à un dîner à la maison pour séduire un gros client allemand. Adrien Aymar (Patrick Timsit) et André Lemoine (Jacques Gamblin) sont de la maison et sont surtout du bâtiment. Agut n’en a aucun doute, sinon il les aurait sans doute déjà virés.
Plus surprenant, le boss a même le coup de foudre pour Eva (Fanny Ardant), la supposée femme d’Adrien et mère de leur quatre enfants. La soirée tourne au vinaigre par la faute de la belle-soeur d’Agut qui se prend le bec avec Eva.
Je préfère diner avec des travestis qu’avec des cafards.
Une claque plus tard, Eva quitte les lieux. Alexandra la rattrape pour l’embrasser dans la cage d’escaliers. Aymar se confond en excuses inutiles.
Je suis désolé.
Pas moi.
La mascarade ne dure pas très longtemps. Agut cherche à revoir Eva et découvre qu’elle est la patronne d’un restaurant gay. Il surprend Adrien et André en plein strip-tease. Ce qu’il ne sait pas, c’est que sa femme Marie (Michèle Laroque) est également de la fête – parle plus grand des hasards. Quiproquo.
Ça t’est déjà arrivé de te tromper sur quelqu’un à 100% ?
Marie, persuadée que son mari a viré de bord mais prête à tout accepter, veut ouvrir le dialogue. Alexandre clot aussitôt les débats puisqu’il n’y a pas lieu d’en faire un sujet, confirmant malgré lui les soupçons de sa femme à son égard.
Alexandre et Eva se cherchent. Ils se disputent. Agut promet à sa maitresse qu’il veut l’arracher à tout cela, avec un ton méprisant. Elle le met face à ses contradictions.
Tu vis comme ça : enfermé dans ta banque, enfermé dans ta maison, enfermé dans ta voiture. Tout ce qui dépasse ça te dépasse.
Adrien craint de perdre son amie. Par jalousie, il tente maladroitement de faire dérailler le couple.
Quant à Marie, elle se confie à Adrien et André. Elle tente même de leur faire une fellation pour se rassurer.
Mon mari était pas pédé. Alors qu’est-ce qui s’est passé ? C’est moi qui l’ait rendu comme ça ? Ou c’est vous qui savez faire des choses que je sais pas faire ?
Tout le monde se fâche. Eva est en colère contre Adrien pour avoir essayer de saboter son histoire avec Alexandre qui n’avait pas besoin de l’être vu qu’elle était vouée à l’échec dès le départ.
Un pas en avant, un pas en arrière, ça nous mènera pas bien loin.
Agut démissionne et part faire le tour du monde. Lorsqu’il revient, Marie est enceinte du jeune Cyril (Boris Terral) que tout le monde croyait homosexuel. Eva a donné naissance à un garçon que tout le monde prétend être d’Adrien.
Le trio Eva-Alexandre-Adrien prend la route sur l’air de sans contre-façon de Mylène Farmer.
L’EXPLICATION
Pédale Douce, c’est la confusion des genres.
Nous sommes nés dans un monde cloisonné : les garçons en bleu d’un côté, les filles en rose de l’autre. Homer Simpsons aimait sa bière fraiche et ses homosexuels folles-tordues parce que cela lui donnait des points de repères dans un univers complexe.
Les choses sont séparées et nous aimons les garder séparées. Adrien mène une vie dissolue la nuit mais apprécie de pouvoir donner le change le matin au bureau. Cet équilibre lui convient parfaitement.
C’est pas la même vie!
Quand on sépare, par définition, on met des barrières et on se met des barrières.
Une fille comme moi avec un homme comme lui, faut pas rêver…
D’un côté de la barrière, on est forcément différent de ceux qui se trouvent de l’autre côté. Évidemment. Et on s’imagine qu’on ne serait pas accepté de l’autre côté. On se fait tout un tas de fausses idées comme Marie Agut.
Vous ne vous attendiez pas à me voir. C’est sûr moi je ne fais pas partie de la secte!
Mais de quelle secte parlez-vous ?
De la secte des tricheurs!
Il y a forcément un moment où les plaques finissent par se rencontrer. Le frottement créée des tensions. C’est la confrontation d’un courant de pensée plus léger avec un héritage qui ne partage pas le même sens de l’humour.
Comme je dis souvent : Je n’ai qu’une seule ride et je suis assise dessus!
Vous faites bien de le dire souvent, c’est très élégant…
C’est la collision entre un monde où les conventions ont explosé et un monde qui s’accroche désespérément à ses conventions car il n’a jamais connu autre chose.
Aucun discours ne m’ôtera de l’idée qu’un homme est fait pour une femme.
Alexandre vit dans ses certitudes. Il pense même se situer au delà des préjugés. C’est tordu. Il est persuadé que les légendes urbaines auxquelles souscrivent les petites gens se vérifient mais pas pour les raisons que l’on croit. C’est ainsi qu’il finit par véhiculer des préjugés stupides, que devraient pourtant condamner n’importe quelle personne avec un peu d’éducation.
Dans sa logique : Les noirs courent plus vite car ils sont noirs (cf La couleur de la victoire). C’est faux bien sûr. On ne peut pas tenir ce genre de propos. Et en même temps, depuis quand un blanc n’a pas été champion du monde du 100m ? Alors cqfd.
Voilà comment Agut cautionne les propos les plus homophobes. Pire, il les relaie.
Le problème avec ces gens là c’est qu’on ne sait jamais jusqu’où ils veulent aller.
Sa rencontre avec Eva l’oblige à se rendre de l’autre côté de l’arc en ciel. Tout va changer car il va devoir accepter la différence.
Aimer c’est comprendre et accepter les vices de l’autre.
Alexandre montre qu’on peut se retrouver dans une boite gay sans perdre la tête et avoir envie de sauter sur tout ce qui bouge. C’est rassurant. N’ayez pas peur messieurs les hétérosexuels. Vous pouvez rester vous-mêmes.
Je leur veux pas de mal mais faut arrêter de me faire chier.
Et encore que vous ayiez envie de devenir ‘un autre’, au sens d’Etienne Daho, ce n’est pas grave. Car dans ce monde là, il n’y a plus d’étiquette.
T’es pas obligé de mettre un mot sur tout.
C’est soirée mousse!
Alexandre découvre la fluidité et y prend goût. Il navigue dans un environnement qui n’est pas figé. Chacun y assume ses envies, à voile et à vapeur. Agut se sent tellement en confiance que sa curiosité le pousse à faire le tour du monde pour aller à la rencontre de l’autre. Il en revient apaisé, avec une barbe de trois jours sexy. Prêt à vivre avec Eva, Adrien et leur enfant. Heureux.
Par contre, ils écoute Mylène Farmer. Ce n’est pas acceptable. Dans un monde où l’on peut certes tout se permettre, il faut quand même savoir garder un peu de modération. C’est le principe.
Pédale ?
Douce.
On peut être gay sans faire le foufou sur un bus pendant la pride.
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