FOURMIZ

FOURMIZ

Eric Darnell, Tim Johnson, 1998

LE COMMENTAIRE

Qu’est-ce qui nous permet de décréter l’existence d’un Dieu unique pour l’humanité, qui soit dit en passant n’est pas le même selon les confessions ? De plus, qu’est-ce qui nous permet d’affirmer que ce Dieu se moquerait des animaux ? Par quel miracle ? Pourquoi les fourmis n’auraient-elles pas droit à un paradis ? Cela parait ridicule dit comme ainsi. Et pourtant, si on avait dit aux Grecs qu’il n’existait qu’un seul Dieu, ils se seraient bien moqués de nous.

LE FILM

Une fourmi ouvrière en plein doute s’interroge sur sa place dans le monde.

LE RÉSUMÉ

Z est en psychanalyse. Il déprime. Au sein de la fourmilière, il se sent insignifiant. Il en souffre.

I feel physically inadequate. My whole life I’ve never been able to lift more than ten times my own body weight, and, and when you get down to it, handling dirt is, you know, is not my idea of a rewarding career. It’s this whole gung-ho super-organism thing that, that, that I – you know, I can’t get, I try but I can’t get it, I mean, you know what is it, I’m supposed to do everything for the colony, and, and what about my needs? What about me? I mean, I gotta believe there’s some place out there that’s better than this! Otherwise, I’ll just curl up in a larval position and weep! The whole system makes me feel… insignificant!

Excellent. You’ve made a real breakthrough.

I have?

Yes, Z. You ARE insignificant.

Dans la fourmilière, il n’a effectivement pas le choix.

Au bar, il partage son spleen avec son ami le caporal Weaver.

Why’d have I been born a worker? You soldiers get all the glory.

Barbatus lui fait miroiter un monde utopique (cf La Plage). Et la Princesse Bala l’invite à danser. Coup de coeur. Au moins, il n’aura pas perdu sa soirée.

Pour revoir la Princesse, il décide de rejoindre l’armée. Histoire de l’impressionner. Le caporal est ravi d’échanger sa place car il lorgne sur les jolies fourmis ouvrières. Cependant, Z ne s’attendait pas à devoir partir en campagne contre une armée de termites, sur les ordres du Général Mandibule (cf Armadillo). On ne rigole pas dans l’armée. Z réussit néanmoins à se planquer (cf Le Pianiste) et revient en héros malgré lui, toutes les autres fourmis ayant été décimées.

Z est présenté à la Reine pour sa bravoure. Il retrouve la Princesse, panique et la prend en otage. Tous les deux quittent la fourmilière et se mettent en quête d’Insectopia.

Le General condamne aussitôt cet acte d’individualisme qui inspire cependant bon nombre de fourmis. Mandibule s’évertue à promouvoir le conformisme afin que les ouvriers finissent son projet de grand tunnel. Le Colonel Cutter commence à avoir des doutes.

Mandibule torture Weaver pour savoir où sont passés Z et Bala. Il envoie Cutter à Insectopia pour ramener la Princesse. Z rentre également à la colonie. Il découvre que Mandibule projette de noyer la colonie grâce à son grand tunnel. Ainsi il se débarrasserait de la Reine et prendrait le pouvoir.

Z n’hésite pas à affronter le General dans un mano a mano intense. Tous les deux finissent dans l’eau. Cutter parvient à sauver Z de la noyade et la Princesse le ramène à la vie. Ensemble ils vont reconstruire une colonie moins militaire, où chacun sera valorisé, en plein milieu de Central Park.

I finally feel like I’ve found my place. It’s right back where I started. But the difference is, this time I chose it.

L’EXPLICATION

Fourmiz, c’est la place de l’individu dans le collectif.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à un paradoxe. On nous a répété à longueur de publicités que nous le valions bien, que nous ne devions écouter que nous, que nous devions sortir des sentiers battus, qu’être dans la norme c’était pour les autres. C’est à dire : les nuls. À l’école, on nous enseigne à penser par nous mêmes (cf Le Cercle des Poètes disparus).

Don’t make my mistake, kid. Don’t follow orders your whole life. Think for yourself.

Dans l’entreprise, on nous encourage aussi à faire la différence (cf Pédale Douce) même si nous n’y sommes que des pions (cf Monsieur Schmidt). Les politiques nous rappellent que voter est un droit, voire même un devoir. Notre parole compte, même si on n’en tient pas compte.

La réglementation en ligne GRPD semble nous confirmer qu’il est interdit de faire tout et n’importe quoi avec nos données personnelles (cf The Great Hack), même si ces mêmes données sont revendues aux plus offrants afin d’influencer nos choix. Warhol nous a fait croire que nous pouvions tous avoir notre quart d’heure de gloire et les influencers font leur business sur cette croyance (cf The American Meme).

Paradoxalement notre monde de plus en plus peuplé efface la notion d’individu. Nous sommes forcément perdus dans la masse sans véritablement savoir quoi y faire (cf Rango). Il devient de plus en plus compliqué de se distinguer et d’être reconnu en tant que personne. En été, sur la plage, nous nous pensons tous uniques et force est de constater que nous faisons pourtant tous la même chose. Dans la fourmilière, les intérêts du groupe passent clairement avant ceux de l’individu.

Sacrifice. To some, it is just a word. To others it is a code. The life of one individual ant does not matter. What matters is the colony. And each soldier knows that he’s willing to live for the colony, to fight for the colony, to die for the colony.

Beaucoup dans la fourmilière s’accommodent de leur condition. Ils s’accommodent très bien de croire qu’ils sont uniques dans la matrice, même si c’est faux (cf Matrix). Ferment les yeux. Passent leur temps à danser sur Patrick Sébastien, ou regarder Nagui à la TV et faire la queue au McDo. Sans prise de tête. Au cinéma ils vont voir des blockbusters, pas des films de Woody Allen. Aucune prise de conscience. Aucun problème.

Z est celui qui comprend que nous n’avons strictement rien d’exceptionnel. Pour lui, c’est le drame (cf Hollywoodland). La Princesse ne s’intéresse pas à lui.

When can I see you again?

Let me think. Never.

C’est ainsi. Souvent, c’est aussi le moment de voir un psychiatre pour faire passer la pilule. Ce que fait Z.

All my life, I’ve lived and worked in the big city, which now that I think of it, is kind of a problem since I always feel uncomfortable around crowds. I mean it, I have this fear of enclosed spaces. Everything makes me feel trapped all the time. You know, I always tell myself, there’s gotta be something better out there, but maybe I think too much. I think everything must go back to the fact that I had a very anxious childhood.

De ce point de vue, Z passe pour un marginal. Il est immédiatement exclu du groupe.

You think too much. Come on Z. Help us build a bigger, better colony. And for crying out loud be happy about it!

En vérité, il devrait s’estimer heureux car il ne supporte pas les autres qu’il juge trop bêtes.

What a bunch of losers. Mindless zombies capitulating to an oppressive system.

Il ne comprend pas la logique de mouton : pourquoi suivre des ordres s’ils vous conduisent à votre perte (cf No Country for Old Men) ? Cela n’a pas de sens.

Look, I got orders, and those orders say dig.

What if someone ordered you to jump off a bridge?

Ce qui donne du sens, c’est la princesse. Elle est la clé de tous les problèmes existentiels de Z. En effet, grâce à Bala, il

  • Danse…
  • … Différemment des autres
  • Prend son courage à deux mains
  • Trouve Insectopia
  • Kidnappe son amoureuse par amour
  • Se bat contre un Général
  • Revient de la mort

Peu importe de vouloir sortir du lot à tout prix ou perdre son temps à philosopher sur les raisons de notre existence. La place de l’individu dans le collectif sur trouve par la rencontre amoureuse (cf Will Hunting).

Z emballe la Princesse et devient la nouvelle figure inspirante du peloton. Il va pouvoir reconfigurer la fourmilière comme il le souhaite. On ne va pas s’arrêter de bosser pour autant. Les fourmis ne sont pas des cigales non plus.

Par contre, chacun sera considéré et pourra faire ses choix. Cela promet d’être drôle la fourmilière. Fini la rigueur communiste. Bonjour les joies du libre-arbitre. C’est cela les États-Unis d’Amérique. Rien à voir avec la Chine, ou le spectre du socialisme imaginée par la droite française (cf Le Grand Partage).

Surtout : chacun sera libre de se prendre la tête autant qu’il le veut. Bienvenue à New York.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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