AU COEUR DE L’OCÉAN
Ron Howard, 2015
LE COMMENTAIRE
Aujourd’hui, des touristes paient pour aller voir les baleines nager au large des côtes Canadiennes. Chasser les baleines avec son smartphone plutôt qu’un harpon. Car jadis, des hommes risquaient leur vie pour les trouver. Une chose est certaine : on apprécie davantage le spectacle d’une queue de baleine qui claque à la surface de l’eau quand on est à bord du bateau.
LE PITCH
Pour l’écriture de son prochain roman, un auteur s’inspire de l’histoire vraie d’un pêcheur.
LE RÉSUMÉ
Herman Melville (Ben Whishaw) rend visite à Thomas Nickerson (Brendan Gleeson), le dernier survivant de l’Essex. La légende veut que le bateau ait été coulé par un cachalot gigantesque. Une histoire passionnante. Nickerson raconte les faits.
Le baleinier Essex quitte Nantucket en 1820 avec à son bord le capitaine Pollard (Benjamin Walker) et Owen Chase (Chris Hemsworth) comme second. Les tensions entre les deux hommes sont palpables. Chase a l’impression, à juste titre, de se faire passer devant par un marin inexpérimenté. Par ailleurs, le conception de la navigation est radicalement opposée bien que l’objectif soit similaire : ramener cette fameuse huile de baleine dont la civilisation a besoin pour prospérer.
Oh Father, ensure them a prosperous voyage, that they may return safely and with a full ship so the white flames of Nantucket whale oil may continue to keep light in our homes, cities street safe from sin in the night and to fuel the machines of industry that drive our great nation forward as our noble species evolve.
Les trois premiers mois sont maigres. Après le Cap Horn, Pollard décide de faire route vers les côtes équatoriennes. Là-bas, un capitaine espagnol leur parle d’un endroit où ils pourront trouver toutes les baleines du monde. Un endroit maudit par la présence d’un démon : une baleine blanche qui a tué six de ses hommes et emporté son bras.
Pollard et Chase sont d’accord. Il faut y aller.
L’Espagnol n’avait pas menti. Le groupe de baleines est protégé par un grand cachalot à tête blanche qui fait plus que donner du fil à retordre à l’équipe. Il attaque carrément le vaisseau puis le coule. Les quelques rescapés échouent sur Henderson Island (cf Seul au monde). Ils doivent reprendre la mer sinon ils mourront de faim.
Sur l’océan, les marins doivent avoir recours au cannibalisme pour survivre.
No right-minded sailor discards what might yet save him.
La baleine refait surface. Cette fois, Chase à bout de force n’ose pas l’attaquer et la laisse s’éloigner au loin. Les hommes sont finalement secourus par un autre navire et rentrent à Nantucket quelques mois plus tard.
There were no cheers. Only silence.
Les propriétaires demandent à Pollard et Chase de couvrir ce fiasco pour ne pas compromettre leur industrie. Nous sommes en Amérique. Business first!
We’re in the oil business. And as in any business the probability of success must be greater than the risk incurred.
Chase refuse formellement de maquiller la vérité.
You want me to whitewash what happened for profit?
We’re asking you to be pragmatic.
I will not embroider the truth.
Pollard finit également par reconnaître les faits.
Chase se reconvertit dans la marine marchande et Pollard retournera en mer à la recherche du monstre, sans jamais le retrouver.
Peu importe, Melville tient son histoire!
It will be a work of fiction, inspired by truth. But I don’t believe I’ll feel the need to use all of it.
L’EXPLICATION
Au coeur de l’océan, c’est une histoire malheureusement pas vendeuse.
Herman Melville permet aux faits de devenir éternels. Non pas par un travail d’historien, qui ennuierait tout le monde sur Arte. Plutôt par un travail de fiction qui excite les foules sur TF1. Le romancier transforme l’histoire en mythe.
Que retient-il du récit de Nickerson ? Une expédition qui part à l’abordage héroïque d’un symbole (cf Les dents de la mer). Des hommes qui finissent au fond de l’eau pour avoir osé braver l’inconnu.
How does one come to know the unknowable?
Il écrit Moby Dick.
Qu’aurait-il pu retenir d’autre ?
L’histoire d’une rivalité entre deux marins (cf Master & Commander): Chase le rat des champs et Pollard le rat des villes. Deux hommes que tout oppose et qui finissent malgré tout par se retrouver, au delà de leur ego.
Cette histoire ne passionnait apparemment pas Melville.
L’auteur aurait pu se concentrer sur l’échec de ces pêcheurs qui finissent sur une île déserte. Des hommes contraints par le destin à perdre toute humanité pour survivre et qui rentrent au port comme des perdants honteux, sous les sifflets du public (cf Das Boot).
Cette histoire ne faisait pas plus vibrer Melville.
Il aurait pu prêter attention à une autre histoire, plus belle, autour du respect de la nature. L’histoire de la préservation des espèces. Chase et Pollard partent en mer pour ramener de l’huile de baleine. Une bonne cause pour laquelle ils doivent se livrer à des massacres. En effet, Chase n’a pas peur de se salir les mains, ni le visage.
Cette pratique n’était absolument pas remise en cause puisque l’huile de baleine est nécessaire au développement de l’espèce. L’huile de baleine symbole de progrès d’une société qui ne peut pas rester sur son île.
If we stay, we die.
Néanmoins, au cours de leur aventure, Chase va complètement changer de perspective. Lui l’ambitieux qui voulait absolument le titre de capitaine. Celui qui avait fait de l’affrontement avec cette baleine blanche un défi personnel…
As I live and breathe, he’s mine.
C’est bien lui qui va mettre son orgueil de côté en laissant tomber son harpon face à la baleine. Il abdique et réalise que l’homme doit rester à sa place, contrairement à Pollard qui tient un discours suprémaciste.
What do we do do you think George? And what offense did we give God to upset him so?
The only creature to have offended God here is the whale.
Not us? In our arrogance, our greed, look where we find ourselves.
We are supreme creatures made in God’s own likeness. Earthly kings whose business it is to circumnavigate the planet bestowed to us. To bend nature to our will.
You really feel like an earthly king after everything we’ve been through?
Grâce à Chase, on se dit que l’homme ferait peut-être mieux de trouver d’autres idées plutôt que de partir en mer pendant des mois afin de tuer des baleines qui n’ont rien fait de mal.
Melville n’a pas voulu raconter cette histoire. Il a préféré celle plus dramatique du naufrage du Pequod, par la faute de la folie destructrice d’Achab.
Pourtant l’éthique de Chase a inspiré bien des hommes, de Pollard à Nickerson.
It’s been an honor to sail with you.
À croire qu’à l’époque de Melville, l’histoire n’était peut-être pas assez sensationnelle. On venait à peine de trouver de l’huile dans le sol (cf There will be blood, Promised Land).
Les baleines n’étaient pas encore en voie de disparition.
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