L’ULTIME SOUPER
Stacy Title, 1995
LE COMMENTAIRE
Quel plaisir de partager sa table avec des inconnus, des amis ou des proches. Jusqu’au moment inévitable où l’on finit par entendre des horreurs tellement grosses qu’on a du mal à en croire nos oreilles. Tellement obscènes qu’on aurait presque envie de planter une fourchette dans le coeur de la personne qui les profère. Qu’est-ce qui nous retient d’ailleurs ?
LE PITCH
Cinq amis organisent des dîners de cons macabres.
LE RÉSUMÉ
Pete (Ron Eldard) est dépanné par Zach (Bill Paxton). Pour le remercier, il l’invite gentiment à rester manger à la maison en compagnie de ses amis Jude (Cameron Diaz), Paulie (Annabeth Gish), Marc (Jonathan Penner) et Luke (Courtney B. Vance) tous étudiants aux idées progressistes affirmées.
Il s’avère que Zach est un ancien GI et qu’il est aussi un antisémite négationniste (cf Le procès du siècle). Peut-être même un assassin. Les hôtes sont profondément choqués des propos de leur invité qui se met à menacer Pete. Marc prend un couteau et le poignarde.
S’en suit un conciliabule au cours duquel la décision est prise d’enterrer la victime dans le jardin et de garder le silence (cf Petit meurtre entre amis). Cet homme ne manquera à personne.
People disappear all of the time.
Mieux, sa mort est probablement une bonne chose. Les cinq amis se posent une question:
It’s 1909 and you’re alone with a young artist named Adolph. Do you kill him?
Sous l’impulsion de Luke, ils décident d’inviter des homophobes, des misogynes, des anti-avortements, des anti-environnements pour mieux s’en débarrasser (cf Le Menu).
Au moment de tuer une adolescente protestant contre les cours d’éducation sexuelle, le groupe se divise cependant. Des tensions naissent.
Le Shérif Stanley (Nora Dunn) enquête sur la disparition de la jeune Jenny Tyler. Zach est sur la liste des suspects. Tiens donc. L’attitude fouineuse du Shérif ne plait pas à Luke qui la tue à son tour, sans prévenir les autres. Il est devenu incontrôlable.
Vient le tour d’inviter Norman Arbuthnot (Ron Perlman), un présentateur TV aux idées ultra-conservatrices.
I’m the first to admit we took this country from the indians but what were they doing with it anyway; shooting off bows and arrows and using seashells for money.
Bizarrement, ses propos décontenancent la bande. Il parvient même à mettre Luke en porte-à-faux en lui expliquant qu’il ne tuerait pas Hitler. Au contraire, il l’affronterait dans un débat contradictoire. Son argumentation se tient. Le conseil se réunit dans la cuisine et décide de l’épargner. Pendant ce temps, Arbuthnot a eu le temps de comprendre ce qui se passait. Il propose un toast en se gardant bien de boire le vin empoisonné qu’il a servi aux libéraux.
L’EXPLICATION
L’ultime souper, c’est comment l’Amérique a basculé sans s’en rendre compte (cf L’âme divisée de l’Amérique).
La grandiose Amérique toute puissante qui a dominé le monde après guerre est en train de couler sous nos yeux (cf Idiocracy). Elle se débat aujourd’hui dans les tweets incroyables de Donald Trump, son fossoyeur – élu par le peuple. Pour trouver l’origine de cette débâcle, il faut remonter à vingt ans en arrière. Retrouver le patient zéro.
Il s’agit de Luke, Pete, Jude, Paulie et Marc. Ce sont eux les responsables, en partie. Ces progressistes intellectuels persuadés d’être dans le vrai.
We’re liberals. We do the right thing.
Ces cinq moineaux se croient au dessus de la mêlée. Pas très difficile quand on invite à sa table des abrutis comme Zachary qui tient des propos inqualifiables. Pour autant, cela donne-t-il le droit à ces cinq juges de le condamner à mort ? Plutôt que de laisser la Shérif faire son métier. Tout cela parce que, selon eux, la mort de ce genre de personnages pourrait rendre service au monde.
What if you kill somebody whose death makes the world a better place?
Ils considèrent la possibilité de l’impensable et s’en lavent la conscience sur le principe que leurs opposants font bien la même chose. Assez parlé. Le moment est venu de passer à l’action. Ainsi, ils s’abaissent au même niveau. Ils font même pire.
The conservatives are effective. They do things. All we do is buy animal-friendly mascara.
En réalité, ces cinq intellectuels ont creusé le fossé qui commençait à apparaitre outre-Atlantique. Les universitaires ont pris les gens du peuple de haut. Certes Zach est un specimen un peu particulier. Heureusement que tous les gens du peuple ne sont pas comme lui, mais il y en a aussi. Malheureusement. Tous les goûts sont dans la nature.
Jude et Marc se moquent de Zach. Luke se sent naturellement insulté par ses remarques racistes. Paulie se fait agresser verbalement. Pete se fait blesser physiquement. La guerre est officiellement déclarée. La menace se précise et il est temps de riposter. Faut-il le tuer pour autant ?
Les cinq amis ont préfiguré toutes les émissions TV dont les animateurs se montraient méprisants envers Trump, l’idiot du village. En réalité, ces programmes ne faisaient que prêcher des convertis. En insultant au passage ceux qui votaient pour le candidat Républicain, ne faisant que les conforter dans leurs choix. Ces émissions tournaient en boucle et n’ont pas permis d’éviter le fiasco d’Hillary Clinton. Non seulement, ils n’ont pas empêcher le tsunami, ils y ont peut-être même contribué.
Plutôt que d’essayer de renouer le dialogue comme le suggère Arbuthnot, ou Alexandria Occasio-Cortez, ces individus pourtant cultivées ont bêtement coupé la conversation, considérant leurs invités comme des causes perdues (cf Us). Ils ne se rendent pas compte qu’en convertissant peut-être une seule de ces personnes à leurs idées, ils auraient peut-être pu en convertir d’autres. À l’inverse, ils se débarrassent de ce qu’ils considèrent être des rebus de la société, se substituant aux autorités compétentes qu’ils méprisent également. Un à un. Chaque dimanche. Et cela ne s’arrête jamais.
Leur oeuvre est contre-productive. Elle finit par se retourner contre eux puisqu’ils ont invité le pire des conservateurs chez eux. Ont bu ses paroles et l’ont considéré finalement inoffensif, comme bon nombres de sympathisants démocrates à l’époque n’avaient même pas fait cas de Trump. Impossible que ce clown gagne les élections. Et puis ils se sont retrouvés empoisonnés, buvant leur propre vin, pendant qu’Arbuthnot annonçait sa candidature aux élections.
Ce drame s’est passé sous leurs yeux, il y a des années. Ils n’ont rien vu venir, trop sûrs d’eux. Ils sont peut-être actuellement les témoins de drames en développement, certainement plus grands encore. Aux États-Unis toujours. En Grande-Bretagne. Peut-être même en France pas plus protégée de ce phénomène qu’elle ne l’était du nuage radioactif de Tchernobyl ou du coronavirus.
Sans remise en question aucune. Se trompant de combat.
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