LE 13E

LE 13E

Ava DuVernay, 2016

LE COMMENTAIRE

Le cinéma ne façonne pas une société à lui-seul, mais il peut la refléter ou l’inspirer. Que penser d’un pays dont le premier blockbuster serait une oeuvre révisionniste célébrant le racisme? Un film acclamé par le Président de l’époque. Fait par des blancs, pour des blancs, où le noir serait joué par un blanc et où il occuperait le rôle du violeur, installant dans l’imaginaire collectif l’image du noir criminel. 190 minutes à la gloire du Ku Klux Klan (cf Mississippi Burning). Comment ne pas se demander ce que tout cela peut bien dire d’une nation, surtout quand le film en question s’appelle Naissance d’une Nation?

LE PITCH

Aux États-Unis, la condition des Afro-Américains ne s’améliore pas vraiment.

LE RÉSUMÉ

La population des États-Unis représente 5% de la population mondiale. La population carcérale Américaine représente 25% de la population carcérale mondiale. C’est quand même beaucoup pour the land of the free. Sans compter que face à la prison, les ethnies ne sont pas toutes sur un pied d’égalité. D’après les chiffres du Département de la Justice, 1 blanc sur 17 servira une peine de prison au cours de son existence… contre 1 noir sur trois.

We are products of the history that our ancestors chose, if we’re white. If we are black, we are products of the history that our ancestors most likely did not choose. 

Si l’on ajoute le 13e amendement qui abolit l’esclavage… sauf en cas de punition pour un crime, alors on peut se dire que la situation des Afro-Américains n’a pas changé tant que cela.

Après la guerre de sécession qui a bouleversé l’économie du Sud en libérant une main d’oeuvre de 4 millions d’esclaves, on arrête aussitôt les noirs pour des motifs souvent ridicules afin de mieux les remettre au travail. Au cinéma, ils sont représentés comme des criminels. Une étiquette que reprendra plus tard le Président Nixon. Son conseiller John Ehrlichman témoigne :

The Nixon campaign in 1968 and the Nixon White House after that had two ennemies : the antiwar left and black people. We knew we couldn’t make it illegal to be either against the war or black. But by getting the people to associate the hippies with marijuana and blacks with heroin, and then criminalizing both heavily, we could disrupt those communities. We could arrest their leaders, raid their homes, break up their meetings and vilify them night after night on the evening news. Did we know we were lying about the drugs? Of course we did. 

La communauté se bat par l’intermédiaire du Dr Martin Luther King ou de Malcolm X. Ainsi, les lois ségrégationnistes Jim Crow finissent par être abolies en 1964. Mais les leaders sont perpétuellement arrêtés ou tout simplement assassinés.

Pendant ce temps, la population carcérale est passée de 357,000 prisonniers en 1970 à 759,000 en 1985, sous l’impulsion de Reagan. Avec George Bush, elle dépasse pour la première fois le million en 1990. Le Démocrate Clinton et son Federal Crime Bill fit certainement le plus de dégâts. En 10 ans, le nombre de prisonniers double pour atteindre les 2 millions en 2000.

Sous la pression d’une justice à la chaîne, les accusés n’ont pas les moyens de s’offrir un procès où flotte le spectre d’une condamnation encore plus lourde. Ils finissent par se résigner en acceptant des peines de prison souvent injustes.

97% of the people who were locked up have plea bargain. And that is one of the worst violations of human rights that you can imagine in the United States.

Il faut comprendre que bien que les conditions de détention soient honteuses, la prison est un business juteux en Amérique. Sous l’impulsion de l’American Legislative Exchange Council, les grandes entreprises font du lobbying pour passer des lois à leur avantage, empochant des profits pharaoniques sur le dos des détenus.

Aujourd’hui, ces mêmes entreprises planchent sur une solution électronique pour résoudre le problème de surpopulation carcérale, tout en suivant à la trace les condamnés. Risquant au passage d’isoler des quartiers entiers, tout en encaissant évidemment quelques bénéfices.

Would that help to solve the prison overcrowding problem? Absolutely. If we can help you save crime victims in your legislative district, you don’t mind me making a dollar?

Comment peuvent évoluer les mentalités sous la gouvernance de Donald Trump? Pendant sa campagne, le candidat Républicain évoquait les brutalités policières envers les Afro-Américains avec nostalgie…

In the good old days…

Dans ce contexte nauséabond, la communauté a plus que jamais besoin de se mobiliser.

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L’EXPLICATION

Le 13e, c’est la raison pour laquelle Black Lives Matter.

Les syndicalistes français répètent souvent que ce n’est qu’un début, qu’ils doivent continuer le combat. Comme une façon de se donner du courage au moment de battre le pavé dans des conditions climatiques peu propices.

Pour se rappeler aussi que nos droits nécessitent une lutte éternelle. Rien n’est acquis. Les Afro-Américains sont bien placés pour en savoir quelque chose, eux qui ont subi un esclavage féroce (cf 12 years a slave) et qui subissent encore aujourd’hui un esclavage déguisé.

Throughout American history, African Americans have repeatedly been controlled through systems of racial and social control that appear to die, but then are reborn in new form.

On n’est jamais si bien servi que par soi-même. En tout cas, on n’est pas aussi bien servi par les politiques visiblement. C’est pourquoi la communauté s’organise. En 1966, via les Black Panthers puis en 2013 avec la naissance du mouvement politique Black Lives Matter pour lutter contre le racisme envers les noirs aux Etats-Unis – et partout ailleurs.

Un mouvement politique pour faire face à un leader qui a scandé Make America Great Again. Une vision rétrograde de la supériorité des Etats-Unis qui plait avant tout aux white supremacists– et aux industriels.

Un mouvement politique pour ne pas oublier l’inacceptable.

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Se souvenir de l’intolérable.

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Pour se forcer à reconnaître que rien n’a changé, ou presque (cf Blackkklansman).

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Un mouvement nécessaire dans la mesure où nous ne répondons plus qu’aux électrochocs. L’apathie ambiante veut qu’on avale couleuvre après couleuvre, sans bouger le petit doigt. Face à l’horreur, nous faisons le dos rond. Prenons notre mal en patience. Profondément scandalisés, mais toujours très dociles.

People say all the time : I don’t understand how people could have tolerated slavery. How could they have made peace with that? (…) How did people make sense out of the segregation? That’s so crazy. If I was living at that time, I would have never tolerated anything like that. And the truth is we are living at this time and we are tolerating it. 

Un mouvement politique pour se rappeler que le monde reste encore trop monochrome. Nul besoin de se rappeler que toutes les vies comptent.

Donc s’il existe le besoin de se rappeler que les vies des Afro-Américains comptent, c’est qu’il doit y avoir une raison.

LE DOCUMENTAIRE

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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