COSMOPOLIS

COSMOPOLIS

David Cronenberg, 2012

LE COMMENTAIRE

La réalité se gamifie (cf Ready Player One). Les relations sont désormais virtuelles (cf Her). On peut se blesser sans avoir à se toucher. Obligés que nous sommes de nous désensibiliser. Les transactions se dématérialisent. Quelques gagnants pour beaucoup de perdants, sanctionnés par des lignes de chiffres sur un écran. Le monde se déshumanise progressivement. Ceux qui n’ont plus à conduire sont devenus sourds. À l’abri derrière les vitres de leurs voitures blindées, les riches se moquent des revendications du monde (cf Joker).

LE PITCH

Un jeune billionaire philosophe depuis sa limousine, en pleine crise du Yuan.

LE RÉSUMÉ

Le jeune Eric Packer (Robert Pattinson) a fait fortune en spéculant. Son carrosse se retrouve coincé dans les embouteillages de New York à cause de la présence en ville du Président, conjuguée aux obsèques d’un artiste très connu. Les anti-capitalistes manifestent. Et la rumeur court qu’un assassin chercherait à le tuer. Ce n’est vraiment pas le bon moment de traverser Manhattan. Son chef de la sécurité (Kevin Durand) tente de dissuader Eric de se rendre chez le coiffeur. Eric ne veut rien savoir et c’est lui le boss (cf Le Capital).

We’re in the car ’cause I need a haircut.

Pendant son trajet, il s’occupe de ses affaires. Car les marchés ne dorment jamais.

Currency markets never close. Shanghai runs day and night.

Ses conseillers se suivent pour des réunions improvisées dans la limousine. Il en profite pour s’interroger avec eux sur le sens de la vie et plus spécifiquement sur celui du capitalisme.

Clock time accelerated the rise of the capitalism. People stopped thinking about eternity and began to concentrate on hours. Measurable hours, man hours, using labor more efficiently. It’s cyber-capital that created the future.

Parfois, il aperçoit sa femme (Sarah Gadon) avec laquelle il n’a pas de relations sexuelles. Tous les deux s’entretiennent. Elle le soupçonne de coucher avec d’autres femme, ce en quoi elle n’a pas tort. Le Yuan fluctue et Eric perd beaucoup d’argent. Elise se sert de ce motif pour demander une séparation.

Arrivé chez son coiffeur, Eric n’a le temps que pour une moitié de coupe.

But let me do the left side, at least. So both sides are equal!

Son visage devient asymétrique, comme sa prostate. S’il avait moins recherché la symétrie dans ses investissements, il ne se serait peut-être pas autant planté. En tout cas, c’est la théorie de Benno Levin (Paul Giamatti), qui se trouve être le fameux assassin. L’ex-employé de Packer a des reproches à faire à son ancien patron.

I wanted you to save me.

Alors que Levin est sur le point de tirer, Packer semble prêt à accepter son destin.

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L’EXPLICATION

Cosmopolis, c’est la fin d’un monde.

L’ascension d’Eric Packer vers les sommets a été tellement fulgurante qu’à seulement vingt-huit ans, il possède deux ascenseurs privés. Bien qu’il soit toujours connecté car obligé de prendre des décisions stratégiques chaque minute, il est également complètement coupé du monde. Il fonce au ralenti sur les routes embouteillées, comme un fantôme (cf Knight of Cups).

Do you ever get the feeling, sometimes, that you don’t know what’s going on?

Déconnecté du réel, Eric a basculé dans le monde des idées. Du fond de son siège arrière d’où il pilote son entreprise, saute ses maîtresses et se fait examiner par son docteur, Packer se pose des questions certes essentielles mais stériles. On parle beaucoup mais on n’agit pas vraiment. Si l’on met le point sur la bonne interrogation, personne ne trouve de réponse.

It is a fuckall wonder and we have meaning in this world people eat and sleep in the shadow of what we do. But at the same time: What is the point?

Celui qu’on aurait qualifié de Yuppie il y a quelques années est devenu le symbole d’un capitalisme moderne, capable d’une belle profondeur intellectuelle quoi que sans la moindre émotion. L’accumulation de richesses finit par se demander à quoi ça sert. Néanmoins elle est prisonnière de son rythme effréné. En flash forward, sans possibilité de faire marche arrière. Car il n’y a plus que jamais pas de temps à perdre.

We have minutes to live.

Personne ne comprend vraiment ce que fait Eric en dehors d’appuyer sur des boutons, pas même sa femme.

What do you do, exactly?

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Il est tellement à côté de la plaque qu’il cherche à se réinsérer dans le monde, en le privatisant, comme son intention d’acheter la Chapelle Rothko (cf Made you look), tout simplement parce qu’il ne sait pas faire autre chose. Au mépris du collectif puisque seule importe sa personne.

Chapel belongs to the world!

It’s mine if I buy it.

Eric Packer a gagné trop et trop vite. Il est blasé. L’ennui est trop important. Désormais il a besoin de sensations plus fortes car rien ni personne ne parvient à le distraire (cf The Game). Il s’est lassé des soirées et des cocktails. Le succès pour le succès ne suffit déjà plus à cet impatient. À Kendra (Patricia McKenzie), sa nouvelle garde du corps avec laquelle il couche, il réclame qu’elle lui tire dessus à coup de Taser. 100,000 volts pour peut-être le sortir de sa torpeur.

I’m looking for more. Show me something I don’t know.

Eric n’a tellement rien vécu qu’il peine à comprendre ce qui se passe. Sa femme le quitte ? Peu importe. Il n’a besoin de personne. Même sa faillite ne lui parait pas grave car elle est finalement comme le reste : conceptuelle. Elle n’existe pas. Donc elle n’est pas perceptible par les sens.

I’ve had a long day. Things. People. Time for a philosophical pause. Some reflection.

Convaincu de mourir un peu plus chaque jour, rien ne peut cependant l’impacter. Le capitalisme l’a biberonné à ce rythme. Il ne connaît pas autre chose. Cela ne le dérange absolument pas. Pour lui, le monde fonctionne sur le principe de la destruction créative d’aujourd’hui pour mieux penser demain.

Destroy the past. Make the future.

La mort est ce vers quoi il a envie d’aller puisqu’il a l’impression d’avoir survolé déjà tout le reste, comme le surdoué d’une génération de talents précoces. La fin d’un jeu dont il a fait le tour. Le bout d’un monde qui lui apparait enfin superficiel (cf Truman Show).

Ce capitalisme s’est retrouvé enfermé dans sa propre bulle. Il va éclater tout seul et n’en souffrira même pas. Il risque une nouvelle fois de faire du mal autour de lui (cf Inside job), mais il s’en moque. Un nouvel ordre remplace l’ancien. Eric ne s’accroche pas à son siège. Il est à l’aise avec l’idée de n’être qu’une simple page qui se tourne. Ou un morceau sur une playlist. Ce capitalisme fainéant n’a même pas l’ambition de marquer l’histoire, lui qui se sait n’être que le moins mauvais des systèmes.

Après lui le déluge.

LE TRAILER

Cette explication du film n’engage que son auteur.

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