COUPEZ !

COUPEZ !

Michel Hazanavicius, 2022

LE COMMENTAIRE

Certains réalisateurs sont connus pour traumatiser leurs acteurs afin de tirer d’eux une émotion plus juste. Par exemple, Stanley Kubrick fut particulièrement exigeant envers Shelley Duvall sur le tournage de Shining dans le but de faire ressortir son côté névrosée. Sachant que les émotions restent évidemment subjectives. Tout l’enjeu est de réussir à faire la différence entre de vraies larmes et des larmes artificielles.

LE PITCH

Une équipe de tournage se lance dans un projet hasardeux.

LE RÉSUMÉ

Action!

Ava (Matilda Lutz), Nadia (Bérénice Bejo) et Raphaël (Finnegan Oldfield) jouent dans Z, le nouveau film de Rémi (Romain Duris). Il s’agit d’un film de série B où les acteurs et actrices sont attaqué·es par des zombies, avant de se faire véritablement attaquer par des zombies – dans le film.

J’ai versé le sang pour réveiller les morts…

Rémi se met parfois en scène en réalisateur hystérique à l’origine de l’intrigue, comme une façon de mieux déclencher des réactions authentiques chez ses acteurs et actrices. Il met la pression.

On voit que tu joues! Et en plus on voit que tu joues mal! (…) Le film a besoin de cette dernière scène! Si cette scène est ratée, tout le film est raté!

Des cadrages manqués, des dialogues approximatifs… Un vrai film de série B!

Ava conclut un plan séquence d’une trentaine de minutes, la hache à la main, à l’issu duquel tout le monde meurt sur le plateau.

Quelques mois auparavant, Mounir (Lyes Salem) avait été contacté par Matsuda (Yoshiko Takehara) pour produire Z. Il avait aussitôt pensé à Rémi, un réalisateur faisant des films rapides, pas chers et dans la moyenne.

Quelques semaines avant le tournage, les répétitions s’annonçaient déjà tordues… Raphaël donnait déjà son avis sans qu’on le lui demande.

Le zombie c’est la deshumanification, c’est ça qui terrifie le spectateur.

Fatih (Jean-Pascal Zadi), l’ingénieur du son, cherchait l’inspiration. Matsuda rejettait toutes les modifications que Rémi souhaitait apporter au script.

Le projet partait mal.

Puis le jour du tournage arrive enfin. Deux acteurs ne se présentent pas, victimes d’un accident. Nadia et Rémi se proposent pour les remplacer au pied levé. Philippe (Grégory Gadebois) se remet à boire. La scène où il vomit sur Armel (Sébastien Chassagne) est complètement authentique en l’occurrence. Le caméraman (Charlie Dupont) se blesse au dos en suivant l’action. Jonathan (Raphaël Quenard) chope la diarrhée.

Rien ne va (cf Lost in La Mancha).

Mounir songe même à tout arrêter. Un vent de panique souffle. Rémi se veut rassurant.

Je te dis pas que c’est joué, je te dis que c’est possible! (…) C’est à l’américaine là!

On parle quand même d’un plan séquence, diffusé en live sur une plateforme Japonaise, sans droit à l’erreur (cf Birdman).

On continue de tourner, on n’arrête pas la camera!

Finalement l’équipe se lance en free-style, improvise puis retombe par miracle sur le scénario. Jusqu’à la scène finale sauvée in extremis par une idée lumineuse de Romy (Simone Hazanavicius), la fille du réalisateur combinée aux efforts de toute l’équipe.

L’EXPLICATION

Coupez !, c’est la magie du cinéma.

Le 7e art n’a pas forcément vocation à reproduire fidèlement la réalité mais au contraire à s’en inspirer pour en proposer une interprétation – ce qui permet justement aux spectateurs et spectatrices de mieux pouvoir se détacher du réel (cf Le Prestige). S’évader un peu du quotidien. Frissonner ou pleurer de rire.

Des équipes entières cherchent à atteindre ce résultat, travaillant nuit et jour. Répétant les prises jusqu’à l’épuisement afin que la magie opère. Qu’un émotion se produise. Ce moment unique où les spectateurs et les spectatrices vont être transporté·es.

Il n’existe pas de baguette magique pour faire en sorte que tout le monde travaille bien ensemble. Pas une mince affaire tant l’équipe est éclatée par les ego sur-dimensionnés des un·es et des autres.

Le tournage n’a pas encore commencé que Rémi critique déjà les choix de Matsuda.

Faut faire attention, c’est un scenario japonais. (…) Ils ont pas fait que des trucs bien les Japonais, ils ont fait Pearl Harbor.

Les réalisateurs ou les réalisatrices sont par définition angoissé·es à l’idée qu’on puisse les oublier car ils ou elles se trouvent derrière la caméra. Certain·es vont même jusqu’à se mettre en scène dans leurs propres films comme Hitchcock, Lynch, Shyamalan, Dupontel, Canet ou Donzelli. Rémi rappelle à Raphaël qu’il est le nombril du monde pour éviter de se faire voler son film.

C’est mon film! Je suis réalisateur, je fais ce que je veux.

Car les acteurs et les actrices ont également du mal à rester à leur place, à l’image de Nadia qui confond la fiction et la réalité. Ou de Raphaël qui ne peut s’empêcher de faire sa diva entre deux prises, changeant constamment les dialogues en cours de route.

Qu’est ce que tu fais dans la vie à part te faire baiser par le système?

Même les techniciens acceptent mal de rester en retrait. Derrière sa table de mixage, Fatih ne fait que râler – comme si les effets sonores étaient le plus important.

On peut pas tous s’appeler Philippe hein…

Ces ingrédients sont tous essentiels et ils ne restent malgré tout que des ingrédients.

C’est seulement quand chacun·e se met au service du projet que l’équipe peut former une pyramide suffisamment solide pour que le travail artistique s’élève. Tout le monde grimace. L’accouchement se fait dans la douleur. Philippe vomit ses tripes. Jonathan a mal au ventre. Mais à la fin, cela fonctionne.

Sous l’impulsion de Rémi, l’équipe lâche prise et compose enfin avec les nombreuses contraintes qu’elle rencontre plutôt que de s’en plaindre (cf Le Sens de la Fête).

Ça va on s adapte! Acceptez tout ce qui se passe…

Le résultat n’est pas exactement celui qui était attendu, il devient même meilleur.

Ce film prend soudainement une autre dimension quand tout le monde s’implique. Le producteur cherche à se détacher de son film pour mieux éviter l’immense déception de sortir un navet.

C’est juste un film, on s’en fout.

Rémi lui rappelle que le cinéma, c’est du sérieux.

Les gens vont s’en apercevoir!

On s’en branle la nouille…

Me dis pas que c’est pas important!!

Il faut assumer jusqu’au bout. Rémi ne lâche pas l’affaire. Il montre l’exemple à sa fille car justement, on ne s’en fout pas. Le cinéma est bien plus que des images sur un écran. Faisant ainsi écho au discours de Vincent Lindon lors du Festival de Cannes dont il était le président du jury.

Le cinéma comme art majeur. Arme d’émotion massive. Essentiel à la culture.

Soudainement, les pièces du puzzle s’assemblent harmonieusement.

Et on peut commencer à voir les choses différemment.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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