CINEMA PARADISO
Giuseppe Tornatore, 1988
LE COMMENTAIRE
Un homme reste à jamais marqué par ses premières fois. La première coupe de cheveux qui donne envie d’épouser la coiffeuse (cf le Mari de la coiffeuse). Le premier rendez-vous à la banque peut susciter une vocation de trader (cf Wall Street). Les plus chanceux se rappellent bien de leur première rencontre avec le 7e art (cf The Fabelmans), qui leur permet de se faire des films toute leur vie (cf Babylon).
LE PITCH
Un réalisateur apprend la mort d’un monstre sacré du cinéma de son enfance.
LE RÉSUMÉ
Toto (Salvatore Cascio) est enfant de choeur dans le petit village de Giancaldo en Sicile. En vérité, le garçon passe tout son temps avec Alfredo (Philippe Noiret), le projecteur du Cinema Paradiso. Humphrey Bogart plutôt que Jésus Christ.
Alfredo fait de son mieux pour dissuader le petit.
This is no job for you. You’re like a slave and always by yourself, you see a film 100 times, you’ve nothing else to do, you talk to Greta Garbo and Tyrone Power like an idiot, you work like a dog. Even holidays – Easter, Christmas. You only get Good Friday off.
Rien n’y fait. Toto revient dès que possible au cinéma. Lors d’une projection, la bobine prend feu par accident. Alfredo perd la vue. Le Cinema Paradiso est rénové. Toto est embauché comme nouveau projectionniste. Cette fois, c’est Alfredo qui lui rend régulièrement visite.
À l’adolescence, Toto (Marco Leonardi) se lance dans la réalisation. Il tombe unilatéralement amoureux d’Elena (Agnese Nano) à qui il promet de l’attendre sous sa fenêtre tous les soirs jusqu’à ce qu’elle aussi tombe amoureuse de lui. Une histoire romantique brisée par la vie : Elena part en Toscane et ne répondra jamais aux lettres de son amoureux.
Quand Toto revient de son service militaire, Alfredo lui ordonne de quitter cette Sicile où il n’a plus rien à faire. Qu’il aille accomplir sa destinée ailleurs. Les adieux sont déchirants.
Get out of here! Go back to Rome. (cf La Main de Dieu) You’re young and the world is yours. I’m old, I don’t want to hear you talk anymore, I want to hear others talking about you. Don’t come back, don’t think about us, don’t look back, don’t write, don’t give in to nostalgia. Forget us all. If you do and you come back, don’t come see me. I won’t let you in my house. Understand?
Thank you. For everything you’ve done for me.
Whatever you end up doing, love it. The way you loved the projection booth when you were a little squirt.
Toto part à Rome pour y devenir Salvatore di Vita (Jacques Perrin). Il ne retourne à Giancaldo que pour assister aux funérailles d’Alfredo. Le Cinema Paradiso n’a pas pu répondre aux exigences de la modernité et va être rasé.
You know better than I, Mr. Di Vita – the economy, TV, videos. The old movie business is just a memory.
Alfredo a suivi les succès de Salvatore à travers les années, avec fierté. Il lui a laissé une bobine de tous les cuts romantiques que le curé de l’époque avait censurés. De retour à Rome, Salvatore se fait une projection privé de tous ces instants volés, avec beaucoup d’émotion.
L’EXPLICATION
Cinema Paradiso, c’est l’éternel paradis.
Malgré son jeune âge, le petit Toto est déjà un grand romantique puisqu’il est sensible aux histoires. En l’occurrence, il préfère ce qu’on lui raconte sur grand écran plutôt que les sermons du curé à la messe du dimanche. Alfredo joue les pères de substitution et accompagne le petit dans son apprentissage des émotions à travers quelques grands films (cf Coupez !).
En compagnie des habitants du village, Toto rigole des facéties de Chaplin. Applaudit les performances de Massimo Girotti dans Au Nom de la Loi. S’emballe devant les formes de Brigitte Bardot. Chaque soir, une nouvelle communion.
La vie est belle, même si Alfredo le met en garde :
Life isn’t like in the movies.
Les drames sont plus dévastateurs encore lorsqu’ils se produisent en vrai. La mort de son père. Les coups de règles de l’institutrice (cf les 400 coups). L’incendie du Cinema Paradiso qui coûtera la vue à Alfredo. Et tous ces chagrins d’amour qui ne mènent nulle part ailleurs que dans le mur.
Un mur sans image. Juste des mots qui font mal.
No, Salvatore, there is no future.
Ok.
Les filles s’excusent de le quitter, tout en lui demandant de ne pas les abandonner.
Salvatore, forgive me. (…) Don’t abandon me. Love and kisses, Elena.
Perverses et narcissiques.
Cette réalité faite de solitude, d’étés interminables avec des courriers remplis de belles promesses, Salvatore n’en veut pas. Dans un film, cela ne se passerait pas de la sorte.
When will this rotten summer end? In a film it’d already be over.
Alors il va tout quitter pour le cinéma, son véritable amour. Vecteur d’émotions, à la fois très niche et populaire. Un espace d’expression subtilement maîtrisé, dans lequel Toto peut être le héros. Cette fois, Salvatore écrit les histoires. Il va tout donner au cinéma, sans regarder derrière lui. Partir trouver le bonheur qui l’attend à Cinecittà, avec la bénédiction d’Alfredo.
Living here day by day, you think it’s the center of the world. You believe nothing will ever change. Then you leave: a year, two years. When you come back, everything’s changed. The thread’s broken. What you came to find isn’t there, what was yours is gone. You have to go away for a long time… many years…
En Sicile, Toto vivait parmi les mortels. À Rome, Salvatore va passer à la postérité (cf At eternity’s gate). Il trouve son Eden. Là-bas il y est heureux. Le cinéma lui apporte plus de bonheur que quiconque. Sa mère lui confirme qu’il a bien fait de partir.
Mama, I deserted you. Ran out on you like a bandit, without any explanation.
I never asked for any. You don’t have to explain anything to me. I always thought you did what was right. Why dwell on it? You were right to leave, you did what you wanted to do. Every time I call you, a different woman answers. But I never heard in any of their voices that they really loved you. I would’ve known.
Le pardon maternel.
Pour l’éternité.
Cet amour profond du cinéma est ancré en lui et ne le quittera jamais. Alfredo pour toujours dans le coeur. Quand Salvatore revient à Giancaldo, le cinéma est détruit. Et pourtant tout reste intact.
After all these years, I thought I was stronger, that I’d forgotten a lot of things. But, in fact, I find I’m right back where I was, as if I’d never been away.
Les salles obscures sont des sanctuaires qui protègent de la banalité du monde extérieur. Ce monde dont on oublie les histoires. Salvatore préfère une autre vie dont on peut regarder les scènes coupées for ever, and ever… and ever (cf Shining).
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