JERRY MAGUIRE
Cameron Crowe, 1996
LE COMMENTAIRE
Les athlètes, comme les artistes, sont des diamants bruts qui nécessitent d’être couvé·es pour donner la pleine mesure de leur talent – et faire le spectacle. Certain·es se déhanchent parce que tout leur est permis, d’autres transpirent afin d’éviter la casse. Car si la poule aux oeufs d’or ne pond plus, quelqu’un sera tenu pour responsable de l’échec commercial.
LE PITCH
Un agent de joueurs commence à montrer quelques états d’âme.
LE RÉSUMÉ
Jerry Maguire (Tom Cruise) est un brillant agent de la société Sports Management International (cf Cars). Une vraie fusée néanmoins lucide sur son business et ses dérives, il se pose des questions…
I started noticing a few years ago and I didn’t say a word but the quest for the big dollars and a lot of the little things were going wrong, but lately, it’s gotten worse who did I become? Just another shark in a suit? (cf Le Loup de Wall Street)
Sur un coup de tête, il écrit un mémo puis le fait suivre à ses collègues.
A breakdown? No, a breakthrough.
The Things We Think And Do Not Say: The Future of our Business. se veut être une réflexion de fond sur la profession, et envisager de nouveaux business models plus éthiques afin de préserver une certaine idée du sport professionnel. Mauvaise idée puisqu’il est viré une semaine plus tard.
You wanted it smaller!
Seule Dorothy Boyd (Renée Zellweger), une comptable le suit. Parmi ses athlètes, le fantasque Rod Tidwell (Cuba Gooding Jr.) continue de lui faire confiance, ainsi que le prometteur Frank Cushman (Jerry O’Connell) qui retournera finalement sa veste quelques heures avant la draft pour signer avec Bob Sugar (Jay Mohr).
Jerry ne s’occupe donc plus que des intérêts Tidwell, et Dorothy est là pour lui rappeler qu’il est ruiné.
Dorothy n’est pas tout à fait là que pour compter à vrai dire. Elle est tombée amoureuse de Jerry, bien qu’il soit dans le creux de la vague.
I love him for the man he wants to be. And I love him for the man he almost is.
Alors que tout le monde l’a planté sèchement, Jerry s’accroche à Tidwell et la fortune va lui sourire. Son joueur sous-côté fait des miracles avec les Cardinals. La franchise de l’Arizona lui propose un nouveau contrat de quatre ans pour plus d’une dizaine de millions de dollars (cf Et pour quelques dollars de plus). Jackpot!
Le mariage de Jerry et Dorothy a traversé la tempête.
Hey, I don’t have all the answers. In life, to be honest, I failed as much as I have succeeded. But I love my wife. I love my life. And I wish you my kind of success.
L’EXPLICATION
Jerry Maguire, c’est une lueur d’espoir (cf Armageddon Time).
Qui est Jerry Maguire ? Un marionnettiste qui oeuvre dans les coulisses (cf Dans la peau de John Malkovich). Il tire les ficelles, en secret. Celui qu’on ne voit pas sur les photos, mais qui prend une part active dans les négociations qui font que des gros joueurs rejoignent de grosses équipes – en plus de prendre une grosse commission.
I’m the guy you don’t usually see, I’m the one behind the scenes.
Car derrière les lumières de la scène, il y a toute une cuisine faite de politique et d’enjeux financiers que le grand public préfère ne pas voir. Le sport, au même titre que n’importe quelle autre industrie du spectacle, ne fait pourtant pas exception. Bien au contraire.
It’s not « show friends », it’s « show business ».
Il y a des règles que Jerry Maguire les connait parfaitement (cf Le Stratège).
There’s genius everywhere, but until they turn pro it’s like popcorn in the pan: some pop, some don’t.
En particulier, il sait que tout ne devient qu’une question de paraître et de gros sous. Les alliances ne tiennent que si les contrats sont signés et que les intérêts sont respectés. Ne soyons pas hypocrites.
We live in a cynical world.
Jerry en sait quelque chose, lui qui vit dans un mariage de façade avec une commerciale sans foi ni loi. Son amour avec Avery Bishop (Kelly Preston) ne tient d’ailleurs qu’à leur succès professionnel respectif. Si l’un des deux vient à défaillir, c’est le couple entier qui vacille (cf Marriage Story). Quand Jerry coule, Avery ne sait lui donner qu’un discours de motivation. Dans les faits, elle se désolidarise (cf Titanic).
Tout comme Jerry est trahit par Matt Cushman (Beau Bridges), le père de Franck, qui lui avait pourtant donné sa parole en promettant qu’elle était de chêne. On sait qu’il ne fait pas bon être un arbre aujourd’hui.
Jerry est un agent actif d’un système (cf Matrix) qui peut se retourner contre lui. Un système dans lequel l’humain devient du consommable, où plus rien ne vaut en dehors de la rentabilité, qui creuse inexorablement les inégalités entre celles et ceux qui voyagent devant, et celles et ceux qui voyagent à l’arrière (cf Snowpiercer).
First class, that’s what’s wrong. It used to be a better meal, now it’s a better life.
Il existe une lueur d’espoir car Jerry a conscience de cette situation. Conscience que cette situation va contre les valeurs qu’il défend. Cela ne lui convient pas. Il ne se reconnait plus. Surtout, il a le courage de l’affirmer.
I hated myself… No, I hated my place in the world.
Suite à son mémo, ses amis de chez SMI lui signifient qu’il n’a plus d’avenir. Jerry claque la porte, non sans expliquer le motif.
Let me just say as I ease out of the office I helped build. I’m sorry but that’s a fact that there’s such a thing as « manners, » the way of treating people.
Il ne quitte cependant pas le système pour lancer un élevage de chèvres dans le Larzac. Simplement, il pense qu’il est important de le réguler pour éviter l’anarchie.
Par exemple, il croit encore au pouvoir des relations humaines au delà de la simple valeur économique, dans le fait de s’investir pour quelqu’un et ne pas le laisser tomber dans les coups durs – afin de servir la valeur économique.
Unless you love everybody, you can’t sell anybody.
Le sport spectacle reste son fond de commerce. Il pense néanmoins que le sport spectacle doit être mieux encadré pour éviter la casse. Son expérience prouve par ailleurs que les plus belles histoires que recherche le sport spectacle – en dehors des records pulvérisés – sont humaines.
Tidwell en est la preuve vivante. Ce vilain petit canard dont personne ne voulait et qui va finir par impressionner lors des playoffs.
Il existe une lueur d’espoir car tout le monde le quitte ou presque, mais Jerry Maguire ne coule pas. Animé par ce qu’il croit être une cause juste, qui va lui servir de bouée de sauvetage (cf Mission : Impossible).
Une lueur d’espoir car cet agent à l’arrogance insupportable finit par faire preuve d’humilité. Il se transforme. Son discours change.
I’m asking for a favor.
Son exemple commence à faire réfléchir les athlètes, se sachant également sujet·tes aux coups durs, et qui s’interrogent sur la nature de leur relation avec leurs agents.
Why don’t we have this kind of relationship?
Le système peut changer de l’intérieur.
Il existe une lueur d’espoir grâce à cet homme ambitieux dont tout le monde doutait des capacités dans l’intimité, mais qui parvient à se mettre en couple avec une mère célibataire voyageant en classe économique – et être heureux. Quelqu’un qui semble comprendre que derrière la vitrine médiatique, il existe une vraie vie qui en vaut la peine (cf Hollywoodland).