MAMA
Andrés Muschietti, 2013
LE COMMENTAIRE
On dit affectueusement des enfants qu’ils sont des petits monstres, non sans raison. Prise au premier degré, cette comparaison n’est pas loin de la vérité tant il semble que ces petites crapules savent parfaitement où se cacher pour nous faire peur.
LE PITCH
Deux orphelines sont adoptées par le fantôme d’une mère suicidaire.
LE RÉSUMÉ
Après avoir fait faillite, Jeffrey Desange (Nikolaj Coster-Waldau) tue sa femme puis emmène ses deux filles dans la forêt pour les tue – avant de se donner la mort (cf American Murder : The family next door). Histoire que la faillite soit générale.
Il trouve une maison abandonnée pour commettre son crime. Une ombre inquiétante semble habiter les lieux.
Daddy! There’s a woman outside… She’s not touching the floor!
Elle tue Jeff, puis protège Victoria (Megan Charpentier) et Lilly (Isabelle Nélisse).
Quelques années plus tard, les fillettes sont en vie mais revenues à l’état sauvage.
Lucas (Nikolaj Coster-Waldau), le frère jumeau de Jeff, se propose de les adopter. Le Dr Dreyfuss (Daniel Kash) consent à lui donner la garde des enfants, sous surveillance. Annabel (Jessica Chastain), la compagne de Lucas, est musicienne dans un groupe de heavy metal. Il s’agirait quand même de pouvoir offrir un peu de stabilité aux filles qui affirment toujours voir cette ombre autour d’elles, qu’elles ont baptisée Mama.
Mama a suivi Victoria et Lilly à la maison. Elle commence à semer la panique dans le couple. Lucas est attaqué en pleine nuit et tombe dans le coma. Annabel se retrouve seule avec les filles et doit s’improviser mère. Sa proximité naissante avec Victoria et Lilly fait qu’elles ont moins de temps à consacrer à Mama, qui commence à s’en agacer. Les phénomènes paranormaux se multiplient.
Pendant ce temps, le Dr Dreyfuss mène son enquête sur Mama qui serait le fantôme d’Edith Brennan, une patiente en asile psychiatrique qui aurait sauté d’une falaise avec son bébé pour fuir les religieuses qui menaçaient de s’en emparer. Les langes se seraient accrochés aux branches pendant qu’Edith tombaient seule dans la mer. Ce qui pourrait expliquer pourquoi Mama cherche comme une âme en peine son enfant depuis le XIXe siècle…
A ghost is an emotion bent out of shape, condemned to repeat itself, time and time again until it rights the wrong that was done.
Le Dr Dreyfuss retrouve d’ailleurs la fameuse maison perdue dans les bois. Mama est hors de contrôle. Bien décidée à récupérer les filles, elle tue le Dr Dreyfuss.
Lucas sorti de son coma et Annabel se retrouvent sur la falaise avec les filles, dans un affrontement final avec Mama. Lilly affirme vouloir la rejoindre alors que Victoria souhaite rester avec ses parents d’adoption.
Mama et Lilly sautent toutes les deux dans le vide, puis s’évaporent en centaines de papillons de nuit.
Les trois rescapés restent enlacés sur le bord de la falaise.
L’EXPLICATION
Mama, c’est aussi ça être mère.
À la fin du XXe siècle, le célèbre philosophe bordelais Pascal Obispo a théorisé ce qu’était qu’être père : Être à son enfant ce que la terre est au vin rouge (cf Mondovino). Le bébé comme un millésime. On parle ici de bonheur, de fête, de noblesse et d’ivresse… Une vision presque dionysiaque de la parenté, pour ne pas dire bachique.
Être mère est une autre histoire. Une autre limonade plus amère. Tout d’abord, la mère doit vivre la souffrance physique et morale qui accompagne son nouveau statut (cf Mother!).
La mère n’en reste pas moins femme, donc jamais à l’abri de la folie destructrice d’hommes comme Jeffrey qui décident de tuer tout le monde. Victime aussi d’un monde dogmatique qui cherche sans cesse à vous prendre vos enfants (cf Mommy).
En résumé, la mère donne la vie et on la lui reprend sans qu’elle n’ait rien à dire. On comprend d’autant mieux pourquoi Mama devient sombre et qu’elle décide de faire grève quelque part dans la forêt. C’est presque légitime après tout ce qu’elle a enduré, bien qu’inexplicable.
There is no rational explanation that supports this theory. But it is only the ability to embrace the different reality, that makes science expand beyond the limits of what we know. However, extraordinary claims require extraordinary proofs.
La femme n’a même pas le luxe de pouvoir se suicider tranquillement. Elle doit errer comme un fantôme. Forcée à vivre recluse, dans un asile ou dans les bois. On a beau essayer de faire disparaître la mère, son esprit continue de flotter dans l’air.
Il devient plus facile de comprendre pourquoi les jeunes femmes d’aujourd’hui réfléchissent à deux fois avant de le devenir, comme Annabel qui préfère jouer de la musique plutôt que de jouer les rôles de mère au foyer. Vivre un enfer pareil, non merci!
La vie la rattrape cependant. Lucas disparait de la circulation, comme les hommes savent le faire. Annabel se retrouve donc bombardée mère adoptive alors qu’elle n’avait rien exigé. Elle va devoir apprendre sur le tas. Rassurer les filles quand elles en ont besoin, les divertir quand elles l’exigent. Ne plus avoir de temps pour soi. Occuper le mauvais rôle souvent. Avec la sensation d’être seule dans la bataille.
Annabel découvre le tourment de la mère : une femme qui vit un drame à répétition et à laquelle on demande d’être à la fois sensible, tout en portant un gilet par balles. Compliqué…
Contrairement à l’homme, Mama n’abandonne personne. Forcément, son visage s’altère avec les années. Sa beauté n’est plus qu’un souvenir. Elle finit par faire peur. Encore que malgré toute sa colère teintée de douleur, Edith Brennan a le bon goût de ressembler à une oeuvre de Modigliani.
La mère est une femme de coeur, une femme forte. Sans bougie dans le vent, sans flash ni escort. Elle fait ce qu’elle peut pour rester la clé de voute de la famille (cf Bird Box). Mourir en paix, à défaut de pouvoir vivre ainsi.
C’est ça être Mama.
On pourra se poser la question par ailleurs de ce que veut dire être mamacita.