LA VIE DEVANT SOI
Edoardo Ponti, 2020
LE COMMENTAIRE
Le respect des communautés est essentiel dans le but de ne pas perdre les traditions. Après tout, il serait regrettable que les serviettes s’arrêtent de tourner un jour… Le risque des communautés est de tomber dans l’entre-soi, et dériver vers la consanguinité. Les cultures peuvent se croiser et s’enrichir, sans pour autant perdre leurs racines ni diluer leur identité.
LE PITCH
Un jeune orphelin trouve refuge chez une ancienne travailleuse du sexe.
LE RÉSUMÉ
Le jeune Momo (Ibrahim Gueye) est d’origine Sénégalaise. Il vit à Bari, en colère.
Selon certains, tout est écrit. Je veux tout changer. Revenir au début quand rien n’était écrit.
Il vole deux chandeliers à une grand-mère. Son tuteur le docteur Coen (Renato Carpentieri) lui demande de les rendre et de s’excuser. En l’occurrence, il connait la grand-mère en question : Madame Rosa (Sophia Loren), survivante de l’holocauste et du trottoir.
Le Dr Coen propose à Rosa de prendre Momo quelques semaines, persuadé que cela pourrait être utile pour l’enfant.
Il a besoin d’être guidé.
Madame Rosa garde déjà deux autres enfants d’anciennes collègues dont celui de Lola (Abril Zamora).
Rosa accepte de garder Momo, à contre-coeur. Cela ne fait pas plus plaisir à Momo, mais il n’a pas le choix.
C’est elle ou les services sociaux.
En parallèle, Momo gagne un peu d’argent en travaillant pour un dealer (Massimiliano Rossi). Il a été renvoyé de l’école pour avoir poignardé un autre élève avec son crayon (cf Moonlight).
Petit à petit, Momo s’adoucit. Rosa le présente à Monsieur Hamil (Babak Karimi), un commerçant d’origine algérienne qui lui fait réparer un beau tapis figurant un lion. Une lionne bienveillante rend parfois visite à Momo dans ses rêves…
L’état de santé de madame Rosa décline. Elle commence à avoir des absences.
Qu’est-ce qu’elle a ?
Elle est fatiguée…
Momo décide d’arrêter de travailler dans les rues pour s’occuper d’elle.
Il remarque qu’elle va régulièrement se cacher à la cave.
En bas, je me sens en sécurité.
Après un nouvel avertissement, madame Rosa est conduite à l’hôpital où elle ne veut surtout pas finir. Trop de mauvais souvenirs suite à son enfance marquée par les expériences médicales conduites par les nazis.
Quoiqu’il arrive, je ne veux pas finir à l’hôpital.
Alors Momo vient la libérer. Il l’emmène voir le coucher de soleil une dernière fois puis la ramène à la cave où il s’occupe d’elle jusqu’à la fin.
Après l’enterrement, Monsieur Hamil et Lola ne laissent pas tomber Momo. Sa lionne n’est pas très loin non plus.
L’EXPLICATION
La vie devant soi, c’est continuer d’avancer en dépit des obstacles.
Momo est bien placé pour savoir que la vie ne fait pas que des cadeaux (cf Capharnaüm). Grandissant dans un pays qui ne partage pas sa culture. Il a perdu sa mère très jeune par la faute de son père.
Elle voulait arrêter de faire le trottoir et mon père s’est énervé. J’avais six ans.
Tout le monde le considère comme une mauvaise herbe. On lui ordonne de se conformer pour qu’il rentre dans les rangs (cf The Wall).
Suis les règles et tu n’auras pas d’accident.
Ce qui ne lui plait d’ailleurs pas.
Je ne voulais pas être comme les autres.
Il manque cruellement de perspectives. En dehors du Dr Coen, personne ne s’intéresse à lui. Le dealer profite juste de ses services pour gagner de l’argent, à moindre coût. C’est Momo qui prend tous les risques.
Personne ne cherche vraiment à le comprendre. Madame Rosa non plus dans un premier temps. Elle essaie de le dresser.
Sous mon toit, tu suis mes règles!
Puis la mayonnaise va finir par prendre entre toutes ces personnes d’univers différents. Auprès de Monsieur Hamil, Momo apprend d’abord à mieux se connaître. Il se reconstruis les bases qui lui manquaient.
Je savais même pas que j’étais musulman…
Momo souffre surtout de se sentir isolé. Victime de la vie comme aucun·e autre. De ce point de vue il est unique, mais dans un sens qui ne lui plait pas. Il a l’impression que tout est contre lui seul.
La nature est mal faite. Elle fait les choses sans rime, ni raison.
Par conséquent, rien ne sert de construire quoi que ce soit. Autant voler ici et là quand l’occasion se présente. Une manière pour Momo de refuser de jouer le jeu de cette vie ingrate. Il ne veut pas se rendre dépendant d’un bonheur qui n’existe pas.
Je suis jeune, j’ai toute la vie devant moi je le sais. Mais je vais pas lécher les bottes du bonheur. S’il se montre tant mieux. Sinon on s’en fout.
La lionne qui vient lui rendre visite de temps à autre est une construction mentale qui le rassure. Le Dr Coen l’a bien compris. Momo a besoin d’avoir un peu d’appui pour se jeter à l’eau.
C’est son besoin de protection, d’attention, d’amour.
C’est une autre conversation avec Monsieur Hamil qui va l’aider à changer de perspective.
Il faut que tu prennes tes responsabilités.
Quand Madame Rosa décline, elle montre une part d’elle plus vulnérable. Momo trouve du sens dans le fait de lui venir en aide (cf Intouchables). Le temps qu’ils passent ensemble lui fait comprendre qu’il n’est pas seul dans le monde à être une victime. Qu’il est plus intéressant de s’occuper de personnes qui en ont besoin plutôt que d’essayer de profiter de leurs faiblesses (cf Panique à needle park).
La vie facile que lui propose le dealer n’est pas une manière d’échapper à la mort. Momo le sait. Quand Rosa meurt, il a l’occasion de refaire cavalier seul. Finalement il préfère saisir la main que lui tend le groupe.
Il n’est de vie que devant soi. Derrière restent les souvenirs plus ou moins mal-heureux, avec lesquels nous devons composer. Ils ne doivent pas nous empêcher. D’autres souvenirs nous attendent.
De toute façon, nous sommes condamné·es à aller de l’avant. Heureusement, ensemble dans ce voyage plein de rebondissements.