CAPHARNAÜM

CAPHARNAÜM

Nadine Labaki, 2018

LE COMMENTAIRE

On parle de la naissance comme s’il n’y avait rien de plus beau que de venir au monde. Le miracle de la vie (cf Tree of Life). Un événement tellement improbable à l’échelle de l’univers que nous devrions tous en être reconnaissant (cf The Meaning of Life). Pour certains, l’histoire vire pourtant à la punition. Sur le bord de la route, ils sont de plus en plus nombreux à souffrir.

LE PITCH

Un enfant d’une dizaine d’années porte plainte contre ses parents pour l’avoir mis au monde.

LE RÉSUMÉ

Le petit Zain (Zain al-Rafeea) vit dans un bidonville de Beyrouth (cf La Cité de Dieu). Sa famille a été contrainte de fuir la Syrie pour les immeubles insalubres du Liban.

Maison de malheur!

C’est ça ou la rue!

Zain s’occupe de sa soeur Sahar (Cedra Izam) et remarque qu’elle vient d’avoir ses premières règles. Il lui conseille de se taire pour ne pas que ses parents la marie à Souad (Kawtar al Haddad). C’est peine perdue. Un beau jour, Zain rentre à la maison et découvre que le mariage est arrangé (cf Mustang). Sa soeur doit partir.

Zain décide de partir lui aussi. Il fugue et se fait héberger par Rahil (Yordanos Shifera), une travailleuse éthiopienne illégale qui vit au Liban avec son bébé Yonas. Elle essaie de mettre de côté pour pouvoir acheter des papiers d’identité auprès d’Aspro (Alaa Chouchniye), un passeur sans scrupule qui préférerait plutôt lui offrir 500$ contre Yonas. Les bébés ont plus de valeur à ses yeux. Ils se revendent mieux.

Rahil se fait arrêter par les autorités. Zain se retrouve seul avec Yonas. Le petit garçon fait du trafic de Tramadol pour ramener du pain et du lait. Le jour où il retrouve la porte cadenassée, il n’a pas d’autre choix que d’abandonner Yonas à Aspro contre un peu d’argent. Il est au bord du burn out (cf Chute libre).

J’encule ce pays de merde!

La Turquie ou la Suède résonnent à ses oreilles comme le paradis sur terre. Pour passer la frontière, il a cependant besoin de papiers d’identité. Il rentre à la maison et apprend de sa mère que Sahar est morte à l’hôpital après avoir fait une fausse couche. Fou de colère, il s’empare d’un couteau de cuisine pour aller poignarder Souad. Pour ce méfait, il écope d’une peine de cinq ans de prison. Il dénonce Aspro ce qui permet à une association humanitaire de retrouver Yonas pour le rendre à Rahil.

Zain attire l’attention médiatique en appelant une émission de télévision depuis la prison où il est incarcéré. Il porte plainte contre ses parents et dit au juge qu’il refuse que les parents continuent d’avoir des enfants quand ils ne sont pas capables de les élever correctement.

Sa mère est de nouveau enceinte.

Sur la photo de son dossier carcéral, il sourit par réflexe.

Capernaum-477761183-large

L’EXPLICATION

Capharnaüm, c’est forcément la faute de quelqu’un.

Si l’enfer existe alors il doit se rapprocher de ce que vit Zain :

    • Qui ne vit pas dans son pays d’origine.
    • Dans un immeuble en ruines.
    • Probablement rempli de cafards
    • Sans aucune intimité.
    • Exposé quotidiennement aux particules fines de Beyrouth.
    • Il n’est pas scolarisé.
    • Ses parents ne l’aiment pas.
    • La plupart de ses copains fument des cigarettes.
    • Sa soeur de onze ans, l’amour de sa vie, lui est arrachée.
    • Il se retrouve seul dans la rue une première fois.
    • On lui confie la responsabilité d’un bébé qui n’est pas le sien.
    • Personne ne lui vient en aide.
    • Il souffre de malnutrition.
    • Les autorités l’expulsent de son taudis. À la rue de nouveau.
    • Il abandonne Yonas, la mort dans l’âme.
    • Sa soeur meurt.
    • Et il finit en prison, sans toucher les francs 20,000 cela va sans dire.

Faut-il en rajouter ?

Dans la vie, nous cherchons constamment des perspectives. Nous nous rattachons à des buts pour avancer, comme un projet immobilier ou des vacances. Nous avons le luxe de penser que nous avons une raison d’être dans ce monde, que nous accomplissons notre mission. Comme si nous n’étions pas là par hasard.

Vivre ou survivre ? La question ne se pose même pas pour Zain qui n’a rien du tout.

Il est vrai que de facto, il n’a rien à perdre. Pourtant il ne va rien gagner. Comme le lui fait remarquer son père:

Personne n’en a rien à cirer de toi ou de nous. On est des moins que rien. Des parasites.

Zain n’est pourtant responsable de rien, contrairement à ce que voudrait la théorie existentialiste. Cette décharge gigantesque, il y a bien été précipité.

Par qui?

Rahil qui est au Liban sans en avoir le droit, pour venir en aide à sa famille avec l’argent qu’elle n’a même pas pour s’acheter des faux papiers. C’est parce que Rahil se fait arrêter que Zain se retrouve dans la rue.

Si Aspro avait bien voulu baisser ses tarifs, on n’en serait pas arrivé là.

Et si les parents de Zain n’avaient pas décidé de marier leur fille à Souad, rien de ceci ne se serait passé. Zain n’aurait pas quitté le domicile. En tout cas, Sahar ne serait pas morte d’une fausse couche et Zain n’aurait pas cherché à poignarder Souad. Donc il ne serait pas en prison.

Oui mais voilà, les parents de Zain ont beaucoup trop d’enfants. Donc il faut bien leur permettre de se libérer de cette misère. Ce mariage est soit-disant un cadeau pour Sahar. Cadeau ou pas, c’est ainsi. Il faut faire partir les enfants qu’on a mis au monde comme des petits pains dès qu’on peut, afin de continuer à survivre. Et chacun a une bonne excuse, à l’image de la mère de Zain au tribunal :

J’ai fait l’esclave toute ma vie et vous osez me juger ?

Ou comme le père de Zain qui se lamente auprès du juge :

Si j’avais eu le choix, je serais peut-être mieux que vous tous. Maudit soit le jour où je me suis marié!

On pourrait se demander comment ces parents font pour être aussi inconscients en continuant d’avoir des enfants dans de telles conditions. Il est peut-être là le problème. Des parents irresponsables, comme Zain le pointe du doigt ? En attendant ce sont les enfants qui font les frais de l’égoïsme de ces adultes incapables de prendre leurs responsabilités et qui se défaussent en permanence sur les autres.

Gardons nous bien de nous poser la question de savoir qui est responsable de l’existence de ces familles de réfugiés. La faute à qui si les migrants débarquent dans nos villages ? Certainement quelqu’un d’autre que nous. On ne peut pas être responsable de toute la misère du monde non plus! Déjà qu’on est coupable pour l’environnement…

La faute à pas de chance ?

Cela ne peut pas juste être l’inconvénient d’être né, sinon cela validerait le postulat de Maxime le Forestier.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

9 commentaires

Commentez ou partagez votre explication

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.