RIDICULE

RIDICULE

Patrice Leconte, 1996

LE COMMENTAIRE

La Cour est une arène où les fauves aux dents acérés s’ennuient. On s’y observe et l’on s’y donne des coups de griffes avec un sourire. Quelques bons mots peuvent suffire à se faire un nom, ou une réputation.

LE PITCH

Un provincial se frotte au cynisme de Versailles.

LE RÉSUMÉ

Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling) s’enlise dans ses marais. Son peuple meurt de la fièvre. Il faudrait pouvoir les assécher. Le jeune aristocrate manque de fortune, mais pas d’ambition. Il part pour Versailles afin d’aller plaider sa cause au Roi.

Je remuerai Versailles bureau par bureau, et on m’entendra!

On n’obtient évidemment pas une audience aussi facilement. Il va lui falloir découvrir et maitriser les codes pour réussir à se frayer un chemin jusqu’à Louis XVI (Urbain Cancelier).

La difficulté n’est pas d’être reçu, mais écouté.

L’audace de Malavoy touche le marquis de Bellegarde (Jean Rochefort) qui le prend sous son aile. Grégoire peut faire ses débuts à la Cour. Sa première sortie lui vaut d’être remarqué immédiatement.

Les paysans ne nourrissent pas seulement les moustiques, ils nourrissent aussi les aristocrates.

Cependant, la gravité de son propos ne va pas l’emmener très loin. Il lui faudra divertir pour être considéré par la Comtesse de Blayac (Fanny Ardant). Malavoy suit alors scrupuleusement les conseils de Bellegarde.

C’est le bel esprit qui ouvre les portes.

Il évite les pièges tendus par les courtisans jaloux, comme Villecourt (Bernard Giraudeau).

Méfiez vous de l’abbé. Lorsqu’il se tait il vous guette, lorsqu’il parle… il est déjà trop tard!

Malavoy tombe amoureux de Mathilde de Bellegarde (Judith Godrèche), la fille du marquis pourtant promise au Comte de Montalieri (Bernard Dhéran).

Le talent de Malavoy lui permet de naviguer au milieu de ce panier de crabes.

On dirait que cette comédie vous plait, vous finirez comme eux.

Il séduit la comtesse de Blayac afin de se hisser auprès du Roi dont il gagne la confiance avec une formule.

Monsieur, on dit que vous êtes un homme de beaucoup d’esprit. La comtesse de Blayac ne tarit pas d’éloges. Montrez nous un peu cela. Faites nous un mot, là. Au débotté. Sur moi par exemple…

Sire, le Roi n’est pas un sujet…

Le Roi n’est pas un sujet, c’est admirable!

Malheureusement, il ne peut s’empêcher de faire le malin. Une réflexion sur un canon mal réglé irrite le Colonel de Chevernoy (José Fumanal) qui l’insulte. Les deux hommes s’affrontent en duel et Malavoy sort en vainqueur battu. Car les portes du chateau se referment.

Vous comprendrez bien que sa Majesté ne puisse plus recevoir en audience privée un homme qui a tué l’un de ses hommes en duel.

Trahi par la comtesse puis tourné en ridicule lors d’un bal costumé, Malavoy quitte cependant Versailles la tête haute.

Je retourne à mon pays pourri Madame, ma place est là-bas.

Après la révolution, l’aristocratie française se réfugie au Royaume-Uni. Le marquis de Bellegarde essaie de se recycler.

L’humour, c’est merveilleux!

L’EXPLICATION

Ridicule, c’est en avoir peur qui tue.

À la préhistoire, il fallait tout simplement chasser pour survivre. Au Moyen-Âge, on se battait pour l’honneur de son blason. Avec les Temps modernes, le plus important était de ne pas être tourné en ridicule. À Versailles, le jugement de la Cour pouvait être sans appel.

Monsieur! Debout! On vous regarde…

C’est seulement plus tard que l’on va apprendre à savoir se moquer de soi-même, permettant de laisser filer les petites remarques assassines. Apprendre à encaisser les coups et se relever pour atteindre son objectif (cf Rocky). Car le ridicule ne tue pas. L’exemple de Grégoire Ponceludon de Malavoy en est la preuve.

Malavoy est un homme de peu de biens mais qui a de l’ambition.

Tous les hommes sont capables de miracles.

Du fin fond de ses marécages et malgré son titre de noblesse, il ne connait pas les usages de la haute société.

Vous n’êtes pas des leurs.

Pour éviter le ridicule, il y a des manières à adopter. Le marquis de Bellegarde les connait. Ce qui n’est pas le cas de Malavoy, un vulgaire provincial qui commet de nombreux impairs.

Perdez l’habitude de rire de toutes vos dents, c’est infiniment rustique.

La force de Malavoy est qu’il est habité par une cause qui dépasse sa petite personne. Lorsqu’il trébuche lors du bal costumé, ce qui constitue une risée à l’époque, Malavoy se relève malgré tout. Plutôt que de partir la queue basse, il parle au nom de celles et ceux qu’il défend. Ce n’est pas juste un individu qui est tombé ce soir là.

Demain des enfants vont mourir, et ils mourront du ridicule qui m’éclabousse aujourd’hui.

Si Malavoy joue le jeu de la Cour, il ne fait jamais l’erreur de prétendre être quelqu’un qu’il n’est pas. En d’autres termes, il reste droit dans ses bottes. Tout son esprit, il ne le met qu’au service de son projet.

Notre cause avance-t-elle à Versailles ?

Oui. Mais priez quand même…

Tout le contraire de l’Abbé de Villecourt qui est un tricheur obsédé par sa gloire personnelle.

Versailles n’est pourtant tendre avec personne, pas même avec l’Abbé qui va trop loin en s’adressant au Roi devant ses sujets. Nul ne doit chercher à éclipser sa Majesté, comme le sait madame de Blayac.

L’art est de briller en restant à sa place.

Malavoy ne fait qu’un passage éclair à Versailles car il ne voit pas l’intérêt de prendre racines dans une Cour en perdition.

Qui sera la prochaine victime?

Oui Sire, bien sûr, vous pouvez faire confiance à la loyauté de la noblesse de France. On sait ce que cela vaut…

À cultiver l’ironie, les membres de la Cour finissent par en perdre le sens des réalités. Ils s’ennuient des souffrances du peuple ou se moquent pas mal de l’oeuvre de l’Abbé de l’épée (Jacques Mathou) qui créée un nouveau langage pour les sourds et malentendants. La Cour se prend beaucoup trop aux sérieux avec ses conventions et devient obsédée par son image. Paralysée par l’angoisse de perdre la face. N’hésitant pas à trahir leurs principes pour sauver les apparences. C’est cette peur du ridicule qui aura la tête de l’aristocratie française.

En Grande-Bretagne, le marquis de Bellegarde se voit offrir une nouvelle chance d’apprendre l’auto-dérision. L’art de se tourner soi-même en ridicule.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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