KIRIKOU ET LA SORCIÈRE
Michel Ocelot, 1998
LE COMMENTAIRE
Nous devenons des parents non pas parce que ça nous fait plaisir mais plutôt parce que c’est dans l’ordre des choses (cf Tree of life). Les gros égoïstes que nous sommes finissent par s’épuiser de tout, y compris d’eux-mêmes. Prendre des selfies tous les jours, ça ne dure qu’un temps. Heureusement. Alors on fait des enfants (cf Bébés) pour qu’ils puissent nous apporter un nouveau souffle. Prendre la relève. Accessoirement payer nos retraites.
LE PITCH
Dans l’Ouest Africain, un petit garçon défend son village contre une redoutable sorcière.
LE RÉSUMÉ
Le petit Kirikou se distingue des autres puisqu’il commence déjà à parler dans le ventre de sa mère. Il vient au monde tout seul. Très vite, il comprend que les habitants du village se trouvent sous la menace de Karaba qui les prive d’eau et les pille de leurs richesses. Elle a décimé la moitié de la population. Sa réputation la précède.
Mère, où est mon père ?
Il est allé combattre Karaba la sorcière. Et elle l’a mangé.
Abrupt. Kirikou ne se démonte pas.
Où sont les frères de mon père ?
Ils sont allés combattre Karaba la sorcière. Et elle les a mangés.
Cette fois-ci, Kirikou sait à qui il a affaire. Malgré sa petite taille, il va défendre les enfants du village. Puis grâce à sa petite taille, il va remonter jusqu’à la source pour crever la créature qui pompe toute l’eau et redonner ainsi un peu de vie au village. Ce qui fait enrager Karaba.
Kirikou n’arrive cependant pas à comprendre.
Pourquoi Karaba la sorcière est-elle méchante ?
Son grand-père le sait. Kirikou passe par des galeries souterraines, bravant zorille et rats palmistes pour arriver à la montagne interdite. Le vieil homme lui apporte des éléments de réponse.
Elle déteste les hommes et veut leur faire le plus de mal possible.
Pourquoi ?
Parce qu’elle a mal.
Pourquoi ?
Parce que quelqu’un lui a enfoncé une épine empoisonnée.
Voilà.
Kirikou ne se démonte pas. Il se rapproche de la sorcière puis lorsque Karaba a le dos tourné, le petit garçon en profite pour lui arracher l’épine. La nature refleurit soudainement autour de Karaba, redevenue elle-même. Comment récompenser son sauveur ?
Kirikou, comment te prouver ma reconnaissance ?
Épouse-moi.
Gonflé!
Décidément, le petit n’a peur de rien. Karaba est peut-être cougar, elle n’est pas pédophile (cf Leaving Neverland). Impossible pour elle d’épouser un petit garçon. Kirikou exige alors que Karaba l’embrasse. Plus réaliste. Ce baiser transforme le bambin en grand et charmant gaillard. Plus rien ne s’oppose désormais à leur mariage.
Tous les deux rentrent au village. Les hommes soit disant mangés avaient été en réalité transformés en fétiches. Le sortilège est rompu. Tout le monde peut se retrouver, faire la fête et célébrer les deux amoureux.
L’EXPLICATION
Kirikou et la sorcière, c’est notre sauveur.
Kirikou n’est pas comme les autres puisque dès sa naissance, il se prend en mains. Il fait preuve d’un beau caractère, parfois même un peu donneur d’ordres. Sa mère n’hésite pas à le remettre à sa place.
Lave moi!
Un enfant qui s’enfante lui-même se lave tout seul.
Du calme l’enfant roi. On va pas tout faire non plus!
À la différence des autres enfants qui sont insouciants, comme leur âge leur permet de l’être, Kirikou est curieux du monde qui l’entoure. C’est un garçon politique qui s’intéresse à la res-publica. Il faut dire qu’il est directement concerné par ce que son village subit dans la mesure où son père est mort par la faute de la sorcière. Impossible de fermer les yeux (cf Eyes wide shut) sur la vérité :
Il y a toujours des gens qui nous veulent du mal.
En l’espèce, il s’agit d’une sorcière. Face au danger et alors que tous les villageois tremblent, Kirikou prend ses responsabilités (cf Le Géant de Fer). Il accompagne son oncle pour affronter Karaba. Ensuite, il survit à la noyade pour rendre l’eau au village (cf Le garçon qui dompta le vent).
Sur son chemin et au fil de ses rencontres, Kirikou gagne en maturité, notamment au contact de son grand père. Il écoute la voix des aînés qui savent qu’ils ne savent rien.
Je suis petit et je voudrais être grand.
Le jour où tu seras grand, n’oublie pas de te réjouir d’être grand.
Bien noté.
Ce qui distingue Kirikou des autres c’est surtout qu’il veut absolument comprendre. Contrairement aux masses (cf Idiocracy), il se pose des questions. Comme le lui fait remarquer son grand-père :
Tu as raison de demander pourquoi. (…) De pourquoi en pourquoi, nous allons remonter jusqu’à la création du monde!
Quand tout le monde croit à des sottises, lui prend l’information. Calmement.
Ce qu’il faut, c’est être prévenu.
Il questionne et analyse. C’est ce qui lui permet de comprendre la situation et donc d’avoir le courage d’affronter celle qui est désignée comme une ennemie. Kirikou démystifie Karaba.
Pendant des années, les hommes chevaleresques sont venues en aide à de pauvres femmes sans défense (cf Blanche Neige, San Andreas). Puis les femmes se sont émancipées (cf Basic Instinct). Désormais les femmes sont fortes (cf Elle), libérées (cf La fille du train), et se sentiraient insultées qu’on cherche à les prendre par la main. Elles s’en sortent toutes seules (cf Panic Room). Mieux, ce sont souvent les femmes qui secouent les hommes (cf Gone Girl).
Certes, la princesse transforme le crapaud en prince grâce à un baiser. Mais c’est quand même Kirikou qui lui enlève une belle épine du pied. Ou du dos en l’occurrence. Et surtout, il s’inscrit dans la modernité en respectant sa femme.
Je ne serai la servante de personne.
Si tu étais ma femme, tu ne serais pas ma servante.
Au final, Kirikou sauve à plusieurs reprises les enfants du village. Il fait revenir l’eau dans une contrée aride. Malin, il consulte son grand-père. Compréhensif, il cherche à donner une seconde chance à celle que tout le monde préférerait voir mourir. Il fait revenir les hommes au village. Enfin, il abolit l’assujettissement des femmes dans une région où la polygamie est légale.
Kirikou est le sauveur des temps modernes.
J’ai l’impression que tu es passé à côté de la vraie signification, Karaba s’est faite violer depuis elle porte son fardeau sous la forme d’une épine, et Kirikou lui enlève en croyant à son histoire, et en la comprenant.
Merci Lucienne pour cette perspective qui se concentre davantage sur la situation de Karaba plutôt que sur le rôle de Kirikou. On peut effectivement s’intéresser à la signification de cette épine empoisonnée qui a fait de Karaba ce qu’elle est devenue.
Merci pour l explication. Je ne trouve pas que tu sois passe a cote…. Tu nous a donne ta perception du film. Merci. Je dirais moi que tu n es pas alle en profondeur pour Karaba et que je vois Kirikou autrement. Suite a son passe douleureux elle hait les hommes et les fait payer a cause des sa souffrance, ses ressentiments… et son Ego. Elle punie aussi les femmes en meme temps et les enfants… car elle pourrait se sentir juger, incomprise, ou… autre. Donc est ce a cause de son passe que son ego prends le dessus?, est ce son propre karma generationel (ce que sa famille lui a transmis, des cycles, une education..) ou peut etre qu elle n a pas de famille ce qui fait d elle une ame perdue… est cela qui la fait agir et reagir de la sorte? ou les deux? … Je dirais les 2… Mais je prefere me concentrer sur la liberation. Kirikou l aide a se liberer, et elle le fait devenir un homme. Kirikou n est pas Jesus, pour moi il pourrait juste etre une OLD SOUL, comprenant des son plus jeune age comment vivre sa vie, restant en authentique a lui meme. comme nous tous il a plusieurs mission, seulement, contrairement a beaucoup, lui, il en est conscient. Nous pouvons tous etre la reflection de Dieu en sachant qui nous sommes, en ecoutant et faisant les choses avec integrites.Je crois qu en liberant Karaba, il l a reveillee et elle aussi devient ou deviendra le mirroir de Dieu en devenant elle meme, en ecoutant, comprenant, et en etant integre, grace a ses grands pouvoirs, qui sait elle pourrait devenir une Grande Pretresse dans le futur…
Merci Katyana. Comparer Kirikou à Jésus est une manière de montrer qu’il est une sorte de catalyseur. Il transforme son environnement. Grâce à lui, Karaba parvient à surmonter le traumatisme qui a fait d’elle une sorcière.
Vous avez raison, on pourrait s’intéresser au personnage de Karaba plus en profondeur pour montrer qu’il n’est pas de douleur qui ne puisse être surmontée. Que chacun-e a la force de changer. Exorciser la sorcière.
Un très beau commentaire, merci encore.