OÙ EST LA MAISON DE MON AMI ?
Abbas Kiarostami, 1987
LE COMMENTAIRE
Beaucoup d’enfants vivent l’école comme une punition et regardent les adultes avec une forme d’impatience en se disant que cela doit être bien d’être grand. Ces enfants ne se rendent pas toujours compte que les adultes en question ne se sentent pas toujours libres et qu’ils donneraient tout pour pouvoir retourner sur les bancs de l’école.
LE PITCH
Un petit garçon comprend que son erreur pourrait couter cher à son copain.
LE RÉSUMÉ
Dans la classe du petit Ahmad Ahmadpour (Babak Ahmadpour), on ne rigole pas. Quand l’instituteur (Khodabakhsh Defai) arrive cinq minutes en retard et que les élèves chahutent, ils se font sévèrement reprendre. Contrôle des devoirs.
Le voisin d’Ahmadpour, Mohammad Reza Nematzadeh (Ahmed Ahmadpour) a fait ses devoirs sur une feuille, ce qui ne satisfait pas l’instituteur qui déchire le travail. Nematzadeh fond en larmes. L’instituteur lui demande pourquoi il n’a pas son cahier alors qu’on le lui a répété trois fois. Nematzadeh prétexte qu’il a oublié son cahier chez son cousin.
L’instituteur explique à la classe la valeur du cahier de devoirs.
Vous devez écrire dans vos cahiers parce que tout d’abord vous aurez une discipline, et vous pourrez comparer vos devoirs.
Il lance un avertissement à Nematzadeh.
Vous comprenez pourquoi j’ai insisté ? Toi aussi ?
Oui…
C’est la dernière fois, après tu seras renvoyé.
L’école est finie. Les garçons s’amusent quelques minutes ensemble avant de rentrer chez eux. À la maison, Ahmadpour découvre avec effroi qu’il a pris le cahier de son copain, en plus du sien.
J’ai pris le cahier de Nematzadeh par erreur…
Il explique la situation à sa mère (Iran Outari) qui refuse qu’il bouge.
Fais tes devoirs, tu joueras après!
C’est pas jouer que je veux, c’est rendre le cahier.
Rends le demain…
Elle n’a visiblement rien compris.
Ahmadpour va devoir échapper à la vigilance de sa mère pour retrouver où vit son copain. Malheureusement, il ne sait pas où il habite précisément. Nematzadeh vit à Poshteh, un village voisin assez loin de Koker.
Ahmadpour commence son voyage, mais personne ne semble pouvoir l’aider. Pire, les adultes lui font perdre du temps. Son grand-père (Rafia Difai) lui ordonne d’aller chercher des cigarettes.
J’ai des cigarettes…
Moi aussi j’en ai! Ce n’est pas pour les cigarettes. Je veux lui donner une bonne éducation. (…) Tu as vu ? Je lui ai dit trois fois et il ne m’a pas écouté, je ne veux pas qu’il devienne paresseux et inutile à la société.
Il trouve enfin la direction de Poshteh, où un enfant lui conseille d’aller voir le forgeron (Mohammad Hossein Rouhi) qui doit savoir où vit Nematzadeh. Cependant le vieil homme n’avance pas.
Vous ne marchez pas assez vite, je suis en retard.
La nuit tombe. Ahmadpour doit rentrer chez lui pour se prendre un savon par ses parents. Rongé par la culpabilité, il ne peut pas dîner et demander la permission d’aller faire ses devoir avant de se coucher.
Le lendemain matin, Ahmadpour est absent. L’instituteur commence le contrôle des devoirs. Nematzadeh sent sa présence qui se rapproche, le ventre serré. Finalement Ahmadpour arrive en classe. Il est excusé pour son retard. Ahmadpour s’installe rapidement et rend son cahier de devoirs à Nematzadeh.
Il a demandé tes devoirs?
Non…
Je les ai faits pour toi.
L’instituteur n’y voit que du feu. La vie peut continuer.
C’est bien mon garçon.
L’EXPLICATION
Où est la maison de mon ami, c’est un exemple de solidarité.
À l’école, les enfants n’apprennent pas que la discipline. Ils apprennent aussi le sens des responsabilités. Le rôle de l’instituteur n’est pas de les gronder, plutôt de leur faire comprendre qu’il y a des choses qui doivent être prises au sérieux. Sinon ils peuvent avoir des problèmes, comme quand on oublie son cahier.
D’ailleurs l’instituteur est plutôt un bon pédagogue puisqu’après la punition, il prend le temps d’expliquer les choses à Nematzadeh de façon à ce que cet épisode lui serve de leçon – ainsi qu’à tous les autres élèves. En cela, il se distingue de Petite Feuille (cf Les 400 Coups) qui ne faisait qu’aboyer des ordres comme la majorité des maîtres français d’après guerre.
En tout cas, le message de l’instituteur est bien passé auprès de Nematzadeh et surtout d’Ahmadpour qui s’est senti mal de voir son copain en larmes.
Il se sent donc très mal lorsqu’il se rend compte en fin de journée qu’il a pris le cahier de devoirs de Nematzadeh par erreur, ce qui risque de le faire renvoyer le lendemain matin.
Nematzadeh est son copain. S’il lui arrive des bricoles par sa faute, Ahmadpour ne se le pardonnera pas. Il a le bon réflexe de vouloir rendre le cahier.
Reconnaître son erreur est une chose. Assumer son erreur en est une autre. Car Ahmadpour doit se confronter à la difficulté : tout d’abord il ne sait pas où est la maison de son ami. Il va peut-être passer des heures à chercher, sans trouver.
Plutôt que de se lancer dans cette aventure improbable, Ahmadpour pourrait largement se réfugier derrière une excuse. 1) Il ne sait pas où habite Nematzadeh. 2) Ce n’est pas son cahier. 3) Si Nematzadeh se fait renvoyer, ce n’est pas ses onions. 4) Même sa mère lui pardonne!
Il le mérite, tant pis pour lui.
Les adultes soit disant bien intentionnés sont souvent bien aveugles par ailleurs.
La mère d’Ahmadpour ne comprend pas le drame qu’est en train de traverser son fils. Puis son grand père lui fait perdre du temps en l’envoyant chercher des cigarettes – soit disant pour la bonne cause.
Je cherche un prétexte pour pouvoir le punir.
Ahmadpour pourrait réaliser l’acte héroïque de parcourir le monde pour retrouver son ami mais il échoue finalement dans sa quête.
Il est trop tard maintenant.
Cette expérience va cependant le conduire à une découverte encore plus précieuse : la solidarité. Il pense à son ami d’abord.
Puisqu’il n’a pas réussi à voir Nematzadeh, il lui reste encore la possibilité de faire ses devoirs à sa place – pour cette fois. Alors que les adultes s’évertuent à trouver une manière de faire passer leurs ordres sans avoir à répéter deux fois, l’enfant va faire deux fois le travail pour venir en aide à son ami.
Non seulement Ahmadpour est solidaire, mais en plus il est créatif et humble.
Un exemple de petit geste discret, qui passe inaperçu, mais qui sauve le monde.
J’ai beaucoup aimé ce film, vu il y a plusieurs années, comme d’autres films de ce génial réalisateur…Merci pour vos commentaires !
Merci pour votre commentaire. Il s’agit effectivement d’une belle fable, simple en apparence mais profondément inspirante.