HARRY UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN
Dominik Moll, 2000
LE COMMENTAIRE
Il existe des problèmes métaphysiques auxquelles l’homme n’a pas trouvé de solutions. Aussi pénible soit-il, l’homme n’a pas encore toutes les réponses. Par exemple : un arbre qui tombe dans une forêt sans personne fait-il du bruit? Mystère. Ou encore la théorie de l’oeuf et de la poule : qu’est-ce qui est apparu le premier? On peut retourner le sujet dans tous les sens, rien ne parait évident. Voilà une bonne raison de se relever la nuit.
LE PITCH
Sur la route des vacances, un homme fait une rencontre fortuite.
LE RÉSUMÉ
Au Lycée, Michel (Michel) écrivait des poèmes. Harry (Sergi Lopez) était son premier fan. Dix années plus tard les choses ont changé : Michel a levé le crayon et s’est transformé en papa qui râle.
Tandis qu’Harry mène une vie piano piano avec Prune (Sophie Guillemin) à ses côtés, Michel est dans le quotidien jusqu’au cou : refaire la salle de bains, combler le puisard… Empêché par sa femme, ralenti par son frère et ses parents. Harry va faire le ménage de printemps autour de Michel pour mieux l’aider à reprendre l’écriture d’une nouvelle, les singes volants. Se rendant compte de l’influence qu’Harry exerce sur son mari, Claire (Mathilde Seigner) s’inquiète. Elle essaie de reprendre la main en menaçant directement Harry.
J’veux plus que tu remettes les pieds aux Coulis Blancs!
Harry voit rouge. Il n’hésite pas à inciter son ami à se débarrasser de sa femme et de ses filles. Le grand ménage!
Michel a la tête qui tourne.
C’est pourtant bien dans le cœur d’Harry que Michel décide de planter son couteau.
La vie peut reprendre son cours, presque normalement. L’auteur va se remettre à écrire.
L’EXPLICATION
Harry, c’est la providence.
Harry est le double de Michel (cf Fight Club, Collateral). Il est son fantasme : le célibat, la liberté, la rente, la belle berline Allemande climatisée. Alors que Michel a le mariage, les trois filles et la Renault qui va avec. Pas de quoi rêver très longtemps.
Michel est de l’autre côté du poste de télévision. Avec le plateau repas. Il a été attaché à son canapé par sa femme et ses filles et il est condamné à manger du jambon en regardant des programme abrutissants. Ou plutôt, il s’est laissé attacher. Le puisard est une tombe que Michel s’est creusé tout seul. Petit à petit, il a abandonné son activité créative. Il a renoncé à l’épanouissement.
Cette rencontre étonnante sur une aire d’autoroute ne doit rien au hasard. Elle se passe dans les toilettes, haut lieu de soulagement. Michel a besoin de se délester. Il en a gros sur la vessie. Harry lui apparaît alors comme une solution au moment de se laver les mains. En vérité, Harry est plutôt comme le génie de la lampe, voire comme Méphistophélès dans Faust.
Il est sa conscience créative. Tout l’inverse de Michel : plus affirmé et plus agressif. Convaincu qu’on n’existe que dans l’exagération, reprenant la thèse de Günther Anders. Un sanguin pour qui la création passe par la destruction (cf Shining). Harry va donc logiquement liquider tous les problèmes potentiels qu’il rencontre sur sa route. Libérer la voie pour que Michel puisse de nouveau gambader dans les prairies de l’idée. C’est pourquoi Harry tue d’abord l’image du père dentiste qu’on croit au dessus de tout soupçon professionnel mais dont les plombages étaient bidons. Puis il pousse physiquement les parents à la faute, avant de faire une place au frère dans le coffre de sa voiture.
Harry est nettoyeur et aussi le pompier. Michel lui doit une fière chandelle puisqu’il se retrouve libéré de ses boulets proches. Il se permet de s’offrir une nouvelle voiture qui lui redonnera le sourire. On a toujours de bonnes excuses pour ne pas s’offrir ce qu’on veut et puis on finit toujours par s’en sortir de toute façon. En écoutant un peu plus son Ça, Michel retrouve le sourire.
Car c’est bien d’équilibre qu’il s’agit. Harry vient remettre un peu de piment dans une existence qui avait perdu tout son intérêt, sclérosée par la routine. Michel a recours à son Ça comme pour reprendre un peu de liberté à sa femme et ses filles, comme pour remettre un coup d’accélérateur dans sa vie.
Il doit trouver la ressource de se débarrasser d’Harry avant qu’il ne le consume entièrement. Car cohabiter avec Harry n’est pas possible sur le long terme. La preuve, Michel finit par insulter Prune avant de l’embrasser.
Je crois qu’on perd tous un peu les pédales là…
Permettons nous des écarts. Jouons à nous faire peur. Testons notre équilibre pour notre salut. Tout le monde a besoin de péter les plombs de temps en temps (cf Chute Libre). En particulier les créatifs. Un peu de jeu, un peu d’inattendu. Ouvrir les fenêtres pour laisser entrer le soleil. Retrouver le plaisir pour ne pas mourir victime d’un coup de poignard en pot d’ennui.
Au terme d’une aventure macabre et d’années de crise, Michel s’est transformé. Poussif, il a fini par reprendre la route. Il aura fallu une nuit blanche tâchée de sang. On laisse les soucis derrière nous, enterrés au fond du puisard. Pour apercevoir enfin une lumière au bout du tunnel. Il était bien temps que Michel se remette à écrire des poèmes. Terry Moïse n’aura pas eu la patience de l’attendre.
Donc ce que je viens de lire est bien l’explication du film par Dominique Moll ?
Non, ce que vous venez de lire est MON explication du film DE Dominique Moll.
Je viens de revoir Harry…. et j’ai fait exactement la même interprétation… Harry réalise tout ce que Michel aimerait faire mais s’en empêche car pour vivre en société ou en famille, il faut composer et faire des compromis.
Merci Yann. Quand Harry crie dans sa voiture, c’est la pensée de Michel.