THE WORDS
Brian Klugman, Lee Sternthal, 2012
LE COMMENTAIRE
Aujourd’hui nous ne savons plus faire l’effort d’écrire autrement qu’en langage SMS, truffé de fautes et sans ponctuation. Nous ne prenons plus la peine d’apprécier les mots (cf Dans la Maison). À peine trouvons-nous un peu de temps pour quelques podcasts, ou d’attention pour quelques vidéos. Pourtant les mots ont une valeur. Ce sont eux qui ont permis à Jean-Paul de devenir Sartre. Même si l’auteur n’a peut-être jamais réussi à se débarrasser de ses démons (cf Le Festin Nu).
LE PITCH
Un imposteur est hanté par son mensonge.
LE RÉSUMÉ
Le fameux Clayton Hammond (Dennis Quaid) présente son dernier roman.
Dans The Words, son personnage principal Rory Jansen (Bradley Cooper) est un apprenti écrivain en quête de reconnaissance mais qui essuie les refus. Vivant aux crochets de son père (J. K. Simmons), il s’obstine.
Another part of being a man, no matter how painful it might be, is accepting your own limitations.
La providence lui permet de découvrir un vieux manuscrit absolument remarquable. Bouleversé, il le recopie sans en changer une ligne.
Dora Jansen (Zoe Saldana) découvre l’histoire sur l’ordinateur de son mari. Bouleversée à son tour, elle l’encourage à présenter son travail à des maisons d’édition. Le succès ne tarde pas à se manifester. Enfin publié, Rory devient rapidement la coqueluche du New York intello.
Néanmoins, le jeune homme trouve que la gloire a un goût amer. En effet, son ego n’accepte pas l’idée qu’il puisse être un usurpateur. En réalité, ce livre l’a coincé.
Ivre, il se convainc que dire toute la vérité lui rendra sa liberté (cf Flight). Rory avoue tout à Dora qui se sent profondément blessée. Elle défend cependant son mari de remettre leur fortune en cause. Son éditeur fait de même. Plus possible de faire demi-tour. Cette fois, Rory se retrouve définitivement prisonnier volontaire de son plagiat.
Pire, il est retrouvé par l’auteur du manuscrit original (Jeremy Irons). Bizarrement, le vieil homme ne réclame pas d’argent (cf Un homme idéal). Il tient simplement à raconter son histoire – et partager son expérience. De comment il s’est inspiré de sa propre douleur pour écrire ces lignes. Finalement, le manuscrit s’est perdu et d’une certaine manière, cela l’a aidé à tourner la page. Il en profite pour faire la leçon à Rory : qu’il assume ses choix!
We all make our choices in life, the hard thing to do is live with them.
Ainsi se clôture la présentation du livre de Clayton Hammond.
Daniella (Olivia Wilde), une jeune étudiante, fait les yeux doux à Hammond. Tous les deux discutent du personnage de Rory, en coulisses. Le personnage de Rory semble évidemment autobiographique (cf Nocturnal Animals). Hammond questionne Daniella pour savoir ce qu’elle pense de l’histoire, comme une manière de mieux savoir où il en est lui-même.
Frappé par la lucidité de la jeune fille, Hammond se fige et la laisse partir. Puis il a un flash de Rory demandant pardon à Dora. Comme s’il n’était pas encore parvenu à se pardonner de son propre méfait.
Hammond se regarde dans la glace et essaie tant bien que mal de ne pas détourner le regard.
L’EXPLICATION
The Words, c’est un ego mal placé.
Le manque de confiance en soi pousser certains à trouver chez autrui, plutôt qu’en soi-même, une forme de validation de son existence. À travers des petits compliments, des attentions ou des sentiments. Ce trouble peut parfois conduire celles et ceux qui en souffrent à aller jusqu’à tordre leur propre identité de manière à trouver satisfaction. C’est à dire devoir devenir quelqu’un d’autre pour être reconnu en tant que tel. Paradoxal. Quand la fiction et la réalité se croisent.
At some point, you have to choose between life and fiction. The two are very close, but they never actually touch.
Autant dire que cette méthode fonctionne mal. Clayton Hammond en est la victime. L’histoire de Rory est la sienne : Un homme qui ne sait pas véritablement qui il est (cf Enemy).
I’m not who I thought I was, okay, I’m not. And I’m terrified that I never will be.
Rory écrit par passion mais tout cela prendrait beaucoup plus de sens pour peu qu’une maison d’édition accepte de le publier. Il existerait enfin. En attendant, il cherche la validation à travers son couple. Le scepticisme affiché par son père lui est extrêmement pénible. Au contraire, l’adoration de fans lui serait sans doute orgasmique.
Vulgaire employé, Rory n’a pas fait son deuil de sa carrière (cf Hollywoodland). Sa vanité ne le lâche pas (cf L’associé du Diable). Sans scrupule, il va voler le travail d’un autre. Ce qui va lui fournir ce qu’il cherche, mais pas comme il le cherche. Il obtient ce qu’il veut, illégalement. Rory pourrait s’en accommoder et vivre planqué, mais son ego l’en empêche. Dire la vérité sur son identité pourrait suffire mais il se trompe car il refuse précisément de renoncer à son ego, son confort matériel, sa fortune, ce nom qu’il s’est gagné en trichant. Donc il ne peut pas échapper ni à sa femme, ni à son éditeur.
La rencontre avec le vieil homme devrait être salutaire puisqu’elle enseigne à Rory que renoncer est possible. Le vieil homme a réussi. Lui qui rêvait d’être une star est désormais un fleuriste anonyme, et il ne s’en porte pas plus mal.
He should’ve been somebody everyone knows.
Yeah… but what happened?
Life.
Non seulement le vieil homme ne menace pas Rory, mais en plus il le console.
En acceptant que son manuscrit se soit perdu, puis en renonçant à poursuivre Rory, il a véritablement trouvé la liberté. La paix avec soi.
Living without being chased by the past.
Rory a fait un autre choix en s’emparant des mots d’un autre et il doit désormais en assumer les conséquences.
You choose the words, you choose the pain.
Néanmoins le vieil homme lui a montré la voie à suivre : se libérer de son ego.
Clayton Hammond aimerait s’en inspirer. Il a une première opportunité de le faire avec Daniella. Cette étudiante est une sirène (cf Knock Knock). Une groupie de plus, cherchant l’intérêt d’un auteur à succès tourmenté. Le vieil homme se sent flatté d’être désiré de la sorte par une si jolie jeune fille.
En réalité, il n’a pas envie d’elle, juste de son attention – comme une drogue.
Mettant son ego en veilleuse le temps d’une seconde, il parvient à ne pas la toucher. Jusqu’à la prochaine tentation.
simplement magnifique…
Le pouvoir des mots
Le message est bien là. C’est sûr que les choix que l’on fait détermine notre vie.
Une question me reste aussi : qu’est-ce qui est réel dans ce film ? L’auteur a-t-il tout inventé ? N’est-ce qu’un roman dans un roman ? Voilà aussi le pouvoir des mots et ce qu’un roman peut provoquer ? Nous faire croire que l’auteur est forcément dans le roman.
Vous n’avez pas citer Ben Barnes alors que ces passages dans le passé propulse le film dans la réalité et nous font croire à ce qui se passe. Il n’a pas été crédité comme il se doit et il le méritait largement.
Un grand merci pour cette magnifique explication.
Merci Gwen pour votre commentaire. Qu’avez-vous compris de The Words?