RAGING BULL
Martin Scorsese, 1980
LE COMMENTAIRE
Ne nous y trompons pas: la vie est un combat de coqs. Alors certes il existe la sécurité sociale et SOS amitié mais la réalité veut que nous sommes seuls sur le ring. Face à l’ennemi, il faut puncher encore et encore jusqu’à ce qu’il s’écroule. Il faut rendre coup pour coup, parce que la vie nous envoie parfois dans les cordes. Quand on finit sur les fesses, il faut se relever. Et quand on se prend un K.O., il faut remonter sur le ring. Parce que nous sommes condamnés à aller au carton, et à en redemander (cf Rocky).
LE PITCH
Un homme se bat comme un taureau sauvage sur le ring et en dehors du ring.
LE RÉSUMÉ
En 1941, Jake LaMotta (Robert de Niro) est envoyé au tapis pour la première fois de sa carrière par Jimmy Reeves. Son frère Joey (Joe Pesci) arrive néanmoins à lui trouver un match pour le titre de champion des poids moyens grâce à son contact mafieux Salvy Batts (Frank Vincent).
Jake fait la rencontre de Vickie (Cathy Moriarty) qui deviendra sa (seconde) femme en 1945. Entre temps Jake bat Sugar Ray Robinson puis perd son titre 3 semaines plus tard contre le même Sugar Ray Robinson sur une décision litigieuse des juges.
Jake est un jaloux maladif. Ainsi il défigure son adversaire Tony Janiro après que Vickie ait fait un commentaire sur lui. Puis il se retrouve embarqué dans une bagarre avec Salvy et Tommy Como (Nicholas Colasanto), encore une fois par jalousie. Manque de bol pour Jake, Como contrôle la commission et décide de qui devient champion du monde.
Pour reconquérir son titre, Como va forcer Jake à se coucher contre Billy Fox. Jake va s’en vouloir car il va se retrouvé piégé par cette même commission qui le suspend, prétextant un combat truqué.
Après une parenthèse marquée par l’ennui, Jake est de nouveau autorisé à boxer et récupère son titre face à Marcel Cerdan. Peu de temps après il se dispute violemment avec son frère qu’il soupçonne d’avoir une relation avec Vickie.
Did you fuck my wife?
Jake conserve son titre face à Laurent Dauthuille. Privé de Joey, sa carrière commence pourtant à piquer du nez sérieusement. Il perd son titre face à Sugar Ray Robinson en 1951 par KO technique. Puis il perd sa femme 5 ans plus tard sur divorce.
Reconverti dans le monde de la nuit et du « divertissement », La Motta finit en prison pour proxénétisme sur mineures.
De retour à New York en 1958, il fait la paix avec son frère puis remonte sur scène en 1964 où il fait salle comble.
I’m da boss.
L’EXPLICATION
Raging Bull, c’est une bête de scène.
Chaque homme doit à un moment se poser la question de savoir comment il veut mener sa vie. Il peut décider de la laisser se consumer à petit feu. C’est Joey, le conducteur prudent qui vit dans un pavillon de banlieue. Il a sa femme et ses enfants. Mari aimant et bon père de famille. Homme loyal et arrangeant. Fin stratège. Il négocie et trouve des solutions. Sans Joey, Jake ne serait sûrement pas là où il en est.
If you win, you win, if you lose, you still win.
Joey est humain puisque sa patience a des limites. Il finit toujours par pardonner. On peut compter sur lui car il est ancré dans le réel.
Il est tout l’inverse de Jake qui inversement a fait le choix de brûler sa vie par les deux bouts. Jake est un impulsif qui peut exploser d’une minute à l’autre, sans raison. Le taureau increvable.
Dans l’arène, il donne toujours des coups de corne jusqu’à la dernière minute. Il met un point d’honneur à ne pas mettre un genou à terre, par honneur et par obstination.
What are you trying to prove??
Si Joey reste dans l’ombre, Jake au contraire a besoin de l’espace de la scène et il cherche la lumière des projecteurs. Suspendu, il prend du poids. Enfermé derrière des barreaux, il devient fou et commence à taper contre les murs (cf Bronson).
Le problème de Jake c’est qu’il est une tornade qui finit par tout dévaster sur son passage: sa femme, son frère et sa carrière.
Les frères LaMotta représentent deux écoles de pensée : comment mener sa vie appartient donc à chacun. Le plus important étant de rester cohérent et réaliste, car nous ne sommes pas tous des Jake LaMotta.
Le monde moderne s’est effectivement transformé en scène de spectacle. La performance importe moins que le show qui l’entoure. Ce monde réclame et engendre toujours plus de Jakes.
I recall every fall / Every hook, every jab / The worst way a guy can get rid of his flab. / As you know, my life wasn’t drab. / Though I’d much, though I’d rather hear you cheer / When you delve, Though I’d rather hear you cheer / When I delve into Shakespeare / « A horse, a horse, my kingdom for a horse », I haven’t had a winner in six months. / And though I’m no Olivier / If he fought Sugar Ray / He would say / That the thing ain’t the ring, it’s the play. / So give me a stage / Where this bull here can rage / And though I could fight / I’d much rather recite / That’s entertainment!
En réunion, en soirée, il faut se montrer. Il faut non seulement réclamer mais aller chercher. Le succès des Grandes Gueules. On privilégie la confiance en soi absolue à la remise en question. Argumenter plutôt que questionner.
La fougue et l’ambition au détriment de la sagesse et de l’expérience comme d’une manière de marquer l’histoire. On se souvient de Jake LaMotta, pas de son frère. Tout ce qu’il reste de Joey, c’est une page Wikipédia assez pauvre. Alors que Jake LaMotta, membre de l’International Boxing Hall of Fame, a été rendu immortel par la performance de Robert de Niro et dans une moindre mesure par celle de José Garcia.
Nous vivons dans une dictature imposée par la société du taureau enragé de Wall Street. La petite fille qui lui fait face fait elle preuve de courage ou d’encore plus d’insouciance ?
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