L’EXERCICE DE L’ÉTAT

L’EXERCICE DE L’ÉTAT

Pierre Schoeller, 2011

LE COMMENTAIRE

Le pouvoir a des allures de crocodile menaçant. Malgré le danger qu’il inspire, il est quasi impossible de résister à son pouvoir d’attraction. Se rapprocher du danger pour sentir son coeur battre, avant qu’il ne nous engloutisse définitivement. Une autre manière de voir les choses serait de comparer le pouvoir à une muse. Elle choisit sa proie, s’approche d’elle puis la pénètre jusqu’à l’indigestion

LE PITCH

Dans un gouvernement chahuté, le Ministre des Transports essaie d’éviter la sortie de route.

LE RÉSUMÉ

Bertrand Saint-Jean (Olivier Gourmet) est réveillé de son cauchemar au milieu de la nuit par un appel téléphonique : un bus s’est renversé. Trop de morts. Le Ministre se rend immédiatement sur place accompagné de Pauline (Zabou Breitman), sa conseillère en communication (cf Quai d’Orsay).

Au petit matin, il se rend sur le plateau d’Europe 1 où il annonce qu’on ne touchera pas aux gares. Il est contre-dit en temps réel, sur RTL, par Peralta (François Vincentelli), le ministre du budget. Ambiance. Le gouvernement prépare effectivement une privatisation.

Saint-Jean a un cas de conscience. Il hésite à maintenir sa loyauté pour son Premier Ministre (Éric Naggar) sachant qu’il s’oppose à cette réforme. Le doute s’installe. Son équipe le sent. Y compris son chauffeur, un stagiaire de quarante ans (Sylvain Deblé) embauché dans le cadre d’un coup de communication visant à stimuler l’emploi.

La réforme souple devient plus dure. Saint-Jean doit l’imposer, ce qui suscite la colère de Falconetti (François Chattot) le Ministre de la Santé.

Tu m’as déçu parce que je croyais que t’avais des couilles. T’es comme les autres, tu te planques derrière le costard.

Gilles (Michel Blanc) son directeur de cabinet veut également retourner dans une préfecture.

Les choses s’accélèrent. Saint-Jean doit se rendre à Châlons en urgence. Il ordonne à Kuypers de prendre un tronçon d’autoroute en construction (cf À l’origine) qu’il doit inaugurer prochainement. C’est l’accident. Le Ministre s’en sort miraculeusement, pas son chauffeur.

À son enterrement, Saint-Jean se récite le discours qu’il avait prévu de faire et que la veuve a refusé. Il faut dire que Josepha (Anne Azoulay) a rencontré l’animal et qu’elle ne le porte pas dans son coeur.

Vous brassez du vent, vous avez rien, vous occupez l’espace.

Vous êtes en train de tout mélanger…

Pendant ce temps là, on crève la gueule ouverte!

Saint-Jean recommence à faire des cauchemars. Il étouffe. Puis soudainement les plaques bougent. C’est la synthonisation (cf Dark City). Saint-Jean est nommé à l’Emploi et la Solidarité. Il informe immédiatement son directeur de cabinet et se réjouit de pouvoir le garder auprès de lui.

On va faire de grandes choses!

Soulagé de ne pas être le Ministre impopulaire de la privatisation des gares, il sera le démineur (cf the Hurt Locker) des conflits sociaux.

Tu n’es pas là pour refaire le monde, tu es là pour reprendre les 5pts de sondage qu’on va perdre avec les gares.

Sans Gilles malheureusement. Le Président (Stéphan Wojtowicz) veut du sang neuf.

C’est reparti pour un tour.

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L’EXPLICATION

L’Exercice de l’État, ce n’est plus que de l’image.

Bertrand Saint-Jean est un homme politique qui n’est pas issu du sérail. D’après Gilles, il devrait signer la fin du règne des hauts fonctionnaires et des héritiers. L’homme du peuple, qui prend des cuites et va au contact des manifestants. Cependant, il lui manque encore un storytelling. Il n’est pas identifiable comme le lui fait remarquer Pauline :

T’es un objet politique non identifié, t’es flou. T’as pas d’histoire, t’as pas d’image.

Or, dans ce monde politique moderne, l’image compte beaucoup (cf RDC – Femme au sommet).

Dans la communication de crise, la réalité ne compte pas. Il n’y a que la perception qui vaille.

Alors Pauline travaille sur la posture de son patron. Si bien que Saint-Jean se retrouve à réciter le texte qu’on lui dicte à une oreille. Comme un pantin ambitieux.

‘Et nous serons des tigres affamés dans la nuit noire.’

Il prend ses décisions par calcul plus que par conviction (cf Les Promesses). Saint-Jean navigue parce que cela est nécessaire dans le jeu politique.

Soigner son image car la machine est quoi qu’il arrive plus forte que n’importe qui, même le Président. Nixon lui-même avait décrit la politique comme une bête sauvage. Un système qui fait cauchemarder, vomir, travailler 24h/24, 7 jours sur 7 (cf Quai d’Orsay).

Bien sûr. À la minute. Bonne nuit monsieur le préfet.

Les politiques mettent leur vie au service des autres sans en attendre rien en retour, si ce n’est le pouvoir qui se gagne officiellement par quelques votes, donc par l’appréciation des électeurs. C’est ainsi qu’on passer sa vie à faire des concessions sans jamais réussir à satisfaire tout le monde.

Ça vous est déjà arrivé de dire pardon ?

Je passe mon temps à ça.

Ravaler son ego à longueur de journée.

La politique est un meurtrissure permanente.

Se faire provoquer en permanence par des journalistes qui piquent comme des moustiques en réclamant sans cesse des réponses que personne ne peut apporter.

Vous n’avez pas de vision, vous ne savez pas ce qui faut faire ?

Prendre des sceaux de vomi alors qu’on est coupé de sa famille. Saint-Jean ne voit quasiment plus sa femme. Il apprend de la bouche de son chauffeur que sa fille est au Caire depuis deux jours. Il est seul.

4,000 contacts et pas un ami.

Si encore on se serrait les coudes entre politiques. Au contraire, les amitiés et la loyauté glissent entre les doigts. La pureté de l’âme se fait croquer par le cerveau reptilien. On se tire dans les pattes en permanence, parce que les destinées personnelles sont plus importantes que le sort de la nation.

On règle ça de dircab à dircab.

Se retrouver à faire le spermatozoïde, gesticulant frénétiquement, au milieu des autres.

On est plus de 50 à essayer d’exister sur une tête d’épingle.

Ne même plus essayer de faire du bon boulot. Cela ne sert à rien. Tenter de rester en vie, s’accrocher à son siège en attendant la relève comme une garnison romaine dans Astérix. Rester debout.

Il s’en fout parce que demain il sera ailleurs.

Pour cela, il ne faut pas faire trop de vagues. Si on prend des raccourcis, on finit dans le décor. Donc on reste sur sa trajectoire en prenant le sens du vent. Essayer de se positionner (cf Le Casse du Siècle). Le politique place ses mises comme au Casino en espérant que la petite boule s’arrête au bon endroit. Sans aucune garantie. Attendre patiemment, sur le trône, de se voir promu ou de se faire couper la tête (cf Marie-Antoinette). Car le couperet peut tomber d’un jour à l’autre.

La messe est dite.

Difficile de développer une vision à long terme dans ces conditions. Ne reste plus qu’à sourire.

Elle est bien ta photo…

Prétendre qu’on n’est pas comme les autres. Donner l’impression qu’on tient un cap. Essayer désespérément de conserver le peu de sympathie qu’on a auprès de certaines personnes. Regarder sa chute vertigineuse dans les sondages sans pouvoir l’enrayer. À bout de souffle.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

8 commentaires

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