THE WALK : RÊVER PLUS HAUT
Robert Zemeckis, 2015
LE COMMENTAIRE
Johnny Cash a chanté plusieurs fois l’importance de filer droit et de marcher la ligne (cf Walk the line) même si lui-même n’a pas toujours réussi à s’y tenir personnellement. Le funambule français Philippe Petit l’a fait – pour de vrai. Tendre des fils un peu partout pour marcher dessus. Toute la différence entre l’Amérique donneuse de leçons de Nixon et la France audacieuse du Président Giscard d’Estaing.
LE PITCH
Un homme fait le pari de marcher sur un fil entre les deux tours du World Trade Center.
LE RÉSUMÉ
Début des années 70, les tours jumelles du World Trade Center sont sur le point d’être achevées. Elles vont donner à un jeune funambule français l’idée de faire une traversée à la mesure de ses ambitions.
Philippe Petit (Joseph Gordon-Levitt) va se préparer tel un athlète sous la houlette de Papa Rudy (Ben Kingsley) et avec le soutien de sa petite amie Annie (Charlotte Le Bon). Son défi, aussi dangereux qu’illégal, réclame une organisation méticuleuse. Il va devoir constituer une équipe de bras cassés pour l’aider à tendre les cordes entre les deux tours et lui permettre de réaliser son exploit.
Le soleil se lève sur Manhattan. La nuit fut sans sommeil pour Petit et ses hommes trop occupés à tromper l’attention de la sécurité pour installer leur matériel. Tout est enfin prêt pour le spectacle. Philippe Petit s’élance dans le vide et accomplit une première traversée.
Ce n’est pas suffisant. Il tente un aller et retour puis se fend d’une révérence sur la corde, comme pour mieux saluer New York et les curieux qui ont les yeux suspendus à sa corde. Le public qui l’attend en haut de la tour Nord c’est la police. Philippe Petit ne perd pas son sang froid pour autant et fait à nouveau demi-tour. Pour réaliser que la police est également à l’autre bout de la corde.
Il va enchaîner les aller et retours, narguant les forces de l’ordre pour finalement se coucher sur son fil, à plus de 400m d’altitude, devant des policiers médusés.
Philippe Petit sait quand même s’arrêter avant le pas de trop. Mis à terre par des policiers soulagés de pouvoir enfin lui passer les menottes, il sera acclamé par une foule d’ouvriers en délire et attendu avec impatience par les journalistes. Le maire pénalisera le contrevenant de quelques heures de travaux général avant de récompenser l’artiste d’un accès gratuit pour le sommet des tours pour l’éternité – jusqu’à ce qu’elles s’écroulent.
L’EXPLICATION
The Walk : Rêver plus haut, c’est impossible n’est pas Français.
L’Amérique toute puissante aux nouvelles tours jumelles est avertie. Philippe Petit, bien avant les terroristes, avait déjà su se jouer de la sécurité. Rien n’arrêtera jamais la France!
La performance de Petit et de ses hommes a ainsi montré au monde la menace constante que représente l’hexagone sur l’échiquier politique. Petit pays aux idées garanties sans pétrole, nous sommes capables de rallier Paris à New York en trois heures ou de marcher de la tour Nord à la tour Sud sur un fil. Nous dérangeons.
En réalisant cette performance, Philippe Petit s’est hissé au Panthéon des légendes Françaises parmi lesquelles on retrouve Asterix, Arsène Lupin, Jean Moulin, Serge Gainsbourg ou encore Zinédine Zidane (cf les yeux dans les Bleus).
Car la France ne défie pas les conventions pour défier les conventions. La France s’intéresse à la symbolique. En y réfléchissant, il n’est pas complètement anodin que le générique du Tour de France sur France Télévision s’intitule pour la beauté du geste. Tout ce qu’on fait, on le fait avec une petite note esthétique – la French touch. Nous sommes des artistes. À la différence des terroristes, un simple fil nous suffit. Et nous mettons un point d’honneur à ne pas casser les jouets des autres, nous.
De Danton à Philippe Petit, la France est un pays de jusqu’au-boutistes. Les personnalités molles ne peuvent pas réussir chez nous.
Notre personnalité est fantasque. Elle doit être pleinement assumée pour s’épanouir. L’esprit des Lumières n’est pas complètement éteint. La France a gardé un objectif fixe dont elle ne démord pas et c’est ce qui lui permet d’accomplir des miracles, en suivant le fil de ses idées.
Philippe Petit est insupportable. Mais son illumination le rend sympathique et lui permet de réaliser des prouesses. Nous sommes un pays de barjots – il n’y a qu’à regarder nos handballeurs. Ne nous mentons pas plus longtemps l’ego est notre moteur.
Le Français se nourrit du challenge. Il a besoin d’être au pied du mur. Seul le vertige peut lui permettre de se transcender. C’est le vide qui lui permet de ne pas tomber. L’Espagne de Gasol n’était pas une montagne assez haute pour que les basketteurs aient envie de la gravir.
Gagner un eurobasket qu’on nous avait promis, qui plus est chez nous, aurait été trop facile. Pour gagner une coupe du monde de foot (cf Les Bleus 2018), il nous faut le Brésil en finale. Qu’on nous mette des bâtons dans les roues! Mettez nous plus d’impôts! Donnez nous les All-Blacks!
Le Français n’en fait qu’à sa tête. Un Anglais se serait contenté d’une traversée, pas un Français. For à parier qu’un Allemand n’aurait même pas songé à la traversée. Philippe Petit ne s’arrête plus. Il se couche sur le fil. Provoque. Funambule jusqu’au bout.
C’est dans les extrêmes que nous savons garder notre équilibre. Certains pensent qu’il s’agit d’un trompe la mort alors qu’on pourrait le qualifier de bon vivant. Cette marche est une philosophie, une manière de se sentir vivant.
‘Why?’ That is the question people ask me most. Pourquoi? Why? For what? Why do you walk on the wire, why do you tempt fate, why do you risk death. But, I don’t think of it this way. I never even say this word, death. La mort. Yes of okay, I said it once, or maybe three times, just now… But watch, I will not say it again. Instead, I use the opposite word. Life. For me, to walk on the wire, this is life. C’est la vie.
Le Français qui pose la question du pourquoi.
Les bonnes choses n’ont pas de fin. Jacques Mayol restera pour toujours dans les profondeurs (cf Le Grand Bleu), tout comme Philippe Petit aura toujours la tête dans les nuages (cf Free Solo).
L’éternité des tours jumelles n’aura duré que vingt sept ans. Par contre, une idée ne descend jamais de son manège (cf Inception). Peut-être inspirés par la performance du Français, les Américains se sont empressés d’ériger une nouvelle tour à la gloire du libre-échange. Pour éviter qu’un imbécile se balade sur un fil à nouveau, ils ont préféré ne pas construire une seconde.
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