AMERICAN BEAUTY
Sam Mendes, 1999
LE COMMENTAIRE
Les hommes sont de grands enfants, c’est bien connu (cf Benjamin Button). Plus ils vieillissent, et plus les fantasmes du passé refont surface. Au plus fort de leur crise de la quarantaine, les hommes ont l’impression de retrouver une seconde jeunesse. Ils se sentent de nouveau adolescents, avec toutes les bêtises que cela sous-entend.
LE PITCH
Un quadra décide de profiter du temps qui lui reste.
LE RÉSUMÉ
Lester Burnham (Kevin Spacey) est frappé par la crise de la quarantaine. Il en a marre de son quartier résidentiel, de sa femme Carolyn (Annette Bening) et de sa fille Jane (Thora Birch). Les Burnham se détestent.
I’m sensing a real distance growing between you and Jane.
« Growing? » She hates me.
She’s just willful.
She hates you too.
L’ancien Marine Frank Fitts (Chris Cooper), sa femme Barbara (Allison Janney) et leur fils Ricky (Wes Bentley) emménagent dans le quartier.
Un soir de match, Lester se prend une claque pendant le show des cheerleaders. Il scotche littéralement sur Angela Hayes (Mena Suvari), une amie de leur fille.
Pendant que Lester fantasme sur Angela nue dans une baignoire remplie de pétales de roses, Jane remarque que Ricky la filme de l’autre côté de la rue. Ce qui ne semble pas lui déplaire.
Frank laisse libre cours à son homophobie lorsqu’il découvre que ses autres voisins Jim Olmeyer (Scott Bakula) et Jim Berkley (Sam Robards) sont en couple.
How come those faggots always have to rub it in our face?
Lester n’en peut plus. Il déborde. Il commence à se rebeller.
Don’t interrupt me honey.
Il se remet au sport, fume, plaque son boulot et décroche un petit job dans un fast food où il découvrira que sa femme se tape son patron Buddy Kane (Peter Gallagher), alias Le King.
Frank espionne Lester qu’il soupçonne d’être homosexuel lui-aussi vu qu’il court avec deux homos et qu’il soulève de la fonte torse nu dans son garage… Aucun doute possible. Il surprend son fils chez son voisin et en profite pour lui mettre une bonne branlée. Il n’en fallait pas plus pour que Ricky ne quitte le domicile familial et fugue avec Jane, dégoutée que sa copine Angela flirt avec son père. Frank désorienté retrouve Lester dans son garage et l’embrasse. Lester, gêné, le repousse.
You got the wrong idea!
Libéré de sa femme et sa fille, Lester profite d’avoir la maison pour lui pour enfin passer à l’action avec Angela. Celle-ci lui révèle qu’elle est encore vierge. Lester réalise qu’elle n’est qu’une enfant. Il lui fait une crêpe et tous les deux discutent de la vie. Angela part aux toilettes. Lester contemple une vieille photo de lui et Carolyn alors que Jane n’était qu’une petite fille. C’est alors que Frank lui tire une balle en pleine tête. Lester repense à sa fille et à sa femme, sa tête dans une mare de sang, le sourire aux lèvres.
I guess I could be pretty pissed off about what happened to me… but it’s hard to stay mad, when there’s so much beauty in the world.
L’EXPLICATION
American Beauty, c’est ne pas faire de vagues.
Dans cette banlieue dortoir, on ne fait qu’essayer de sauver les apparences. Tout le monde joue à faire semblant (cf Truman Show), comme d’habitude, pour mieux masquer son désarroi. Le sourire de Carolyn sonne faux. Ses compliments sur la couleur de la cravate de son voisin aussi.
Comme dirait le King :
In order to be successful, one must project an image of success at all times.
Carolyn n’a de cesse de répéter qu’elle refuse de vivre comme une victime, elle est pourtant passée maître dans l’art de baratiner. Jane s’est murée dans sa mauvaise humeur d’adolescente. Lester, lui, était devenu transparent. Les Burnham sont des caméléons invisibles dans ce système.
Mais c’est fini désormais. Lester n’arrive plus à donner le change. Il ne veut pas mourir avant l’heure. Plus de temps à perdre. La fraicheur d’Angela lui donne une piqûre d’adrenaline.
I feel like I’ve been in a coma for the past twenty years. And I’m just now waking up.
Son retour à la vie coïncide avec un lâché prise. Son détachement face aux conventions lui permet de ne plus se faire marcher sur les pieds. Remettant les autres à leur place, tel un Simon Polaris (cf Kennedy et Moi). Il dit ce qu’il pense comme s’il n’avait plus rien à perdre.
Man! You’re one twisted fuck…
Nope. I’m just an ordinary guy, with nothing to lose.
Il n’est plus tout à fait ordinaire. Débranché lui-même de la matrice. Cela lui procure un sentiment d’euphorie. Une crise de la cinquantaine salvatrice.
It’s a great thing when you realize you still have the ability to surprise yourself.
Il assume de vouloir se taper la copine de sa fille contrairement à sa femme qui n’assume pas d’avoir fait le choix de la superficialité ou Frank qui refoule son homosexualité. C’est en allant presqu’au bout de ses fantasmes que Lester peut mieux apprécier la vie qu’il a construite.
Faire l’amour avec Angela serait une erreur. Il le sait. À vrai dire, il n’en a même pas vraiment envie. Ce qu’il voulait à travers Angela, c’était retrouver l’envie d’avoir envie. C’est tout.
Du haut de son nuage où il flotte désormais sur les événements, Lester n’éprouve aucune amertume envers sa fille en crise ou sa femme à la dérive. Il fait la paix avec ses démons et ses envies. Heureux. Et pour cela, il se fait punir d’une balle dans la tête, sans regret.
Au moins il aura profité un peu. Il évite ainsi de justesse la malédiction de Thoreau : pour découvrir, au soir de la vieillesse, que je n’avais pas vécu. (cf Cercle des Poètes Disparus).
Il est puni malgré tout car il ne fait pas bon être heureux aujourd’hui. Le bonheur, le vrai, marginalise. Mieux vaut vivre confortablement dans le malheur et le nier.
Never underestimate the power of denial.
Rien de nouveau sous le soleil finalement.
Anything new in the world, Dad?
This country is going straight to hell!
Soyons désinvoltes, comme disait le poète maudit. N’ayons l’air de rien.
Continuons de nous plaindre.
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