CITIZEN KANE

CITIZEN KANE

Orson Welles, 1941

LE COMMENTAIRE

De tout temps, les ‘faibles’ ont été en recherche d’un chef fort et charismatique, capable de monter à la tribune pour haranguer la foule. Quelqu’un avec suffisamment de confiance en lui pour convaincre les autres d’aller au casse-pipe. Un peu plus mégalomane que les autres.

LE PITCH

Un magnat de la presse meurt dans un soupir.

LE RÉSUMÉ

Charles Foster Kane (Orson Welles) s’éteint dans son manoir de Xanadu. Avant de disparaître, il prononce le mot Rosebud en laissant échapper un globe de neige. Cette parole ressemble à du pain béni pour la presse puisque le monde entier s’interroge. Les rumeurs vont bon train. Le journaliste Jerry Thompson (William Alland) essaie de percer cette énigme.

Mr. Kane was a man who got everything he wanted and then lost it. Maybe Rosebud was something he couldn’t get, or something he lost. Anyway, it wouldn’t have explained anything. I don’t think any word can explain a man’s life. No, I guess Rosebud is just a piece in a jigsaw puzzle. A missing piece.

Susan Alexander (Dorothy Comingore) qui fut d’abord sa maitresse puis sa seconde épouse s’est noyée dans l’alcool. Elle refuse de répondre.

Dans les archives du banquier Walter Parks Thatcher (George Coulouris), Thompson remonte jusqu’à l’enfance pauvre de Kane dans le Colorado jusqu’à ce que l’on trouve une mine d’or sur la propriété de ses parents. Un jour d’hiver alors qu’il joue dehors avec sa luge, sa mère prend la décision de l’envoyer en pension chez Thatcher. À l’âge de 25 ans, Kane met la main sur une immense fortune ainsi que sur le New York Inquirer, un journal d’investigation à scandales.

Son ami Mr. Bernstein (Everett Sloane) explique que c’est grâce à l’Inquirer que Kane a pu manipuler l’opinion et épouser Emily Norton (Ruth Warrick), la nièce du Président des États-Unis, dans le but de siéger un jour à la Maison Blanche.

He happens to be the president, Charles, not you.

That’s a mistake that will be corrected one of these days.

Son ancien meilleur ami Jedediah Leland (Joseph Cotten) avec lequel Kane a fini par se brouiller raconte comment son mariage et sa carrière politique ont explosé en vol à cause de sa relation avec Susan Alexander. Son opposant de l’époque, Jim Gettys (Ray Collins) avait révélé l’histoire qui avait fait les gros titres. Kane avait alors divorcé, abandonné ses ambitions pour épouser Susan Alexander et la forcer à une carrière de chanteuse – pour laquelle elle n’avait absolument aucun talent.

Susan Alexander accepte enfin de parler et révèle comment Kane l’a isolée dans son chateau de Xanadu. Il lui a finalement rendu sa liberté après une tentative de suicide. À son départ, Kane est rentré dans une rage folle puis s’est calmé à la vue du globe de neige qui lui a évoqué Rosebud.

Kane est mort seul. Son énigme reste intacte.

Ses affaires sont inventoriées. Son staff jette certaines de ses affaires au feu, dont sa luge de marque Rosebud.

Rosebud

L’EXPLICATION

Citizen Kane, c’est une personne finalement comme les autres.

Ce qui est banal ne nous intéresse pas car nos vies sont déjà suffisamment triviales pour qu’on en rajoute. C’est pourquoi nous cherchons l’exceptionnel, les titres tapageurs, les punchlines. Nous voulons la vie moins ordinaire des Innocents. On essaie de trouver un peu de beauté dans les détails (cf Smoke).

Transformant nos morts en légendes (cf Johnny), construisons des mythes (cf Treasures from the wreck of the Unbelievable). Que Jésus change l’eau plate en eau pétillante n’aurait pas été suffisant, il fallut qu’il change l’eau en vin!

Nous sur-dramatisons ce qui deviendra avec le temps hors du commun. Le drame est notre oxygène. Nous en avons besoin. C’est sur ce modèle qu’une certaine presse fonctionne encore, en créant du drame artificiellement et abondamment. La presse de Charles Foster Kane.

De par sa fortune, Kane est une personnalité à part. Il aime se mettre sur le devant de la scène. Voilà pourquoi il intéresse tout le monde. Le mystère qui entoure sa mort permet à chacun d’assouvir sa part de curiosité malsaine. Kane fait déjà parler de son vivant et encore plus après sa mort.

You can’t buy a bag of peanuts in this town without someone writing a song about you.

C’est ainsi qu’on demande littéralement à Thompson de créer un mythe autour de Kane.

It isn’t enough to tell us what a man did. You’ve got to tell us who he was.

Ce sont les gens qui ont connu Kane qui parlent de lui (cf Lawrence d’Arabie). C’est à dire qu’on n’offre même pas au défunt la politesse de lui laisser écrire sa propre épitaphe lui-même. On comprend aussi pourquoi les personnalités prennent soin d’écrire leur autobiographie avant de passer l’arme à gauche. Il faut pouvoir garder la main sur sa propre histoire, comme le souhaitait d’ailleurs Kane.

There’s only one person in the world who’s going to decide what I’m going to do and that’s me…

Thompson essaie de reconstituer le puzzle sans se soucier de l’impartialité. Peu importe la vérité, elle ne fait pas vendre. Morpheus le redac chef le dit bien à son reporter Neo : la vérité n’envoie pas du rêve (cf Matrix)! Alors on se fait des films. On fait de Kane quelqu’un qui cherchait sans cesse à se prouver des choses.

He was always trying to prove something.

On en a fait le mal aimé de Claude François, avide de compliments. Vivant dans une tour d’ivoire.

Kane l’égoïste avait ainsi besoin de recevoir comme pour mieux masquer son incapacité à donner.

That’s all he ever wanted out of life was love, that’s the tragedy of Charles Foster Kane. You see, he just didn’t have any to give.

On en a conclu que c’était la raison pour laquelle il s’était engagé en politique.

That’s why he went into politics. He wanted all the voters to love him too.

On l’a accusé d’être un manipulateur alors que Kane, de ses propres mots, essayait juste de faire de son mieux pour faire tourner la boutique (cf The Hudsucker Proxy). Ce qui était déjà pas mal.

I don’t know how to run a newspaper, Mr. Thatcher, I just try everything I can think of.

Il faut polariser pour attirer l’attention et faire vendre. Cependant, Thompson n’arrive pas totalement à faire de Kane un monstre ou un martyr. C’est parce que la réalité semble être un peu différente. Le coeur d’un homme est plus rocailleux qu’un sol acide (cf Pet Sematary). La personnalité de Kane était plus complexe et simple à la fois.

De ses propres mots, il n’a jamais vraiment apprécié le goût de l’argent.

I always gagged on the silver spoon.

Peut-être a-t-il dit Rosebud à la vue de ce globe de neige car il lui a rappelé son enfance, une période de sa vie qui lui semblait plus simple à laquelle il repense avec nostalgie ?

Nul doute qu’il aurait préféré continuer à faire de la luge dans le Colorado plutôt que de partir avec M. Thatcher pour devenir quelqu’un d’important. Cela parait un peu hypocrite. Pourtant il l’a dit de ses propres mots.

If I hadn’t been very rich, I might have been a really great man.

C’était quelqu’un qui, de ses propres mots, se sentait seul.

I know too many people, I guess we’re both lonely.

Qui était vraiment Kane ? On en parle pour en parler. Si on n’en parlait pas on n’aurait rien à dire.

Qui était vraiment Kane ? Il n’y a que les gens qui l’ont fréquenté qui peuvent en parler et ils ont tous une opinion différente sur le bonhomme. Alors personne ne le saura jamais vraiment.

Qui était vraiment Kane ? Peut-être qu’un citoyen lambda qui a pris des rides avec les années, a divorcé deux fois, qui avait un peu d’ambition et qui s’est planté lamentablement (cf Hollywoodland). Comme beaucoup de gens. Kane n’était peut-être qu’un citoyen normal, donc finalement pas si exceptionnel.

Lui il s’en moque, il est mort – comme les autres (cf La vie et rien d’autre).

Par contre, pour ceux qui restent, c’est impensable.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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