UN HOMME PARMI LES LOUPS
Carroll Ballard, 1983
LE COMMENTAIRE
Avant que l’aventure ne soit mémorable (cf L’Auberge Espagnole), elle est d’abord pénible. Le voyageur doit nécessairement vivre ce moment au cours duquel il regarde le trajet accompli, ses bagages éparpillés et le vide absolu devant lui. La température refroidit son ardeur. L’angoisse s’empare de son esprit. La solitude lui saute à la gorge. Il n’a plus rien d’autre à faire que d’essayer de dépasser ce moment afin que l’histoire devienne belle. En réalité il n’a pas le choix. S’il ne dépasse pas ce moment, son histoire ne sera tout simplement pas.
LE PITCH
Un biologiste quitte le monde civilisé pour aller à la rencontre du monde sauvage.
LE RÉSUMÉ
Tyler (Charles Martin Smith) voulait découvrir le grand Nord Canadien plus que tout. Le gouvernement va exaucer son souhait en l’envoyant vérifier pourquoi les caribous sont décimés. Sans doute la faute des loups. Il va en avoir le coeur net – et vivre son rêve.
I just jumped at the opportunity to go. Without even thinking about it, really. Because it opened the way to an old – and very naïve – childhood fantasy of mine: to go off into the wilderness, and test myself against all the dangerous things lurking there. (…) Then I finally reached the end of the line: Nootsak. The sheer bulk of the supplies the Department sent along set me back. Because I had to get not only myself, but all this stuff, another 300 miles into the wilderness.
« Rosie » Little (Brian Dennehy) le dépose en avion puis l’abandonne au milieu de nulle part. C’est un Inuit du nom de Ootek (Zachary Ittimangnaq) qui va lui trouver un refuge.
Les premiers jours sont durs. Tyler doit occuper son temps la journée tandis qu’il fait des cauchemars pendant la nuit. Les loups ne l’attaquent pas comme on le lui avait promis.
They’ll come after you, son.
Deux d’entre eux, que Tyler baptise George et Angeline se montrent curieux (cf Danse avec les Loups). Tyler les observe et les mimique. Il va même jusqu’à se nourrir uniquement de souris comme le font les loups.
Mike (Samson Jorah), un chasseur Inuit parlant anglais, vient tenir compagnie à Tyler. Tous les deux sympathises. Tyler montre à Mike comment imiter le cri des loups à l’aide d’un basson. Mike raconte à Tyler comment son sourire édenté fait malheureusement fuir toutes les filles qu’il essaie de séduire.
À l’approche de l’automne et de la migration des caribous, Tyler peut enfin examiner si la théorie du gouvernement est valide. Il constate que les loups ne s’en prennent qu’aux caribous les plus faibles. Les caribous meurent de maladie.
Quelques temps plus tard, Tyler remarque l’absence de George et Angeline. Leurs louveteaux se cachent apeurés. Le biologiste soupçonne d’abord Rosie d’être derrière ce massacre. Puis il comprend que Mike est le coupable puisqu’il arbore désormais un appareil dentaire flambant neuf.
Il est temps de plier bagages. Tyler dit au revoir à la meute de loups. Il se dit que sans sa présence, les chasseurs n’auraient peut-être pas trouvé George et Angeline. Il s’en retourne vers la civilisation accompagné de Ootek, impatient malgré tout de partager son expérience. Respectant l’intimité de ses amis d’un jour les loups.
I believe the wolves went off to a wild and distant place somewhere, although I don’t really know… because I turned away, and didn’t watch them go.
L’EXPLICATION
Un homme parmi les loups, c’est redéfinir ce qu’est l’ennui.
Tyler a besoin d’action et en guise d’aventure il va trouver le néant (cf Le Désert des Tartares). Il va paradoxalement à la rencontre de ce que tout le monde fuit.
Take the stick… Aaaaaaah!
What’s wrong?
Boredom, Tyler, Boredom – that’s what’s wrong. And how do you beat boredom, Tyler?… Adventure, Adventure, Tyler.
Car à Nootsak, il n’y a absolument rien d’autre que le silence.
In the end there were no simple answers. No heroes or vilains; only silence.
Dans ce Paradis Blanc cher à Michel Berger, la plupart d’entre ne tiendrait pas deux jours. Surtout pas sans Internet ni sans chips. C’est le cas de Rosie:
I’ll let you in on a little secret, Tyler: the gold’s not in the ground. The gold’s not anywhere up here.
Et pourtant, en se coupant de la société, Tyler va se reconnecter avec le monde, le vrai. Celui qui vaut la peine d’être vécu au delà de nos petites carrières éphémères. Nous sommes augmentés, nous sommes promus. Quand nous n’avons pas fait de burn out avant (cf Chute libre).
Pendant ce temps, le soleil continue de se lever et de se coucher tous les jours. Ce qui nous rappelle que nous ne sommes pas grand chose à l’échelle du monde ou à l’échelle du temps.
I think over again my small adventures, my fears.
Those small ones that seemed so big.
For all the vital things I had to get and to reach.
And yet there is only one great thing, the only thing:
To live to see the great day that dawns
and the light that fills the world.
L’ennui d’être seul parmi les loups, une fois qu’on l’a accepté, vaut finalement presque mieux que de passer un week-end entier à subir les vulgarités de Rosie. Ou de se faire trahir par Mike dont le pragmatisme l’empêche de tenir ses promesses.
To me a wolf means money. It’s a way of making a living. One wolf pelt is about $350 dollars. And I’ve got to feed my family; my children. Buy a snowmobile; food, rifle, bullets whatever.
You wouldn’t ah, you wouldn’t kill these wolves?
These ones, no. No, I don’t think so. Besides you would get mad if I killed one of them, and your gun is bigger than mine.
Yeah.
I’d like to though.
Reconnaissant d’avoir vécu une expérience unique (cf Into the Wild), Tyler va devoir désormais repartir dans l’ennui de sa petite routine.
Un peu comme Owen laisse les Raptors s’en aller en paix (cf Jurassic World), Tyler ne se retourne pas. Il referme le rideau comme pour mieux préserver ce trésor dont personne n’évalue vraiment la richesse.
Tant mieux. Que plus personne ne vienne plus déranger les loups.
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