JACKY AU ROYAUME DES FILLES
Riad Sattouf, 2014
LE COMMENTAIRE
On se plaint de ce monde parce qu’il ne serait pas assez paritaire. Les hommes ont l’avantage. Et si l’on inversait les rôles (cf Je ne suis pas un homme facile) ? Si les femmes pouvaient choisir ? Sans doute certaines chercheraient à se venger en contraignant les hommes à porter le voile, à baisser les yeux ou en les attachant à des chaînes (cf Calmos). Si les femmes avaient le pouvoir, les hommes vivraient comme en Iran. On comprend mieux pourquoi certains s’accrochent à leurs principes misogynes.
LE PITCH
Les gueux se préparent pour le bal dans le but de décrocher le pompon.
LE RÉSUMÉ
Le jeune et beau Jacky (Vincent Lacoste) n’a d’yeux que pour la Colonelle Bubunne XVII (Charlotte Gainsbourg) devant le portrait de laquelle il aime à se masturber. Il vit avec sa mère (Laure Marsac) dans le village de Museau. Toutes les filles veulent le marier notamment Corune (India Hair) la fille de l’épicière, ainsi que la Chérife (Valérie Bonneton).
À sa grande surprise, la Générale (Anémone) annonce la Grande Bubunerie, un bal lors duquel la Colonelle va pouvoir choisir son couillon.
Malheureusement les places sont chères. 40.000 bubes l’unité et ses cousins Vergio (William Lebghil) et Juto (Anthony Sonigo) sont déjà sur le coup.
Jacky a besoin du trésor que l’ami de son père, Julin (Michel Hazanavicius), garde pour lui dans l’optique de fuir à l’étranger. Jacky le dénonce à la Chérife qui lui offre un ticket pour la Grande Bubunerie.
À la mort de sa mère, Jacky part habiter chez sa tante (Noémie Lvovsky) et son marion, le vilain Brunu (Didier Bourdon) qui veulent l’empêcher d’aller à la réception. Jacky est abusé par Corune puis par la Chérife. Julin s’est évadé de prison et lui vient en aide.
Ce dernier avait fondé les Hommistes, un mouvement pour la libération des hommes, en compagnie du père de Jacky. Il est à l’origine des messages de révolte clandestine :
Hommes, soulevons nous. Ne laissons pas les salopures bubunes dicter nos vies!
Habillés en femmes, ils prennent la direction de la capitale avant de passer la frontière à dos de chevalin.
Jacky se retrouve au milieu du bal par hasard, déguisé en femme. Il y croise la Colonelle qui a le coup de foudre.
Malheureusement, sa mère a déjà choisi son marion, ce sera l’acteur bien connu Mit Kronk (Riad Sattouf). La Colonelle n’en veut pas. Elle aime les femmes, en l’occurrence Jacky qui se fait passer pour Jacqueline.
Jacky est dénoncé devant tout le monde par Brunu.
C’est un homme! Il a un couillard.
Il est jeté au cachot en attendant la penderie. Devant la révolte populaire emmenée par Julin, la Générale décide de laisser la vie sauve à Jacky et d’autoriser l’union avec sa fille.
Je suis l’élu, je suis le grand couillon!
Jacky et Bubunne XVII ont de grands projets pour l’avenir. Ils sont persuadés que leur amour nouveau peut changer le monde. Jacky développe la culture des plantins pour remplacer la bouillie. Les chevalins sacrés sont utilisés comme chevaux de labours.
Lors du mariage, le couple s’adresse à la foule en se mettant à nu. Surprise, la nouvelle Générale est en fait… un homme.
Peu importe. Jacky délivre un vibrant message d’espoir.
L’amour, c’est l’amour. Même sans couillard!
Le peuple incrédule crie aussitôt à la blasphémie.
L’EXPLICATION
Jacky au pays des Filles, c’est ce que le peuple n’est pas encore capable d’accepter.
Un couple n’a pas forcément besoin d’être parfait pour fonctionner, à partir du moment où il est équilibré par des forces complémentaires (cf Phantom Thread). Si l’un des membres du couple s’écrase, alors l’autre en profite naturellement pour imposer sa dictature. C’est le déséquilibre totalitaire.
Ce constat est vrai pour le couple homme-femme. Il est également vrai pour le couple gouverné-gouvernant. Dans la République Populaire et Démocratique de Bubunne, les hommes sont soumis au commandement féminin.
Mariez vous. Mangez la bouillie. Et priez les chevalins pour purifier vos coeurs.
Pas un mot plus haut que l’autre. La tête basse. Ils attendent la femme à la maison, où ils font le ménage et la cuisine. Bons qu’à touiller la bouillie qui n’est rien d’autre que leurs excrements retraités, mélangés à une pâte vitaminée.
Le peuple qui produit sa propre nourriture, c’est écologique…
Et oui, les gueux mangent leur merdin et trouvent ça délicieux.
Vergio et Juto vont au bal avec le fantasme de se marier avec la Colonelle. C’est ce qu’on leur fait miroiter.
Toute cette agitation festive c’est du folklore.
En réalité, ils vivent tous résignés dans la matrice (cf Matrix), trop heureux de manger la soupe qu’on leur sert (cf Treasures from the wreck of the Unbelievable).
Tous sauf Jacky qui est un esprit libre. Le seul qui croit en lui et qui a l’ambition d’aller au bout de ses rêves, où la raison s’achève.
Je suis mon propre commandant.
C’est cet esprit de fraicheur qui séduit la Colonelle.
Vous aussi vous êtes à la recherche d’un marion.
Non moi je suis une femme libre!
La Colonelle est une personne perdue dans son identité. Elle a grandi sous la main de fer de la Générale, comme une femme qui croit aimer les femmes alors qu’elle est en fait un homme aimant les hommes qui se travestissent (cf Les garçons et Guillaume). Il faut suivre.
Je sais plus ce que j’aime, je sais plus qui je suis. J’ai tellement fait semblant.
Leur couple prouve que tout est possible. Jacky est un héros. Avec lui, on mange des légumes plutôt qu’une bouille à la merde. On accorde la clémence à ceux qui ont voulu votre perte. On peut vivre nu·e sur la plage à s’écrire des histoires. Être heureux.
Tout est possible… ou presque.
Le peuple n’est pas encore tout à fait prêt à tout. Il peut suivre Julin le révolutionnaire quand il se bat contre le prix de la Grande Bubunerie ou la bouillie au merdin. Il se réjouit de voir Jacky, un homme du peuple, accéder au rang de Grand Couillon. Par contre le peuple n’est pas encore prêt à se faire gouverner par un couple gay. C’est un peu tôt, comme cela peut l’être pour le Pape François.
Le peuple peut avaler beaucoup de couleuvres sans broncher. On doit lui faire confiance car il peut faire preuve de génie, parfois (cf Le Poulpe).
Mais le peuple a ses limites, aussi.
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