PIRANHAS
Claudio Giovannesi, 2019
LE COMMENTAIRE
Le nouvel ordre renverse l’ancien. Les jeunes veulent toujours prendre la place. C’est normal. En pleine croissance, ils ont besoin d’espace quand les éléphants commencent à songer à trouver un cimetière où mourir, dans le sud de la France. Que les jeunes prennent la relève et s’amusent à s’entretuer, comme d’autres l’ont fait trop longtemps avant eux. Espérons simplement que cette génération mettent moins de temps que la précédente à se lasser de ce jeu d’échecs stérile.
LE PITCH
Des adolescents prennent le contrôle d’un quartier de Naples.
LE RÉSUMÉ
Nicola (Francesco Di Napoli) et ses potes de Rione Sanità voient bien comment les choses fonctionnent. Les gros bras rackettent le commerce de la mère de Nicola (Valentina Vannino). Quand les garçons veulent rentrer en boîte nuit pour suivre Letizia (Viviana Aprea) et sa copine, ils n’ont pas le répondant. Face aux puissants, il va falloir trouver des solutions.
Nicola se rapproche alors d’Agostino Striano (Pasquale Marotta), le fils d’un mafieux respecté qui fut renversé par un autre clan. Nicola dévalise une bijouterie. À peine un quart d’heure plus tard, il est rattrapé par la mafia et doit rendre le butin au bijoutier. Son ambition ne passe cependant pas inaperçue.
Nicola, Biscottino (Alfredo Turitto), Lollipop (Ciro Pellecchia), Tyson (Artem Tkachuk) et les autres travaillent désormais pour le parrain local, jusqu’à ce qu’il se fasse embarquer par la Polizia.
Nicola retourne voir Agostino. Son idée : demander des armes à Don Vittorio (Renato Carpentieri) pour faire le ménage et prendre le pouvoir. Après avoir pris leurs marques, Nicola peut flamber dans les magasins et en boîte, où il séduit Letizia.
Le nouveau boss doit se faire craindre, mais aussi se faire apprécier. Nicola ne fait plus payer de taxe aux commerçants. Il achète des meubles à sa mère, des maillots de foot pour l’équipe de foot de son frère. Tout semble rouler sur du velours lorsqu’un gang rival commence à grignoter du terrain, contraignant Nicola à se séparer de Letizia. Le frère d’Agostino rétablit la taxe sur les commerçants, ce qui décrédibilise Nicola aux yeux des locaux.
Je pensais que t’étais un gars sérieux. On continue tous à payer. Rien n’a changé.
Face à l’impossibilité de faire bouger les choses, Nicola décide de retrouver Letizia et de l’emmener dans les Pouilles sur un coup de tête. Le couple doit changer de plan à la dernière seconde pour éviter un règlement de compte. Ils se cachent à l’hôtel. Dans la nuit, le petit frère de Nicola découvrent les armes des grands. Lui et ses copains décident d’aller dans le quartier défendu pour tirer quelques balles. Le gang adverse l’abat.
Le lendemain, Nicola sollicite l’aide de tout le monde pour mener une expédition punitive.
L’EXPLICATION
Piranhas, c’est finir par se dévorer les uns les autres.
Les piranhas sont des petits poissons, souvent carnivores, qui se déplacent en banc pour mieux dévorer des poissons plus gros. Un peu à l’image de Nicola et ses amis qui, pris séparément, sont relativement insignifiants – voire fragiles. Don Vittorio ne prend pas Nicola au sérieux.
Tu joues au Monopoly ??
Par contre, en groupe ils deviennent redoutables (cf Les Misérables). Ils se soutiennent, parvenant à chasser des malfrats redoutables et plus âgés. Nicola se sent pousser des ailes. Il faut braquer une bijouterie, évidemment! L’émulation du groupe lui procure l’adrénaline nécessaire. Il a l’âme d’un chef : celui qui ne reste pas devant sa TV à jouer à la console de jeux vidéo.
Le chef est celui qui prend les armes et monte en première ligne, comme le fait Michael pour tuer Sollozo (cf Le Parrain). Montrer l’exemple. C’est ainsi qu’on gagne l’adhésion du clan. Nicola donne les orientations stratégiques. Les autres suivent. On n’en est pas encore au stade du crime organisé (cf Romanzo Criminale) car ces bonhommes n’ont que quinze ans. Ne l’oublions pas.
Les décisions sont prises sans réfléchir. Sur un moment de panique, Biscottino tue un client agressif à la sortie d’une boite de nuit. Les garçons se sont octroyés les commandes de l’avion mais leur pilotage n’est pas encore très assuré. Et c’est bien normal.
Il s’agit de Naples et de son environnement turbulent (cf Gomorra). L’anarchie napolitaine. Le désordre. Tandis qu’à New York, les familles construisent des organigrammes précis. À Naples, le mafioso s’apparente davantage à un surfer qui doit dompter la vague.
Atteindre l’étage de la boite de nuit n’est finalement pas le plus dur.
Faut qu’ils nous entendent. On est les plus forts!
Le plus dur, c’est de rester au sommet car tout le monde veut la place.
Pêché d’orgueil. Manque d’expérience. Excès d’insouciance. Ces jeunes ont hérité d’un pouvoir qui les dépasse. Nicola se dispute encore avec son petit frère au petit déjeuner car il lui a piqué ses biscuits. Voilà la réalité.
L’autre réalité c’est que le monde qu’ils ont choisi par défaut est dur. On ne négocie pas.
On ne peut pas s’arranger ?
Non on ne peut pas s’arranger.
La mafia est un jeu de chaises musicales où l’on doit constamment surveiller ses arrières. Et Nicola n’est pas encore tout à fait prêt à vivre dans cette paranoïa. Quand il se rend compte qu’il a mis le doigt dans un engrenage dont il est prisonnier, il essaie de faire machine arrière en retournant dans sa vie d’adolescent avec Letizia, sur la plage, à écouter du Tony Colombo et se rouler des pelles jusqu’à plus soif.
C’est trop tard. S’il échappe au contrat sur sa tête, l’influence néfaste qu’il exerce sur son petit frère (cf American History X) le rattrape. Le crime est en lui.
Cette ambition débordante finit par monter à la tête de tout le monde. À la mort de son frère, Nicola se résigne et lâche totalement prise. Au summum, on prend des risques au dessus des lois, on mise tout. Au maximum. Jusqu’au bout. Il rentre dans son rôle de capo. À ce jeu là, l’espérance de vie est réduite. Il l’accepte. C’est la règle.
Nicola ne veut plus être un enfant (cf Midnight Express). Ce jeune homme prend la tête d’une génération d’impatients pour qui l’âge compte moins que le pouvoir. Prêts à tout pour l’obtenir.
Cela promet d’être sanglant. Et on sait à quel point le sang excite les piranhas.
Chevaliers des temps modernes ou Équipée Sauvage ?
Romero les avait filmés dans Knight riders et avant lui Corman dans Les Anges Sauvages.