JUMANJI
Joe Johnston, 1995
LE COMMENTAIRE
Les joueurs de poker savent très bien que le plus important est de savoir évaluer le coût d’une partie. Il s’agit là d’une différence avec les joueurs de pétanque qui pensent que le plus important est d’avoir suffisamment de pastis pour tenir une partie. Les enfants quant à eux ne se rendent pas compte de ce dans quoi ils peuvent s’embarquer. Certains jeux ne sont cependant pas à mettre entre toutes les mains.
LE PITCH
Deux enfants découvrent un jeu maudit, pas tout à fait par hasard.
LE RÉSUMÉ
Dans les années 70 du siècle précédent, le petit Alan Parrish (Adam Hann-Byrd) se réfugie sur un chantier pour échapper à une bande de terreurs qui voulaient l’impressionner. Interpellé par une musique de la savane, il découvre un mystérieux jeu de société enfoui sous terre : Jumanji.
À la maison, son père (Jonathan Hyde), patron d’une grande entreprise locale de chaussures, l’informe de sa décision de l’envoyer en pension à Cliffside. Cette perspective n’enchante guère le petit garçon.
You don’t want me living here anymore??
It’s always been the plan…
Alan menace de fuguer (cf Les 400 Coups).
Il invite sa copine Sarah (Laura Bell Bundy) à découvrir ce fameux jeu de société. Chaque coup de dé est suivi d’une énigme. Alan est censé attendre dans la jungle le temps que quelqu’un fasse un 5 ou un 8. Il est aspiré dans le jeu tandis que Sarah s’enfuit à l’arrivée de chauve-souris d’Afrique.
Vingt six ans plus tard, Judy (Kirsten Dunst) et Peter Shepherd (Bradley Pierce) emménagent dans la maison en compagnie de leur tante Nora (Bebe Neuwirth), après la mort de leurs parents dans un accident au Canada. Les deux enfants retrouvent le jeu de société et libèrent les animaux sauvage. Peter joue un 5. Le petit garçon libère ainsi Alan (Robin Williams) vingt six ans plus vieux (cf Hibernatus), qui revient de loin.
You think that mosquitos, monkeys, and lions are bad? That is just the beginning. I’ve seen things you’ve only seen in your nightmares. Things you can’t even imagine. Things you can’t even see.
Le jeu ne peut être interrompu.
Adventurers beware: Do not begin unless you intend to finish. The exciting consequences of the game / will vanish only when a player has reached Jumanji and called out its name.
Tous les trois se mettent à la recherche de Sarah (Bonnie Hunt). Ensemble ils vont pouvoir aller au bout de l’aventure après avoir libéré des éléphants, des rhinocéros, des crocodiles et un braconnier redoutable du nom de Van Pelt (Jonathan Hyde).
A hunter from the darkest wild / Makes you feel just like a child.
Peter joue un mauvais coup de dé dont le sortilège le transforme en singe.
Au terme du jeu, Alan doit affronter Van Pelt les yeux dans la carabine. Il jette les dés une dernière fois, ce qui lui permet de finir le jeu avant que le braconnier ne tire. Tout s’arrête.
Alan retourne dans sa dimension. Et les bêtes féroces ainsi que Van Pelt sont aspirés dans le jeu.
De retour en 1969, Alan se réconcilie avec son père.
I’ve only been gone 5 minutes.
It seems like a lot longer for me.
I thought you were never to talk to me again.
I know I said that. I’m sorry…
Sarah et lui jettent le jeu dans la rivière. Des années plus tard, Alan a reprise l’entreprise familiale. Sarah attend un enfant. Ils retrouvent leurs amis Peter et Judy, et surtout dissuadent les Shepherd de partir au Canada.
Quelque part en France, deux filles retrouvent le jeu enfoui dans le sable…
L’EXPLICATION
Jumanji, c’est un jeu nécessaire.
Dans la vie, il est important d’être lucide sur ce qui nous entoure (cf Eyes Wide Shut), tout en sachant aussi fermer les yeux sur ce qu’il convient d’ignorer (cf Indiana Jones). De la même manière, il y a des jeux auxquels on ferait mieux de ne jamais prendre part. En l’occurrence, Jumanji est la boîte de toutes les peurs qui tentent les enfants. Un jeu dangereux et malgré tout, un jeu utile.
Alan est le premier à y être sensible car il est terrifié à l’idée de devoir prendre la relève de son paternel. La marche lui semble trop haute.
Maybe I don’t want to be who you are.
Jumani l’appelle, un peu comme le lapin blanc attire l’attention d’Alice qui veut fuir le monde pour le pays des Merveilles.
A game for those who seek to find a way to leave their world behind.
Il rate effectivement la marche en refusant d’aller en pension. Sa décision l’enferme dans la jungle pendant vingt six longues années, à devoir lutter pour sa survie. Il plante aussi Sarah, coincée dans sa vie d’adulte par la faute de ce traumatisme jamais réglé.
I was all alone.
Peter et Judy viennent de perdre leurs parents. Eux aussi sont terrifiés par la vie qui les attend. Ils ne sont pas prêts à être catapultés dans le monde des grands. En jouant à Jumanji à leur tour, ils retrouvent Alan qui va les rassurer.
Alan are you ready?
There is no ready.
Oui on a peur dans la vie car on n’est jamais prêt. C’est ainsi. On doit l’accepter et faire au jour le jour. En mode roseau plutôt que chêne. Et surtout il ne sert à rien de se planquer ni de pleurer. Voilà quelque chose qu’Alan a appris au cours de ses longues années de purgatoire.
What, are you crying? You don’t cry, all right? You keep your chin up. Come on, keep your chin up. Crying never helped anybody do anything, okay? You have a problem, you face it like a man.
Aller au bout du jeu que nous propose la vie en devant affronter les pires menaces. Faire face au braconnier, qui ressemble étrangement à notre père. Compléter ce jeu de l’enfer. Réaliser que son paternel n’est pas le monstre qu’on s’imaginait. Finalement, il n’était pas si mal. On s’en rend souvent compte trop tard comme le fait remarquer Arkady (cf Little Odessa).
Twenty-six years buried in the deepest darkest jungle, and I still became my father.
Ne pas avoir peur de libérer ses angoisses pour mieux les affronter. C’est de cette manière qu’on grandit, plus vite qu’on ne le pense (cf Le Monde de Narnia). Ce qui n’est pas un mal en soi car on peut ainsi profiter un peu plus de la vie et de ceux qu’on aime, pour le temps qui nous est imparti (cf Interstellar).