CENTRAL DO BRASIL

CENTRAL DO BRASIL

Walter Salles, 1998

LE COMMENTAIRE

Quand on voit le nombre de couples qui explosent (cf Marriage Story, Kramer contre Kramer, La Guerre des Rose, Blue Valentine) et quand on considère surtout les conséquences désastreuses que ces séparations peuvent avoir sur les enfants (cf Génial mes parents divorcent!, Annette), on se dit qu’on y gagnerait à adopter (cf Demain tout commence, le Kid). Rien que du point de vue du recyclage, cela ferait déjà beaucoup plus de sens. Le contrat passé mutuellement entre l’enfant et le parent adoptif, parce qu’il est choisi, n’en est peut-être que plus fort.

LE PITCH

Un couple de fortune traverse le Brésil.

LE RÉSUMÉ

Dora (Fernanda Montenegro) est une institutrice à la retraite qui fait l’écrivain public à la gare centrale de Rio pour joindre les deux bouts. 1 real la lettre, si elle décide de bien la poster, ce qui n’est pas toujours le cas. Le soir, elle relit les lettres et changent parfois d’avis même si son amie Irene (Marília Pêra) la rappelle à l’ordre.

Ne déchire pas celle là. Tu vas tout gâcher! (…) Ça la regarde, tu n’as pas le droit!

Elle refuse entre autre d’envoyer la lettre de Ana Fontenele (Sola Lira), la mère du petit Josué (Vinícius de Oliveira), sous prétexte que son mari Jesus est un alcoolique notoire.

Malheureusement Ana se fait renverser par un bus. Josué n’a nulle part où aller.

Dora pense d’abord le confier à un couple sans scrupule qui achète des enfants pour les revendre à des étrangers. Avec l’argent, elle s’achète une TV. Puis rongée par les scrupules, elle finit par retrouver Josué.

Tous les deux s’embarquent dans un voyage interminable vers le nord du pays, à la recherche du père de Josué.

C’est encore loin la maison de mon père?

Tu n’as qu’à regarder les panneaux.

Comment ils comptent un kilomètre?

Un kilomètre, c’est mille mètres.

Comment ils font pour savoir?

Ils inventent.

Leurs disputes sont âpres.

T’es moche. Pas étonnant qu’on ne t’ait pas mariée. On dirait un homme, t’es même pas maquillée!

(…) Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça? Tu es ma punition. On n’aurait pas du te mettre au monde, maintenant je t’ai sur le dos. Tu es mon fléau.

Une fois arrivés à destination, Jesus est introuvable. Ses deux fils sont néanmoins vivants. Isaias (Matheus Nachtergaele) et Moises (Caio Junqueira) se débrouillent mieux sans leur père qui serait apparemment parti à Rio pour retrouver Ana.

Finalement, Dora décide de partir en laissant Josué avec ses deux frères. Elle écrit une dernière lettre émouvante à son jeune compagnon de voyage pour ne pas qu’il l’oublie.

Quand je te manquerai, regarde la petite photo qu’on a prise ensemble. Je dis ça parce que j’ai peur que tu m’oublies toi aussi. Mon père me manque. Tout me manque. 

L’EXPLICATION

Central do Brasil, c’est priez pour nous pauvres pêcheurs.

Le Brésil est le pays de l’ordre et du progrès. C’est aussi un pays profondément croyant, avec des slogans Catholiques jusque sur le pare-brise des camions.

Tout est force mais Dieu est pouvoir. (…) Avec Jésus, je suis mon destin.

On est fixé!

Or de Jesus il n’en existe qu’un et en l’occurrence, le capitaine a quitté le navire.

Monsieur Jesus n’habite plus ici. Il a disparu dans la nature. On n’a plus entendu parler de lui.

Dieu n’existe donc plus. Ses fidèles se retrouvent livrés à eux-mêmes. Ils vivotent de petits boulots à Rio, sans famille ni attache à l’image de Dora et son amie Irene. Ces deux femmes n’attendent rien de personne. Parfaitement autonomes dans leur misère affective.

Qui s’occupe de vous?

Nous-mêmes!

Josué est également livré à lui-même après que son étourdie de mère ne soit restée trop longtemps sur le passage pour piétons alors que le feu était passé au vert. Le voilà seul. Orphelin. Sans le sou.

Sur ce continent gigantesque, il ne nous reste donc plus que nous. On se rend faussement service, comme Dora qui extorque quelques reals à des analphabètes pour mieux déchirer leurs lettres. Personne ne se fait de cadeau. Les premiers mots de Dora à Josué sont d’ailleurs très violents.

Ton père n’est pas l’homme que tu crois.

Sympa.

Pire, elle l’échange pour un téléviseur!

Preuve que dans ce monde là, c’est chacun pour soi. Dans la fourmilière de Central do Brasil, nos chemins ne doivent surtout pas se croiser. Nous restons des anonymes.

Vous êtes quoi pour lui ?

Rien.

Il n’y a pas de Dieu (cf Amen). Les gens n’existent tellement pas qu’on finit par les oublier, comme Josué qui ne sait déjà plus à quoi ressemble son père.

Tu te souviens de son visage ?

Parfois oui, parfois tout s’efface dans ma tête.

C’est pratique d’oublier. Comme cela, plus rien ne compte. On se lave les mains de tout et le monde peut véritablement sombrer dans la sauvagerie (cf La Cité de Dieu). L’enfer sur terre (cf Capharnaüm).

Alors que pour peu qu’on parvienne à s’intéresser à l’autre, on arrête de faire du sur place à la gare. On prend le train (cf À bord du Darjeeling Limited), ou plutôt la route (cf Green Book). Avec le temps, on apprend à ne plus se détester.

Ce qui n’est déjà pas si mal.

Apprendre à s’aimer est peut-être ambitieux. Apprenons déjà à nous connaître un peu (cf Le Goût des Autres). Dès lors, on comprendra qu’on a la capacité de s’accompagner. L’aventure peut nous amener plus loin qu’on ne le pense.

Ici c’est le bout du monde.

Dora et Josué se découvrent. Elle admet qu’elle non plus n’a jamais connu son père. Il finit par lui faire des compliments lorsqu’il comprend qu’elle ne l’abandonnera pas. Dora la sceptique reprend un peu vie grâce à Josué. Elle est touchée par sa foi. En effet, le petit garçon est convaincu que Jésus sera de retour.

Un jour, il reviendra!

Ils se quittent sans se perdre, bons amis. Car les routes se séparent aussi. Cela en valait la peine malgré tout. Dora est un peu moins amère. Quant à Josué, il est un peu moins en colère. Ils ont pris une photo ensemble. Tous les deux ont surtout partagé un peu de leur vie, de leurs doutes et de leurs émotions. Pas de risque qu’ils s’oublient.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

Un commentaire

  • Merci pour ce très joli commentaire. Il me semble que vous avez tout dit. Je me permettrais juste de rappeler que Jésus est dans le top 3 des prénoms les plus donnés au Brésil. Donc on se gardera bien de toute comparaison hasardeuse.

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