GÉNIAL MES PARENTS DIVORCENT!
Patrick Braoudé, 1991
LE COMMENTAIRE
Historiquement, on peut divorcer en France depuis l’an de grâce 1792. Dans les faits, on divorce beaucoup plus communément depuis la fin des années 1970, avec une accélération dans les années 1990. Pendant que les adultes en profitent pour se séparer à coeur joie, les victimes collatérales écrivent leur douleur sur les murs.
LE PITCH
Les enfants de divorcés deviennent la norme.
LE RÉSUMÉ
À Chatenay, la rentrée de CM2 est marquée par l’arrivée de Thomas (Volodia Serre), un fils de divorcés. Il est différent de par son status. Le divorce inquiète particulièrement les garçons de la classe qui se laissent aller à toutes les extrapolations:
Vous savez pas, il parait que ses parents ont divorcé pendant les vacances…
Il parait que son père, il traitait sa mère comme de la crotte…
Nan mais ma mère elle a dit qu’elle picole…
C’est pour ça qu’il a pris une maitresse son père…
En tout cas, avec les parents qu’elle a, elle finira putain!
On ne fait pas dans la langue de bois en CM2.
De son côté, Julien (Adrien Dirand) ne veut pas entendre parler de divorce.
Mes parents, ils divorceront jamais! Ils s’aiment.
Même son de cloche pour Christian (Gianni Giardinelli).
Les miens ils sont contre!
Chez José (Fabrice Mansanarez), ce n’est tout simplement pas une option.
Moi ils ont pas droit, le pape il veut pas.
Malheureusement pour Julien, ses parents se séparent. Coup dur! Le petit garçon va se rapprocher de l’expérimenté Thomas qui va l’aider à traverser cette mauvaise passe.
La première année de la séparation, c’est la plus difficile.
Julien se rapproche de la fille de son instituteur (Patrick Braoudé), la petite Pénélope (Jennifer Lauret) élève de CM1.
Tous ces nouveaux rapprochements perturbent l’équilibre fragile de la classe. Les tensions émergent. Christian voit d’un mauvais oeil cette coalition d’enfants de divorcés et le fait clairement savoir. Les langues se délient.
Y’en a plus que marre des divorcés qui foutent la merde dans l’école!
Nous on bosse, les profs ils s’en foutent alors que vous, vous pleurnichez ils sont tout de suite à vos genoux!
Vous êtes des brebis galeuses!
Nos parents ils sont d’accord qu’il vaut mieux éviter de vous fréquenter. Si les vôtres ils sont divorcés c’est qu’ils sont mal dans leur peau. C’est des cinglés de la tête!
C’est la guerre. Les deux clans se rendent coup pour coup. Après le saccage de leur QG, les enfants de divorcés décident de pousser les parents de leurs ennemis au divorce. La stratégie est payante, même si les dégâts émotionnels sont considérables. Désespéré, le petit Edouard (Canaan Marguerite) est sur le point de se jeter dans le vide. Le pire est cependant évité.
Les statistiques poussent Julien à se séparer de Pénélope, de peur de devoir divorcer plus tard. Pas abattue, la petite fille fouille dans les affaires de son père et se débrouille pour changer la copie de Julien, le condamnant au redoublement. Les parents de Pénélope se séparent également pendant l’été. Plus de problème. Rien ne les empêche de se retrouver à la rentrée.
Ça va être le baiser le plus long de toute l’histoire du cinéma…
L’EXPLICATION
Génial mes parents divorcent, ce sont les premiers pas dans le monde des grands.
La transition vers l’age adulte se fait par étape. La maturité se gagne à travers les épreuves. On commence d’abord par la révélation de la non-existence du Père Noël (cf 3615 code Père Noël). Après cette première claque nécessaire, on se relève. Les enfants continuent d’avancer, avec crédulité, dans ce grand mystère de la vie. Guidés par l’amour, bien que cette quête s’accompagne de nombreuses interrogations souvent terrifiantes…
Le dépucelage, c’est connu, la première fois ça fait mal.
Les enfants n’ont aucune idée de ce qui les attend. Ils ne savent pas encore que la vraie vie n’a rien à voir avec une publicité Coca-Cola. Un jour arrive où le fantasme de l’amour, incarné par l’union sacré du mariage des parents, finit par s’évanouir. Car les parents divorcent (cf Marriage Story). Il s’agit en général d’un moment pénible où les enfants doivent basculer dans le monde désenchanté des grands.
Bien que certains le voient venir ou le redoutent, le choc reste important. S’en suit une phase de régression plutôt plaisante au cours de laquelle les enfants ont l’impression de retrouver leur maman pour eux seuls. En général, ils n’en profitent pas très longtemps car la maman en question n’est quand même pas trop bien dans ses baskets.
Comme si j’avais pas assez d’emmerdes comme ça…
Les enfants comprennent alors que les parents ne sont pas fiables (cf Chérie j’ai rétréci les gosses). S’ils veulent s’en sortir, ils doivent faire avec leurs propres moyens (cf Un Prophète).
Pas d’adulte dans le coup, ça regarde que nous!
Signe que les enfants ne le sont plus vraiment : ils ne supportent plus qu’on les prenne pour des imbéciles.
Ça change rien tu sais : maman reste maman et papa reste papa. Pis la famille… c’est un peu un vieux truc. Regarde les feuilletons Américains.
Pour la première fois, ils reconnaissent et admettent la cruelle vérité.
Tout ça c’est de la crotte!
En effet, la vie n’est pas drôle. La vie c’est comme ça, on n’a pas tout ce qu’on veut mon gars disait le poète. Les adultes ne le savent que trop bien et font avec. Doucement, les enfants commencent à faire preuve de plus de maturité (cf Le Diable s’habille en Prada). Plus lucides, ils sortent de leur monde féérique pour adopter une posture plus pragmatique.
Mieux vaut des parents qui s’éclatent plutôt que des coincés du cul.
Encore d’autres épreuves les attendent (cf Les Beaux gosses, Première année, Grave). Au cours de leur apprentissage, ils vont devoir encore commettre quelques erreurs. Même si Julien sait très bien qu’il s’engage avec Pénélope dans un cycle qui va le conduire statistiquement au divorce, il insiste. Pire, il fait la bêtise de redoubler. Sans le savoir, il vient de perdre une année de sa vie. Espérons pour lui qu’il en tire les enseignements plus tard, afin de rattraper le temps perdu.
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