LE KID

LE KID

Charlie Chaplin, 1921

LE COMMENTAIRE

Les rapports entre les enfants et leurs parents ne sont pas de tout repos. Contrairement à ce que le discours politiquement correct prétend, les enfants n’embellissent pas la vie de leurs parents. Ils la prennent en otage et la parasitent. Les enfants transmettent à leurs parents tous les germes qu’ils attrapent ici et là. Leurs caprices font échouer tous les plans d’organisation les mieux calculés. Parfois, les enfants se paient même le luxe d’être ingrats envers leurs aînés alors qu’ils sont pourtant nourris logés blanchis. Malgré tout, les parents ne peuvent pas se résoudre à laisser partir ces petites créatures.

LE PITCH

Un vagabond recueille un orphelin en pleine rue.

LE RÉSUMÉ

Une femme (Edna Purviance) dont le seul crime est d’être tombée enceinte sort de la maternité, son bébé dans les bras. Le père (Carl Miller) fait l’artiste et n’a visiblement aucune envie de prendre ses responsabilités. Célibataire et désespérée, la mère abandonne son enfant dans une voiture la mort dans l’âme. Elle laisse un message, en espérant un avenir meilleur pour son bébé (cf Bernie).

Please love and care for this orphan child.

Prise par le remord, la mère retourne sur place mais la voiture a déjà disparu, volée par deux hommes qui ont laissé l’enfant dans une allée.

C’est par hasard qu’un clochard (Charlie Chaplin) trouve le nourrisson. Il finit par le ramener chez lui.

Les années passent. L’enfant (Jackie Coogan) a grandi. Un mode de fonctionnement s’est mis en place (cf Kramer contre Kramer). Le petit brise des fenêtres, après quoi le clochard passe dans les parages pour jouer les vitriers et gagner un peu d’argent.

La mère est devenue une actrice célèbre (cf La la land). Elle dédie une partie de sa fortune aux oeuvres de charité pour les orphelins.

Le kid se chamaille avec un autre garçon. C’est alors que le grand frère s’emmêle (Charles Reisner) et menace de mettre une correction au clochard, qui évite les coups. L’actrice passe dans les parages et invitent les deux hommes à faire la paix. Elle remarque que le petit garçon semble souffrant et recommande au clochard de faire venir un médecin.

Celui-ci découvre que l’enfant est un orphelin. Les conditions de vie ne se prêtent pas à son bon développement. Il alerte aussitôt les services de la protection de l’enfance pour que le garçon soit placé dans un orphelinat. Le clochard refuse et protège celui qu’il considère comme son fils (cf Central do Brasil).

Lorsque l’actrice revient pour prendre des nouvelles du garçon, elle découvre le message qu’elle avait écrit il y a des années. Elle comprend que ce petit garçon est le sien. Un avis de recherche posté dans les journaux, promettant une prime, lui permet de retrouver son petit.

Car le clochard a été dénoncé aux autorités. Il se retrouve seul et s’endort sur le pas de sa porte. Dans son rêve, il s’imagine être accueilli chez la mère de l’enfant.

L’EXPLICATION

Le Kid, c’est le drame de la paternité.

Les enfants sont historiquement la chasse gardée de la mère bien qu’on doit être deux, en théorie, pour se reproduire. Il n’y en a que pour la mère. On trouve beaucoup d’oeuvres traitant de la maternité vécue de l’intérieur comme un traumatisme physique et émotionnel (cf Mother!, Rosemary’s baby).

La difficulté d’élever un enfant puis de le voir devenir un monstre, sans pouvoir se défaire de ce sentiment d’attachement visceral (cf We need to talk about Kevin, Mommy, La Malediction). On sait aussi à quel point il est dur pour une mère de laisser partir son fils (cf Perfect mothers), ou de quitter sa fille pour accomplir son destin professionnel (cf Proxima).

La complexité du rapport père fils est également traitée en long et en large, mais le plus souvent du point de vue du fils (cf Les Huit Montagnes, Ad Astra, Au nom du père, Indiana Jones et la dernière croisade, Star Wars, le Roi Lion, le Garçu, Raisons d’état, La Gloire de mon père, The King, le Parrain).

Qu’en est-il de ce père maudit, trop souvent oublié (cf Mort d’un commis voyageurl’horloger de Saint Paul, InterstellarLittle Odessa) ?

À quoi sert-il ?

Que ressent-il ?

L’homme est un misérable, qui ère dans la vie – sans but. Un solitaire (cf Mad Max) qui essaie d’éviter les problèmes. C’est déjà pas mal. Il ne choisit jamais vraiment de devenir père (cf Demain tout commence). La paternité lui tombe un peu dessus, comme le cadeau un peu empoisonné d’une femme qu’il ne connait pas vraiment. Il s’agit plus d’une adoption. Cela doit devenir un choix.

Son réflexe initial est d’abord de fuir ses responsabilités. Puis, un peu sous la contrainte de la police, il finit par endosser le costume de père (cf Locke). À sa surprise, ce rôle lui correspond.

En effet, le père et son fils s’entendent plutôt bien. Leur association de malfaiteurs leur permet de gagner suffisamment d’argent pour vivre un jour de plus. Au jour le jour. Un père ne fait pas de plan sur la comète car il ne peut tout simplement pas se le permettre. Ce qui est finalement très bien comme cela.

Ces deux êtres humains apprennent à se découvrir leurs goûts respectifs en matière de sirop d’érable. Ils s’apprivoisent.

Le père doit prendre des risques pour couvrir son fils en cas de problème. Lorsque la situation l’exige, il prend également soin de lui. Si nécessaire, le père doit même aller contre l’avis des docteurs ou des autorités compétentes en la matière, pour ce qu’il estime être le bien de son enfant – qu’il connaît mieux que les autres.

C’est en général au moment où tout commence à fonctionner que l’on prive le père de son fils. On le lui confisque sans lui demander son avis. Il a fait le travail sans voir son fils s’épanouir. Le fils est rendu à la mère.

Le père reste là, abandonné de tous. Sans nouvelle. Comme s’il n’en méritait pas. Il repense au Millésime de Pascal Obispo en se disant que cette chanson était une belle arnaque. Malgré tout, il ne se plaint pas car il sait que c’est ce que le sort lui réserve. Il ne fait de reproche à personne. Pas le genre de la maison. Il retient ses cris (cf Le Parrain 3). Car lui-même a été élevé à la dure (cf À la recherche du bonheur).

Il ne lui reste plus qu’à rêver discrètement à une vie meilleure pour tout le monde. Car malgré tous ses défauts, il n’est pas l’égoïste que l’on croit (cf Mon Roi).

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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