LA CAGE AUX FOLLES
Édouard Molinaro, 1978
LE COMMENTAIRE
Après des générations de patriarcat, les hommes ne sont plus à la fête. On les licencie sans frais (cf Chute Libre), on les tue à coups de pic à glace (cf Basic Instinct), on les viole (cf Harcèlement)! Les pervers narcissiques (cf Mon Roi) et les porcs sont tombés (cf L’intouchable Harvey Weinstein). Pourtant quand on gratte le maquillage, on ne trouve en dessous qu’un petit être tout fragile.
LE PITCH
Un couple gay se prépare à fêter une catastrophe.
LE RÉSUMÉ
Renato Baldi (Ugo Tognazzi) partage sa vie avec Albin Mougeotte (Michel Serrault), la meneuse de revue de la Cage aux Folles – son cabaret de drag queens (cf Pédale Douce). Il doit quotidiennement gérer les états d’âme de son partenaire star.
J’ai envie de mourir Docteur!
C’est tous les soirs la même chose…
Albin ne se sent plus autant désiré après vingt ans de mariage. Cela n’est pas pour lui plaire. Il le fait savoir et refuse de se produire.
Tu me regardes comme un pot au feu, plus comme une reine de théâtre.
Renato doit trouver les mots, et parfois malheureusement avoir recours à la force, pour qu’Albin décide de quitter sa chambre et monter sur scène.
Laurent (Rémi Laurent), le fils de Renato, débarque à l’improviste avec une nouvelle. Il va bientôt se marier.
Elle s’appelle comment la salope?
Andréa Charrier (Luisa Maneri) – la fille de Simon Charrier (Michel Galabru), député du parti ultra-conservateur de l’Union pour l’Ordre Moral. Afin que tout se passe bien, Laurent demande à son père de faire un effort. Plus de statues grecques, ni de petites manières.
Le moins de gestes possible. Tu bouges pas, tu parles pas.
Jacob (Benny Luke) devra porter des chaussures. Et Albin devra s’en aller quelques jours. C’est le drame.
On me chasse. Cela n’a plus d’importance. Je vous laisse. Le monstre s’en va…
Pour faire plaisir à Laurent, Renato demande à Simone (Claire Maurier), la mère de son fils, de se joindre. Une femme avec laquelle il a entretenu une relation de courte durée.
Ça a duré combien de temps nous deux ?
De deux heures et demi à quatre heure moins le quart.
Le soir de la rencontre, Renato donne le change. Simone est en retard. Alors Albin se sacrifie pour sauver héroïquement les meubles en maman travestie. Simon Charrier est évidemment contrarié.
C’est pas net ça…
André parvient à dire ses quatre vérités à son père.
Ça fait dix huit ans que j’ai peur de toi.
Acculé, Charrier veut quitter les lieux. Dénoncé par son chauffeur (Venantino Venantini), le député est attendu à la sortie du cabaret par un parterre de journalistes. Albin le maquille de façon à ce qu’il passe inaperçu. En échange, Charrier doit consentir au mariage. Il accepte.
L’exfiltration a lieu discrètement. Ce qui ne sera pas le cas du mariage. En effet, Albin fait une scène à Renato pendant la cérémonie, agacé par la présence de Simone.
Je te préviens que si elle reste ici, moi je ne reste pas au déjeuner!
L’EXPLICATION
La Cage aux Folles, c’est ne plus jouer la comédie.
L’homme n’a pas son pareil pour se soustraire au réel (cf Le Prestige). Cela veut dire que toutes les occasions sont bonnes pour continuer de s’épanouir dans un déni le plus total. Pas besoin de mettre du maquillage. La comédie se joue en dehors du cabaret.
Comme par exemple Charrier et son parti pour les valeurs morales, qui font la promotion d’une vie d’ascète sans vraiment y croire. Le député fait mine de tomber des nues lorsqu’il apprend la nouvelle de la mort du Président. Comme s’il n’arrivait pas à encaisser l’information. Plus que le décès du Président, ce sont les circonstances qui posent problème.
Le président Berthier est mort, dans les bras d’une femme. Une prostituée. Et mineure en plus. Mineure, et noire.
Comment?
Tout le monde sait que le Président était humain. Seul Charrier faisait peut-être encore mine de fermer les yeux pour ne pas voir la vérité en face.
Quand Laurent, complice de cette mauvaise plaisanterie, prétend que son père est attaché culturel, Charrier baigne dans son jus. Il est servi. Trop content de pouvoir assouvir son fantasme éveillé. Sa fille se marie avec un très bon parti. Le rêve.
Il est dans la carrière!
Tout le monde joue donc la comédie, jusqu’à ce qu’Albin rentre en scène. Soudainement tout s’arrête.
Car Albin, sous ses airs différents, est finalement le plus honnête de tous. On croit qu’il exagère alors qu’il est sans doute le plus authentique, paradoxalement. Il se fait passer pour quelqu’un d’autre, alors que lui et Renato sont les seuls à être capables de tenir un discours de vérité.
À propos du couple.
Tu sais que tu me coutes cher ?
À propos de Laurent et de ce mariage.
Il va gâcher sa vie, c’est tout.
À propos du quotidien.
J’travaille trop, je m’énerve alors qu’est-ce que tu veux : je gonfle!
À propos de la vie en général.
Oui je mets du fond de teint, oui je vis avec un homme, oui je suis une vieille tata. Mais j’ai trouvé mon équilibre. Et j’ai mis plus de vingt ans pour ça et ce ne sera pas ton con de député qui va tout démolir. J’m’en tamponne de ton député. Je l’emmerde ton député!
Tous les deux disent les choses comme ils les pensent. Avant tout, ils disent les choses comme elles sont, sans filtre. Leurs manières vont contre les convenances. À l’encontre des règles du Jeu. C’est pourquoi leurs mots font mouche à chaque fois.
La première fois ça surprend toujours.
Ils savent mieux que les autres ce qui se passe. Experts de la comédie, car évoluant dans un monde où chacun cherche à danser. Ils savent faire la différence entre les talents, et les imposteurs. Quand ils rentrent dans le personnage, ils sont vrais. De ce point de vue, le cabaret est un lieu de libertés.
La cage, c’est quand on en sort.